L'économie informelle, part importante du PIB, est considérée comme un obstacle majeur au développement de la production nationale et de la diversification économique. «Le commerce du cabas», qui désigne les activités commerciales du marché noir, est une expression très connue des Algériens. Selon les initiateurs du programme, les conclusions de l'étude permettront aussi de quantifier l'impact de l'économie souterraine sur l'économie formelle. Financée par le Cread, l'enquête nationale sera encadrée par des universitaires, des experts économiques et des représentants des ministères des Finances, de l'Agriculture, de l'Industrie, du Travail, et des représentants des organismes étatiques comme l'ONS et le centre de registre de commerce. La première phase sera menée dans la wilaya frontalière de Tlemcen et la seconde, qui sera effectuée avec la contribution financière du Pnud, sera consacrée en 2018 à tout le territoire national. Collecte de données. Mounir Lassassi, directeur du projet et chercheur au Cread, explique que cette enquête permettra de déterminer la taille du marché de l'informel via la collecte de données fiables et chiffrées, et permettra aux pouvoirs publics d'établir une stratégie plus adaptée pour éradiquer l'économie parallèle. « L'objectif est de permettre de faire émerger des solutions opérationnelles pour le traitement de ce fléau », a-t-il affirmé. Alors que les commerçants et les entrepreneurs du circuit formel dénoncent la pression fiscale qu'ils subissent depuis l'entrée en vigueur de la loi de finance 2017, les acteurs de l'informel échappent à toute fiscalité. Pis encore, Yassine Benadda, économiste et président du cabinet de consulting A. M. Experts Djazaïr, explique : « Les circuits informels profitent de l'augmentation de la fiscalité pour augmenter leurs marges, alors que ceux-ci ne subissent quasiment pas d'imposition. » Pour mettre fin à cette concurrence déloyale, les opérateurs économiques et les principales organisations patronales appellent à la mise en œuvre de mesures plus restrictives contre les activités informelles. « Nous avons toujours considéré que le marché informel constitue un danger pour l'économie et la souveraineté nationales. Des petites et moyennes entreprises disparaissent à cause de ce phénomène. Il ne s'agit pas seulement de concurrence déloyale », explique Mohand-Saïd Naït Abdelaziz, président de la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA). En effet, malgré les mesures prises par le gouvernement – la mise en conformité fiscale volontaire et l'emprunt obligataire via des bons anonymes à l'adresse des capitaux circulant dans les réseaux informels –, les retombées de ces initiatives sont mitigées. Dans le cadre de la loi de finances 2017, le gouvernement a décidé d'augmenter la TVA de deux points, passant de 7 à 9 %, ou de 17 à 19 % selon les catégories de produits. D'après les nombreux témoignages que nous avons recueillis, cette mesure est controversée par les opérateurs économiques du circuit formel. « La fiscalité supportée par les entreprises est lourde, notamment depuis les récentes augmentations de TVA. Actuellement, le nombre des contentieux entre les opérateurs et l'administration fiscale est important », déplore Habib Yousfi, président de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA). Ce dernier explique : Le soulagement de la pression fiscale pourrait avoir un effet incitatif en direction des acteurs de l'économie informelle pour s'inscrire dans la légalité. Quelles sont les mesures les mieux adaptées pour réorganiser et légaliser les activités de l'économie souterraine ? Yassine Benadda plaide pour la levée des freins à l'investissement et la mise en place de politiques publiques offrant de meilleures perspectives économiques. «Nous devons améliorer les offres bancaires ou financières conformes aux préceptes de l'islam afin de répondre aux besoins non satisfaits par les offres bancaires classiques », explique l'économiste. Une option adoptée par le ministère des Finances qui étudie de nouvelles mesures consistant à proposer des produits financiers et bancaires qui permettraient une bancarisation plus large de l'économie informelle. «Pour lutter contre les circuits invisibles de l'économie, le gouvernement doit aussi investir dans les marchés de proximité, encourager et faciliter l'investissement, lever les contraintes s'érigeant contre le développement de la grande distribution en Algérie, assainir les réseaux logistiques et de distribution dans lesquels prospèrent les intermédiaires et les spéculateurs », explique Mahjoub Bedda. Pression fiscale. De son côté, Yassine Benadda rappelle que, selon une étude de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la taxe sur la consommation peut avoir un impact sur la croissance positive. De même pour la taxation sur la propriété immobilière. Selon de nombreux spécialistes, la lutte contre le marché informel n'est pas une entreprise facile à mettre en œuvre. À l'échelle mondiale, la lutte contre la fraude fiscale représente une des priorités des gouvernements. Pour y parvenir, les pays de l'OCDE ont mis en œuvre une stratégie qui consiste à renforcer le cadre législatif, à réorganiser l'administration et à faire fructifier la collaboration et la coordination des échanges de données entre les institutions étatiques. Ainsi, il est important de signaler qu'une lutte efficace contre l'économie informelle, qui représente un manque à gagner important pour le Trésor public, la sécurité sociale et le système de retraite, nécessite aussi l'implication de tous les acteurs, y compris ceux de la société civile. Car l'attitude adoptée par le consommateur est aussi déterminante dans la réussite du processus de régulation, d'assainissement et de préservation de la qualité, de la traçabilité des produits proposés sur le marché. Et nombreux sont ceux qui considèrent qu'il serait judicieux d'inscrire la lutte contre de l'informel comme une cause nationale. (Suite et fin)