Le gouvernement, qui vient de lancer une étude sur l'informel, évoque pour la première fois le poids de l'économie souterraine évaluée à 45% du produit national brut (PNB). Pour le patronat algérien, la lutte contre l'économie souterraine, une plaie majeure de l'économie algérienne, passe par une bancarisation rigoureuse des fonds informels et un allégement de la pression fiscale. «Lancer une étude sur l'économie informelle, c'est une bonne initiative, mais il ne faudrait pas se cantonner à l'aspect théorique. Il faut aller au fond des choses et traiter le problème de manière rigoureuse», juge Mohand-Saïd Naït Abdelaziz, président de la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA), joint hier par téléphone. Et d'ajouter : «Nous avons toujours considéré que le marché informel constitue un danger pour l'économie et la souveraineté nationales. Des PME-PMI disparaissent à cause de ce phénomène. Il ne s'agit pas seulement de concurrence déloyale. Dans les pays en voie de développement, les institutions internationales et les gouvernements considèrent qu'il s'agit d'un mal nécessaire. On doit prendre le taureau par les cornes et limiter l'influence des réseaux de l'informel sur l'économie nationale. Il faut avoir le courage politique d'intégrer les flux monétaires circulant dans l'informel dans le circuit formel. L'économie nationale a besoin de tous les fonds, y compris ceux de l'informel pour son développement.» En août 2015, l'Exécutif avait instauré un programme de mise en conformité fiscale volontaire qui permet aux acteurs économiques du secteur informel de déclarer leurs avoirs cachés, dont le bilan était, selon lui, «insuffisant». Pour notre interlocuteur, le dispositif à mettre en place doit être incitatif pour convaincre les détenteurs de cet argent et suffisamment coercitif pour les contraindre à se conformer à la réglementation. «Le gouvernement doit donner des garanties et des gages et son action ne doit pas être limitée dans le temps. Elle doit s'inscrire dans la durée. Cela dit, l'action du gouvernement doit être efficace et rigoureuse», explique le président de la CNPA. Pour sa part, Habib Yousfi, président de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), considère que le lancement d'une étude sur le marché informel constitue une mesure tardive alors que le phénomène s'est enraciné depuis belle lurette dans diverses activités économiques. «La problématique de l'informel n'est pas simple. Le manque de confiance est l'une des causes à l'origine de sa persistance. La fiscalité supportée par les entreprises est très lourde, notamment depuis les récentes augmentations de TVA. Actuellement, le nombre des contentieux entre les opérateurs et l'administration fiscale est important», déplore le président de la CGEA. Les autorités ont décidé, dans le cadre de la loi de finances 2017, d'augmenter la TVA de deux points (de 7% à 9%, ou de 17% à 19% selon les catégories de produits). Le rétablissement de la confiance entre opérateurs économiques et l'administration passe, à ses yeux, par un allègement de la pression fiscale. A ce titre, il plaide pour une refonte du système fiscal de manière à permettre aux entreprises de continuer de souffler. La pression fiscale sur les PME en Algérie est l'une des plus lourdes au monde, selon un récent rapport du cabinet international PricewaterhouseCooper, réalisé en partenariat avec la Banque mondiale. Ainsi, l'Algérie est classée 155e sur 189 pays, avec un taux d'imposition total de 65,6%, bien supérieur à la moyenne mondiale qui se situe à 40,6%. Pour Habib Yousfi, la diminution de la pression fiscale pourrait avoir un effet incitatif en direction d'autres acteurs de l'économie souterraine, qui pourraient potentiellement s'inscrire dans la légalité.