Un vibrant hommage, tout en musique, a été rendu jeudi à Alger par des musiciens et chanteurs algériens à l'un des pionniers de la chanson oranaise moderne, Blaoui El-Houari disparu le mois dernier. Organisée à l'Opéra d'Alger Boualem Bessaih, cette soirée a vu se succéder sur scène les chanteurs Amel Atbi, Maati El Hadj et Baroudi Benkhedda qui ont invité le public à redécouvrir le riche répertoire de Blaoui El Houari. Accompagné d'un orchestre dirigé par Kamel Mâati, le chanteur Mâati El Hadj a replongé le public, peu nombreux à avoir fait le déplacement, dans l'univers de la chanson oranaise moderne en rendant hommage aux deux monuments du genre, Blaoui El-Houari et Ahmed Wahbi, en interprétant «El Kindil», une chanson écrite et composée par Blaoui El-Houari en hommage à Ahmed Wahbi. Le chanteur a également proposé au public des morceaux des plus connus du défunt à savoir «Chahlet Lâayoun» et «Fat Elli Fat», avant que la jeune chanteuse Amel Atbi ne reprenne «Matouel Dellil» de Ahmed Wahbi. Un grand nom de la chanson oranaise et élève de Blaoui El Houari, Baroudi Benkhedda a également pris part à cet hommage en reprenant ce que le maître réussissait le mieux, reprendre les poèmes du malhoun, en proposant à son auditoire des morceaux du terroir comme «Serredj» et «Ach Bkali». Avec une voix cristalline et autant d'élégance que son mentor, Baroudi Benkhedda, qui a rappelé que «toute une génération de chanteur devait son succès à Blaoui El Houari», a également interprété «Merssem Wahran» comme un «hommage rendu à la ville et à ses enfants». L'orchestre composé entre autres du violoniste Khalil Baba Ahmed, du guitariste Aboubakr Mâatallah ou encore du joueur de qanoun Belkacem Benalioua s'est également incliné à la mémoire du compositeur de génie qu'était Blaoui El Houari. Né le 23 janvier 1926 à Haï Médina J'dida, à Oran, Blaoui Houari fera son apprentissage musical grâce à son père Mohamed Tazi mélomane et joueur de kuitra (sorte de guitare) ainsi que son frère Kouider Blaoui qui lui fera découvrir et aimer les sonorités du banjo et de la mandoline. Il quitte l'école vers l'âge de 13 ans pour aider son père qui tenait un café. Sous l'influence des musiciens oranais, il va s'imprégner de la musique moderne. Et c'est aux Folies Bergères, devenu plus tard le Cinéma Pigalle puis aujourd'hui Salle el-Feth qu'il remporte un premier prix de Radio-Crochet. Ce succès le décidera dans une voie de modernisateur d'un genre populaire oranais, le bédoui, auquel il restera attaché. En 1942, lors du débarquement américain à Oran, il est engagé comme pointeur aux docks du port. Il va alors s'initier au piano et à l'accordéon et reprendra en compagnie de Maurice El Médioni des succès américains et français. Durant les années 1940, il anime des mariages, des circoncisions et des fêtes familiales, transcrivant, pour la première fois, la musique bédouine avec des instruments modernes notamment en reprenant le célèbre poème Biya Dek el-Môr écrit par Cheikh Bensmir. En 1943, il fonde avec l'aide de son frère Maâzouzi et de l'arbitre international Kouider Benzelat son premier orchestre musicos-théâtral où l'on retrouve Abdelkader Haoues, Boutlélis, Meftah Hmida et Blaoui Kouider. En 1949, il prend la direction de l'orchestre chargé d'animer, tous les quinze jours durant six mois, la saison de l'opéra d'Oran. Devenu professionnel, il enregistre en 1955 chez Pathé son premier 45 tours où il reprend le fameux Rani M'hayer de Benyekhlef Boutaleb. Blaoui Houari a été interné lors de la guerre d'Algérie dans un camp à Sig (ex Saint Denis du Sig). Après l'indépendance, il rejoint la station régionale d'Oran de la Radio et Télévision algérienne (RTA) en tant que chef d'orchestre. Il participe durant sept mois à l'animation de l'ensemble musical algérien qui se produisait à l'exposition universelle de 1970 d'Osaka, au Japon. En 1986, il enregistre un album sous le titre Dikrayat Wahran, Les souvenirs d'Oran. Il adopte un rythme et style tout à fait oranais. Depuis, il s'est retiré progressivement de la scène artistique. Outre un répertoire riche de plus de 500 chanson, il avait contribué à l'émergence de nombreuses stars de la chanson oranaise et du raï durant les années 1980, à l'image de Khaled, qui a repris de nombreux titres de son répertoire, Mami ou encore Houari Benchennat. En avril dernier, Blaoui Houari avait reçu la médaille de l'ordre du mérite national au rang de «Achir», décernée par le Président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Blaoui El Houari s'est éteint le 19 juillet dernier à Oran à l'âge de 91 ans.