Pour tous les artistes, Oran est considérée à juste titre comme la matrice de la chanson algérienne pour avoir, de tous temps, engendré les plus grandes figures de cet art et dont les noms évoquent déjà toute une légende : Blaoui Houari, Ahmed Wahby, Benzerga, Hasni, Khaled, entre autres, et la liste est encore longue. Dans ce prestigieux cénacle, Ahmed Wahby occupe une place privilégiée. Il trône en phénix de la chanson algérienne pour avoir su imposer un style musical authentique, qui puise ses racines dans un métissage entre la chanson orientale et bédouie, et porter dans la rue les plus grands textes de la poésie populaire algérienne. La chanson algérienne lui doit d'inoubliables airs qui ont su défier l'usure du temps et qui continuent à être fredonnés par des générations de mélomanes ou imités par des nuées de jeunes talents qui veulent tenter l'aventure de la chanson. La ville d'Oran, qui l'a adopté dès sa naissance, lui doit un hymne qui retentira à travers la planète. Elle lui rendra la politesse en baptisant de son nom le Conservatoire de la ville et en lui rendant un hommage lors du premier festival de la chanson oranaise en octobre 2008. A l'occasion de la célébration du seizième anniversaire de sa disparition, en hommage à son considérable apport à la chanson algérienne, il serait inconvenable de ne pas revenir sur le parcours de cet artiste d'exception. Ahmed Driche-Tedjini, plus connu sous le nom de Ahmed Wahby, est né le 18 novembre 1921 à Marseille, fils de Driche Tedjini Abdelkader, plus connu sous le pseudonyme de Dader, et de Raphaella Visciano, française d'origine italienne. Il sera orphelin de sa mère dès l'âge de trois mois et sera élevé à Oran au domicile de ses grands parents. Dans la boutique de son grand-père, il trouvera quelques instruments de musique qui susciteront la vocation du jeune enfant pour la musique. C'est à l'âge de 16 ans,au sein de la formation des scouts musulmans En Nadjah, où il aura pour compagnons Hammou Boutklélis, A. Hachelaf et Mohamed Bouras, qu'il fera sa première exhibition de ses dons artistiques lors d'une excursion dans les environs d'Oran. Le jeune Ahmed chante, devant ce public de jeunes scouts, des chansons de Mohamed Abdelwahab avec une assurance qui émerveillera ses compagnons. Dès 1942, alors qu'il effectuait son service militaire en Europe et en Tunisie, il envisage une carrière d'artiste et décide d'adopter définitivement le pseudonyme de Ahmed Wahby. De retour en Algérie, il intègre la troupe théâtrale Hilal el Djazaïr aux côtés des Abdelhalim Raïs, Taha El Amiri, et Mustapha Badie. Il se produit alors à l'opéra d'Oran en compagnie de l'orchestre dirigé par Blaoui Houari. Sous les conseils de l'artiste Missoum qui l'incite à s'intéresser au patrimoine national. Ahmed Wahby abandonné la chanson oriental pour créer son propre style, le bédoui moderne. Il décroche un contrat d'enregistrement avec Radio Alger. En 1947, il est à Paris où il chante au cabaret Koutoubia. Ce sera l'époque de ses premiers succès, avec notamment « Alach Tloumouni » et se produira sur les scènes d'Oran, Alger et Paris. Il s'inscrit au Conservatoire de Paris pour deux années. En 1954, il chante deux chansons sur le massacre du 8 mai 45 qui seront interdites par les autorités coloniales. Il fait partie de la troupe Ali Riahi aux côtés de grands noms de la scène et de la chanson algériennes. Il chante alors ses grands succès « Wahran » « Lasnamia ». Deux grandes rencontres détermineront la carrière artistique de Ahmed Wahby. La première interviendra, en 1955, avec le grand poète Abdelkader Khaldi et le propulsera au statut de maître de la chanson bédouie moderne. L'auteur de « Bakhta » lui confiera plusieurs de ses qacidates qui constitueront de grands succès, à l'instar de « Touil Erragba » ou « Yamina ». En 1957, Ahmed Wahby doit rejoindre Tunis pour intégrer la troupe artistique du FLN avec laquelle il sillonnera le monde et composera tout un répertoire de chants patriotiques. A l'indépendance, il dirige avec Blaoui Houari l'orchestre de la RTA. Puis ce sera l'exil en France, puis au Maroc. La seconde étape importante qui marquera la carrière de Ahmed Wahby est la rencontre avec le parolier Saïm El Hadj qui lui écrira, alors que l'artiste traversait une période difficile, les chansons « Fat elli Fat », « Chahlat Layoune », « Mouhel Tfaraqna El Ahoule ».Dans les années 70, Ahmed Wahby se produit à la RTA ou compose pour de nouveaux talents et crée un Institut arabe de la musique En 1981, Ahmed Wahby est désigné secrétaire général de l'Unuion Nationale des Arts Culturels (UNAC). En 1992, il est décoré de l'Ordre du mérite national pour ses quarante années de carrière. Ahmed Wahby décède le 28 octobre 1993 à Alger à l'âge de 72 ans.