En ces temps troublés par la désinformation pernicieuse et l'inculture désastreuse, rares sont, dans l'opinion sous influence, les esprits forts et éclairés qui situent la présence musulmane en France antérieurement aux années 1960-1970, ignorant tout ou presque du sacrifice des tirailleurs nord-africains et africains dans l'enfer des deux guerres mondiales. Quant à remonter au Moyen-Age, cela dépasse littéralement l'entendement, et pourtant... Une fabuleuse découverte archéologique à Nîmes, surnommée la « Rome française » pour avoir été fondée pendant l'Antiquité et receler des monuments romains de toute beauté, témoigne d'une présence musulmane dans le paysage national bien plus ancienne que certains le prétendent, apportant un cuisant démenti à ceux qui revisitent l'histoire à seule fin de la délégitimer et diaboliser. Trois tombes musulmanes, les plus anciennes jamais excavées en France ( la plus ancienne, jusqu'à ce jour, datait du XIIIe siècle et avait été localisée à Marseille), ont été en effet exhumées lors de fouilles menées aux abords d'une grande avenue de Nîmes, à l'occasion de la construction d'un parking souterrain. D'une valeur historique et scientifique inestimable, elles constituent les premiers indices de la présence de communautés musulmanes dans le sud du pays, entre le 7ème et le 9ème siècle. La disposition des corps, en l'occurrence trois hommes, placés sur le côté, la tête regardant dans la direction de la Mecque, atteste de rites funéraires musulmans. "On savait que les musulmans sont venus en France au VIIIe siècle mais on n'avait jusqu'alors aucune trace matérielle de leur passage", a commenté l'anthropologue Yves Gleize, de l'Institut français de recherches archéologues (INRAP), principal auteur de cette recherche publiée mercredi aux Etats-Unis dans la revue Plos One. "L'analyse archéologique, anthropologique et génétique de ces sépultures du début de l'époque médiévale à Nîmes fournit des preuves matérielles d'une occupation musulmane au VIIIe siècle dans le sud de la France", a-t-il précisé, alors que les analyses des ADN prélevés sur des dents et les os ont révélé l'origine nord-africaine des cadavres. Ces trois hommes étaient âgés respectivement de 20 à 29 ans pour l'un d'eux, d'une trentaine d'années pour le deuxième, et de plus de 50 ans pour le troisième, et n'avaient aucune trace de blessure. Données à l'appui, les anthropologues en ont conclu que ces trois dépouilles étaient des Berbères enrôlés dans l'armée du califat des Omeyyades, durant la conquête arabe en Afrique du Nord au VIIIe siècle. Reconstituant l'histoire de la co-existence de ces musulmans avec les populations autochtones à partir de la localisation de leurs tombes dans une enceinte romaine qui devait délimiter une communauté urbaine, et à proximité de sépultures chrétiennes, les chercheurs semblent partagent les thèses avancées par plusieurs historiens, selon lesquelles à Narbonne, qui fut un temps sous domination musulmane au début du Moyen-Age, les populations locales jouissaient d'une sorte de protection pour, en échange, pouvoir préserver leurs lois et leurs traditions. Pour l'anthropologue Yves-Gleize, la découverte de ces sépultures vient renforcer l'hypothèse de liens plus complexes noués entre les communautés musulmanes et chrétiennes, à l'aube de l'ère moyenâgeuse.