Le ministère du Commerce avait confié en 2014/2015 selon l'APS au Pnud une étude sur la sphère informelle qui représenterait 45% de la superficie économique. Le ministre du Commerce l'avait évalué en 2012 à plus de 50 milliards de dollars, la banque d'Algérie et une enquête de l'ONS à plus de 40% de la masse monétaire en circulation. L'ex: ministre des Finances, Benkhalfa l'avait évalué dans un entretien à une télévision privée entre 40 et 50 milliards de dollars et en 2016. L'ex: Premier ministre Abdelmalek Sellal a donné le montant de 37 milliards de dollars (flach APS) en se référant aux données de la banque d'Algérie. Contredisant tous ces organes officiels, en septembre 2017 le Premier ministre Ahmed Ouyahia donne un autre montant 17 milliards de dollar, soutenu par. un ex: ministre, Amar Tou sans apport d'arguments valables, dans une allégeance pour le premier ministre actuel, tout en défendant le financement non conventionnel sans le relier au cadre macro-économique et macro-social. Dans ce cadre, nous avons deux périodes, la période, la première pouvant aller jusqu'en 1963/1987 , première crise pétrolière, avec la gestion administrative centralisée qui avait consacré le système de l'Etat-providence prônant le plein emploi par le moyen de sureffectifs dans les entreprises publiques et les administrations pour acheter, du moins temporairement, la paix sociale date de la crise où les recettes des hydrocarbures se sont effondrés ayant assisté sous la pression des évènements extérieurs à des réformes timides. Ensuite la période de 1986 à nos jours avec le point culminant de 1994 date du rééchelonnement et de l'ajustement structurel, étant toujours dans cette interminable transition ni économie de marché concurrentielle, ni économie administrée expliquant d'ailleurs les difficultés de la régulation politique, sociale et économique. Durant la première période, l'Etat fixe les prix, les salaires, le taux d'intérêt, le taux de change d'une manière administrative Pour preuve on distribue des bénéfices même aux unités déficitaires et nous avons un quasi monopole sur toutes les activités.. Comme conséquence des politiques de cette période et cela n'est pas propre à l'Algérie, les pays de l'ex camp communiste ont connu le même phénomène, nous assistons à l'extension de la sphère informelle où nous avons le prix fixé par l'Etat bas dont bénéficient une minorité qui devant également la rareté de l'offre nous trouvons ces mêmes marchandises sur le marché parallèle au prix du marché donnant des rentes de situation à une frange de monopoleurs issus du secteur d'Etat. Sur le plan externe les trafics aux frontières profitent de cette distorsion de prix et également sur le marché de la devise, pénalisant en dernier lieu le budget de l'Etat algérien. Pour la secondé période non achevée, de 1970/2017 les entreprises publiques subissent des "plans sociaux'' qui se traduisent par des dégraissages massifs, et l'enjeu à l'avenir qui entre 2017/2020 sera plus douloureux est l'ajustement social de la fonction publique. Cette période est caractérisée par une la libération des prix et la levée du monopole de l'Etat sur le commerce extérieur qui expliquent pour beaucoup les changements qui ont lieu dans l'économie informelle, changements sans la mise en place de nouveaux mécanismes de régulation dans la mesure où en économie de marché la fonction de l'Etat régulateur est stratégique. Ce qui explique que l'ouverture anarchique avec une tendance du passage d'un monopole d'Etat à un monopole privé beaucoup plus néfaste a donné lieu à de nouvelles pratiques informelles. Déjà avec la consécration de la convertibilité commerciale du dinar en 1994, les sociétés d'import-export avaient commencé à connaître une prolifération, la majeure partie de ces sociétés ayant été créées soit par des détenteurs de capitaux ou par d'anciens cadres du secteur public en quête de placements à gains à très court terme. Faute d'institutions solides s'adaptant à la nouvelle situation, car le contrôle s'avère de peu d'efficacité (sinon il faudrait une armée de contrôleurs avec des coûts faramineux), nous assistons à une multiplication des petites activités informelles se concentrant surtout dans le petit commerce et les services, comme mode de survie dans un marché de l'emploi en crise. A cet aspect, se sont greffés la fraude fiscale, la corruption et les détournements des fonds publics. 4– La sphère informelle et la politique socio-économique La lutte contre la sphère informelle implique avant tout l'efficacité des institutions et une moralisation de la pratique des structures de l'Etat eux mêmes au plus haut niveau, niveau de dépenses en contradiction avec les pratiques sociales malgré des discours moralisateurs, avec cette montée de la paupérisation qui crée une névrose collective. C'est seulement quand l'Etat est droit est qu'il peut devenir un Etat de droit Quant à l'Etat de droit, ce n'est pas un Etat fonctionnaire qui gère un consensus de conjoncture ou une duplicité provisoire, mais un Etat fonctionnel qui fonde son autorité à partir d'une certaine philosophie du droit d'une part, d'autre part par une assimilation consciente des besoins présents de la communauté et d'une vision future de ses perspectives. Dans ce cadre, la sphère informelle en Algérie est favorisée par l'instabilité juridique et le manque de visibilité de la politique socio-économique. Les entrepreneurs qu'ils soient nationaux ou étrangers demandent seulement à voir clair, du moins ceux qui misent sur le moyen et long terme (investissement inducteurs de valeur ajoutée contrairement à l'importation solution de facilité). Or ils sont totalement désemparés face aux changements périodiques du cadre juridique ce qui risque de faire fuir le peu de capitaux surtout en cette période de crise qui montre le rapatriement massif vers les pays d'origine et orienter les nationaux vers la sphère informelle. Que nos responsables visitent les sites où fleurit l'informel de l'Est à l'Ouest, du Nord au Sud et ils verront que l'on peut lever des milliards de centimes à des taux d'usure mais avec des hypothèques car existe une intermédiation financière informelle. Les mesures autoritaires bureaucratiques produisent l'effet inverse et lorsqu'un gouvernement agit administrativement et loin des mécanismes transparents et de la concertation social, la société enfante ses propres règles pour fonctionner qui ont valeur de droit puisque reposant sur un contrat entre les citoyens, s'éloignant ainsi des règles que le pouvoir veut imposer : exemple les transactions aux niveaux des frontières pour contourner les myopies des bureaucraties locales, agissant sur les distorsions des prix et des taux de change et le droit coutumier dans les transactions immobilières. On ne peut isoler la sphère réelle de la sphère monétaire, le cours du dinar sur le marché parallèle en ce mois de septembre 2017 approche 200 dinars un euro dont avec la crise mondiale l'épargne de l'émigration ayant été affectée (diminution de l'offre) n'explique pas tout, l'explication essentielle étant le grossissement de la sphère informelle (accroissement également de la demande). Le constat est donc amer, pour les petites bourses, en l'absence de mécanismes de régulation et de contrôle, les prix des produits de large consommation connaissent, comme de coutume, notamment à la veille de chaque fête des augmentations sans précédent, les discours gouvernementaux et les organisations censés sensibiliser les commerçants ayant peu d'impacts, prêchant dans le désert, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques. Un grand nombre d'intermédiaires entre le producteur et le consommateur (agriculture et industries tant pour la production locale que pour les importations) prend des marges non proportionnelles aux services rendus ce qui fait que le contrôle sur le détaillant ne s'attaque pas à l'essentiel. Or, la sphère informelle contrôle quatre segments-clefs : celui des fruits et légumes, de la viande, celui du poisson pour les marchandises locales et pour l'importation, le textile – chaussures ayant un impact sur le pouvoir d'achat de la majorité des citoyens devant analyser les liens entre l'accumulation, la structuration du modèle de consommation et la répartition des revenus par couches sociales, enquêtes inexistantes en Algérie. 5 -Poser les liens entre la sphère informelle et la gouvernance La construction d'un Etat de Droit est inséparable de l'instauration d'une véritable économie productive reposant sur l'entreprise créatrice de richesses ce, afin de pouvoir favoriser une saine concurrence et attirer les flux d'investissement nécessaires pour une croissance durable, Il ne suffit pas de crier sur les toits que cette sphère ne paye pas les impôts. Il faut expliquer les raisons de son existence et de son extension et surtout les actions à mener pour son intégration, dans la mesure où la sphère informelle n'est pas le produit historique du hasard mais trouve son essence dans les dysfonctionnements de l'Etat et ce, à travers toutes les sphères, n'étant que la résultante du poids de la bureaucratie et du trop d'Etat au sein d'une économie et du blocage des réformes. Aussi, les obstacles ou la rapidité de la construction d'un Etat de droit et d'une véritable économie de marché concurrentielle qui fait que cette sphère diminue ou s'étend. Cela pose d'ailleurs la problématique de la construction de l'Etat et ses nouvelles missions en économie de marché. C'est faute d'une compréhension l'insérant dans le cadre de la dynamique sociale et historique que certains reposent leurs actions sur des mesures seulement pénales la taxent de tous les maux, paradoxalement par ceux mêmes qui permettent son extension en freinant les réformes. Cela ne concerne pas uniquement les catégories économiques mais d'autres segments difficilement quantifiables. Ainsi, la rumeur est le système d'information informel par excellence, accentué en Algérie par la tradition de la voie orale, rumeur qui peut être destructrice mais n'étant que la traduction de la faiblesse de la démocratisation du système économique et politique, donnant d'ailleurs du pouvoir à ceux qui contrôlent l'information. L'utilisation de divers actes administratifs de l'Etat à des prix administrés du fait des relations de clientèles transitent également par ce marché grâce au poids de la bureaucratie qui trouve sa puissance par l'extension de cette sphère informelle. Cela pose d'ailleurs la problématique des subventions qui ne profitent pas toujours aux plus défavorisées (parce généralisables à toutes les couches) rendant opaques la gestion de certaines entreprises publiques et nécessitant à l'avenir que ces subventions soient prises en charges non plus par les entreprises mais budgétisées au niveau du parlement pour plus de transparence. Toute analyse objective de la sphère informelle et de l'inflation, la facilité de certains responsables étant d'imputer cela à l'inflation importée alors pourquoi au moment où le taux d'inflation mondial tenant vers zéro, n'y a t-il pas répercussion de cette baisse, doit partir d'une analyse globale, des mécanismes de régulation internes largement influencés par la régulation de l'économie mondiale , l'économie algérienne étant une économie totalement rentière exportant 98% en hydrocarbures brut et semi bruts et important 75% de ses besoins de l'étranger. Les méthodologies de calculs valables dans une économie structurée, comme j'ai eu à le démonter depuis des années, donnent des résultats biaisés, d'où les taux officiels de l'inflation de chômage. En résumé, on peut démontrer scientifiquement que l'extension de la sphère informelle est le produit des dysfonctionnements des appareils de l'Etat et de la bureaucratie centrale et locale. Elle contrôle 70% des segments de produits de première nécessité. Cette sphère utilise des billets de banques au lieu de la monnaie scripturale (chèques) ou électronique faute de confiance, existant des situations soit de monopole ou d'oligopoles au niveau de cette sphère avec des liens entre certaines sphères et la logique rentière. Je me propose dans cette contribution d'analyser le fondement de la sphère informelle en Algérie qui a un impact sur la régulation économique et sociale globale. Il y a un lien inversement proportionnel entre l'avancée des réformes structurelles qui seules peuvent intégrer la sphère informelle et l'évolution du cours des hydrocarbures, réformes ralenties paradoxalement lorsque le cours est en hausse alors que cela devrait être le contraire si l'on veut préparer l'ère hors hydrocarbures. La dominance de la sphère informelle dont l'essence revoie au mode de gouvernance et à l'incohérence de la politique socio-économique explique que des mesures bureaucratiques ont eu d'effets pour son intégration. (Suite et fin) Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international