A Paris, l'Institut du monde arabe célèbre ses 30 ans. L'IMA est une institution unique en son genre, à la fois centre culturel et outil diplomatique franco-arabe. Un statut hybride qui lui a causé quelques soucis, avant que le vaisseau amarré en bord de Seine ne trouve sa vitesse de croisière. L'Institut du monde arabe est le premier grand chantier lancé au début des années 1980 par le socialiste François Mitterrand. C'est lui qui décide de l'emplacement de l'IMA, dans le 5e arrondissement de la capitale, non loin de la Grande mosquée de Paris, des grandes universités et avec vue sur la cathédrale Notre-Dame : tout un symbole. S'ils ne l'ont pas tous visité, les Parisiens connaissent la silhouette de l'Institut du monde arabe. Un vaste parvis, un bâtiment comme une grand-voile et une façade mêlant les styles orientaux et occidentaux. La construction est confiée à l'époque à un jeune architecte, Jean Nouvel. Il conçoit notamment les 240 moucharabiehs, ces ouvertures dans la façade qui se règlent selon l'intensité du soleil. Un dispositif ambitieux, qui tombe malheureusement en panne rapidement, à l'image de l'Institut lui-même. Problèmes de financement Le statut hybride de l'Institut du monde arabe résulte d'un montage complexe. L'IMA est une fondation de droit privé, qui devait être financée à la fois par la France et par les 21 Etats membres de la Ligue arabe. Mais beaucoup n'ont jamais payé leur part. D'autres ont contribué de manière plus ou moins régulière. Depuis une dizaine d'années, le budget est bouclé grâce à une subvention du ministère français des Affaires étrangères, d'un montant de 12 millions d'euros par an. Une subvention régulièrement remise en cause. Les dirigeants de l'Institut courent donc le monde arabe à la recherche de mécènes, dans les pays du Golfe. Ils font aussi appel à la générosité des multinationales : le pétrolier Total ou le cimentier Lafarge, entre autres. A ces problèmes financiers s'est ajoutée, dans le passé, une programmation parfois hasardeuse, comme l'exposition des peintures de Saïf al-Islam Kadhafi, le fils du colonel Mouammar Kadhafi, le Guide libyen, en 2002. Les pertes se sont creusées. Le retour d'un certain dynamisme Mais depuis près de quatre ans, sous la direction de Jack Lang, l'ancien ministre socialiste de la Culture, l'IMA retrouve son lustre. Malgré une polémique sur les frais de réception et un procès qui oppose l'institution au traiteur Noura, pour cause d'impayés, les voyants sont repassés au vert. La programmation a su évoluer : plus jeune, plus ouverte, avec des soirées musicales rap ou électro et des expositions évènements comme Osiris ou l'Orient express. Résultat : la fréquentation a doublé avec plus de 800 000 visiteurs l'an dernier (et même un million avant les attentats de 2015 à Paris). Les cours de langue font le plein. La bibliothèque, riche de 100 000 volumes, a rouvert. Les collections permanentes sont mieux exposées : on y trouve des trésors, comme un fragment d'un tombeau de Palmyre en Syrie, issu d'un site totalement détruit par la guerre. Une antenne régionale a également ouvert à Tourcoing, dans le nord de la France. Quant aux moucharabiehs de la façade parisienne, ils fonctionnent à nouveau depuis vendredi 28 septembre. Le coût total de ce lifting de l'Institut du monde arabe s'élève à 17 millions d'euros. Le Qatar et le Koweït ont payé pour la bibliothèque. L'Arabie saoudite a financé la rénovation des moucharabiehs. A l'IMA, la culture est toujours un exercice diplomatique de haute volée.