Alors que la récente querelle entre les pouvoirs politique et économique algériens semble pour l'instant en voie d'apaisement, Abdelrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international et ancien président de l'Adem (1992-2014), trace ici des pistes pour contribuer à la clarification du débat, avec l'objectif revendiqué de «privilégier avant tout les intérêts supérieurs de l'Algérie». Le Forum des chefs d'entreprises (FCE), dans plusieurs placards publicitaires en date du 1er août 2017, a mentionné, sans préciser la date de ses données statistiques, qu'il représente 2 000 chefs d'entreprises, qu'il emploie 300 000 travailleurs et qu'il réalise un chiffre d'affaires de 40 milliards de dollars. J'ai toujours défendu l'économie de marché concurrentielle à vocation sociale, qui a été inscrite dans la nouvelle Constitution. Au moment fort du «socialisme de la mamelle », j'ai dirigé le premier audit sur le secteur privé pour le compte du comité central du FLN, en 1979-1980. Puis, j'ai créé l'Association algérienne de développement de l'économie de marché (Adem), dont j'ai eu l'honneur d'être président de 1992 (date où certains préconisaient l'économie de guerre) à 2014. Dans cette action, j'ai été accompagné par de nombreux experts, intellectuels – entrepreneurs du secteur d'Etat et du secteur privé de toutes les régions du pays –, et ayant fait une large tournée, tant au niveau national qu'à l'étranger, notamment aux Etats-Unis et en Europe, pour expliquer notre démarche, au profit exclusif de l'Algérie. J'ai toujours insisté sur le couple indissociable efficacité économique, répartition juste du revenu national par une profonde justice sociale qui n'est pas antinomique de l'efficacité. Donc, je n'ai de leçons à recevoir de personne vis-à-vis de la défense du secteur privé créateur de richesses, qui a besoin d'être développé et soutenu – en symbiose avec le secteur d'Etat – en levant les contraintes du milieu des affaires, loin des rentes : bureaucratie, système financier, système socio-éducatif et le foncier. Aussi, personne n'ayant le monopole du nationalisme et de la vérité, pour asseoir sa crédibilité auprès des autres organisations patronales, publiques et privées – dont CGEOA, CNPA, CAP, CGP/ BTPH- SEVE (entrepreneurs féminin) –, le FCE, où je compte de nombreux amis, doit répondre aux questions suivantes afin d'éclairer l'opinion publique. 1. À propos des 2 000 chefs d'entreprises membres du FCE Que représentent-ils par rapport au total des entrepreneurs privés en Algérie, tant au niveau de la sphère réelle qu'informelle ? Quelle est la structuration par secteur d'activité des 2 000 entreprises, en distinguant le chiffre d'affaires relevant de la production locale, de la sphère commerciale interne et des activités liées à l'importation ? Quelle est la nature juridique des sociétés : Sarl, sociétés par actions ou autres ? 2. À propos des 300 000 travailleurs Quelle est la part de l'emploi créé par rapport à la population active d'environ 12 millions et en activité d'environ 11 millions ? Quelle est la masse salariale octroyée et sa ventilation par qualification ? - Etant à l'aube de la quatrième révolution économique, le capital argent n'étant qu'un moyen, combien de ses adhérents ont des laboratoires de recherche, et quelle est la part du chiffre d'affaires qu'ils consacrent à la recherche ? 3. À propos des 4 000 milliards de dinars de chiffre d'affaires Sur les 40 milliards de dollars de chiffre d'affaires pour tester la contribution au développement national par secteurs et exactement datés de 2006 à 2016 : Sa part dans le chiffre global du pays et du secteur d'Etat/secteur privé ? Sa part au regard du chiffre d'affaires de Sonatrach ? Sa part de ce chiffre d'affaires par rapport à la sphère informelle ? La part de l'investissement productif du FCE dans le total investissement public/privé entre 2006 et 2016, en mettant en relief le pourcentage de leurs fonds propres ? 4. Mais les indicateurs les plus pertinents sont : La création de valeur ajoutée du FCE. Le profit net de toutes les entreprises du FCE, charges déduites. Le paiement des impôts à l'Etat par les membres du FCE. La contribution du FCE aux exportations hors hydrocarbures, par produits. Le montant des crédits bancaires et le montant des exonérations fiscales reçus par cette organisation. Combien, sur ces 2 000 entreprises, disposent d'une comptabilité analytique pour cerner leurs couts, et combien sont initiées au management stratégique, afin d'être concurrentielles ? En résumé, nous avons des données assez précises à ces questions, mais voudrions les confronter avec celles du FCE. Notre objectif – loin des querelles stériles, en ces moments de tensions budgétaires et de grands bouleversements géostratégiques dans la région – est de privilégier avant tout les intérêts supérieurs de l'Algérie, sans distinguer le secteur d'Etat et le secteur privé, devant contribuer tous ensemble au développement national par un large débat productif. Une économie en voie de tertiairisation. Notons enfin que selon le président de l'Agence nationale de développement et de l'investissement (Andi), lors d'une conférence tenue en mai 2017 (reprise par l'APS), il existerait actuellement en Algérie 320 000 entreprises dont beaucoup sont des PME, alors que l'on devrait compter quelque 800 000 à 1 million d'entreprises. Par ailleurs, avec 97-98 % de recettes en devises provenant des hydrocarbures et dérivés, selon l'ONS, le PIB en dinars courant a été en 2016 de 17 179 922 milliers de dinars – dont l'agriculture pour 2 034 533, les hydrocarbures pour 2 677 295, l'industrie pour 972 521, les BTPH par 2 071 300, les services marchands pour 5 060 603, et les services non marchands de 2 997 656 (en milliers de dinars courants). Ces chiffres mettent en évidence la tertiairisation de l'économie algérienne. Quel est l'apport du FCE à la dynamisation du secteur productif ? Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international