D'emblée, les lumières un peu diffuses de la Galerie Mohammed Racim vous accueillent dans un délicat décorum, un peu high-tech, avec des cloisons en verre et des notes de bois déclinées au fond, comme un Moucharabieh qui n'aurait pas déçu les amateurs de traditions et de modernité. Tout cela est un peu conçu comme un écrin pour une galerie qui reprend ses droits et qui rend à César ce qui appartient à César. Les artistes ont leur espace et l'Epic Arts et Culture mérite franchement le bon point pour les trains qui arrivent à l'heure et pour les artistes qui exposent dans des lieux adéquats. Pour cette fois, un plasticien qui monte, l'architecte-artiste-peintre Mohamed Chafa Ouzani qui, dans une exposition très complète, vient du 21 octobre au 09 novembre 2017 partager avec nous une longue passion faite de turpitudes plastiques, tourmentées, faites de doutes, d'approximations, mais aussi de références induites par les peintres Issiakhem, Khadda, Martinez, la peinture du signe...qui sont autant d'images perçues, dans la prime enfance à Chemini, ensuite sur les routes entre Kherrata et Akbou, pour se parfaire des lignes blanches de la belle Alger qui le mèneront ensuite à Béjaïa pour une sorte de stabilisation bien méritée. L'architecte manipule la forme et le dessin à main levée depuis des lustres, il dessine, croque, imite, s'inspire dans la plus complète des curiosités des années 1990 à 2000, dans les rets d'une expression, torturée, semi-figurative, faite de dessins, de portraits et paysages aux blessures apparentes, puis ensuite le reste du parcours, fait de cheminements erratiques de 2000 à 2010 qui le cadenasseront dans de larges projets d'architecture, de réalisations de chantiers divers qui seront autant d'intermèdes assumés à bon escient, mais ponctués aussi de dessins, de recherches qui n'ont pas trouvé le chemin des toiles. Chafa ne dessine pas de croquis, il passe directement à l'crylique sur toile. De 2010 à 2011, il passe donc à l'abstraction lyrique, pose les jalons de sa nouvelle démarche plastique pour nous livrer près de 50 travaux de formats assez éloquents qui frisent les 100 cm par œuvre sur 60, 80 ou 90 cm et qui s'autorisent toutes les audaces peintes, et colorées. «Pérégrinations» est donc le nom générique de ce voyage dans les tons chauds d'un artiste qui montre un talent fougueux dans le choix de ses couleurs et de ses formes, il laisse souvent une masse sortie du lot, se faire tortueuse, lucide et menant comme un viatique sur des cimes qui rappellent la maison de la grand-mère et du grand-père dans une nostalgie un peu installée dans ces «maisons» qui siègent comme le manifeste d'une enfance adorée qui se délecte de ces formes très colorées, de ces croissants de lune gentils et de ces étoiles un peu perdues dans des cieux et des «skylines» qui sont autant de référents discrets à cette divine architecture mais aussi de digressions fantastiques. Mohamed Chafa Ouzzani, laisse souvent sur quelques œuvres sa liberté prendre le pas sur ses carrés magiques, ses lignes fluides ou ses couleurs flamboyantes pour aller sur des chemins peints buissonniers pour nous promettre que cet artiste humaniste à la générosité «contaminante» sait se faire garnement, petit coquin et souvent un peu provoquant même comme pour conjurer la trop grande noblesse de sa peinture qui offre ce délicieux paradoxe de la tranquillité, de la finesse dans un savoir-faire qui ne reste plus à prouver. Cet artiste sait s'échapper par des chemins vicinaux, sur certaines peintures plus libres que d'autres, plus gestuelles, plus nerveuses, plus chaudes. Il garde intacte son éthique de la sincérité, même quand il donne savamment cette savoureuse impression d'inachevé pour nous donner à voir un grand nombre de peintures semi-figuratives aux dimensions poétiques, riches en images et dont la valeur esthétique est posée dans les bonnes pages de l'histoire de l'art algérien. Mohamed Chafa Ouzzani donne rendez-vous aux esthètes de tous bords, et le voyage mérite le détour, car l'artiste nous mène par monts et par vaux dans des dimensions insoupçonnées dont le mystère peut être découvert sous les lumières et sur les cimaises de la Galerie Racim. Vite y aller avant que la nuit tombe... Mohamed Chafa Ouzzani, exposition «Pérégrinations» peintures, avec la collaboration d'OXXO, du 21 octobre au 09 novembre 2017. Galerie Mohammed Racim, 07 avenue Pasteur, Alger-Centre.