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Alger, âme captive de son histoire ou Dzayer, de Bologuine
Publié dans La Nouvelle République le 23 - 01 - 2018

«La véritable histoire objective d'un peuple commence lorsqu'elle devient aussi une histoire écrite.», Friedrich Hegel (1770-1831)
Le sujet est tellement intéressant et vaste à la fois, que notre Quotidien «La Nouvelle République» a tenu à l'insérer dans ses colonnes, à l'intention de ses lecteurs, comme un document d'Histoire. Et, en effet, il l'est de par sa consistance, en matière d'informations authentiques de notre passé, rédigées sous forme de chronologie pour leur permettre de suivre aisément les principales péripéties qui ont présidé à la formation de notre Maghreb et, principalement, de sa partie centrale, qui sera appelée plus tard, des siècles après, l'Algérie. Il est certain que ce document servira aux jeunes étudiants qui veulent apprendre leur Histoire, la vraie, pour oublier celle qui a été altérée, corrompue par le temps et les hommes. Il servira également à tous les Algériens qui veulent connaître ce que furent leurs ancêtres dans leur élan créateur qui les a faits dynamiques dans l'édification de leur civilisation autonome.
Dans ce présent document – intéressant, au risque de nous répéter – nous allons aborder le parcours de notre capitale depuis sa refondation par Bologuine au Xe siècle, Alger, cette âme qui demeure, jusqu'à l'heure, captive de son histoire.
La dynastie des Zirides
Après cette brève introduction, nécessaire au demeurant, et avant de parler de Bologuine ou Bologhine, faisons brièvement l'Histoire de la dynastie dont il est issu.
C'est en effet une dynastie berbère sanhadjie qui a régné de 972 à 1152 dans le calendrier grégorien (d'autres historiens disent jusqu'en 1148). Elle a régné sur le Maghreb au Xe siècle et sur l'Andalousie au XIe siècle. D'ailleurs Josiane Lahlou raconte les péripéties et les exploits de cette grande dynastie berbère dans : «Les Zirides, fondateurs d'Alger et de Grenade», aux Editions Dalimen. Oui, Grenade dont la construction a commencé avec Habous, le Ziride es-Sanhadji el Amazighi, en 1014 et s'est terminée par son fils Badis.
Mais d'où vient cette appellation de la dynastie ? Tout simplement de Ziri Ibn Menad Es-Sanhadji, un chef militaire qui a rallié les Fatimides non sans donner son patronyme à la dynastie. Ainsi, les Zirides ont gouverné l'Ifriqya ou le Maghreb islamique au Xe siècle au nom des Califes fatimides qui s'étaient installés en Egypte, puis sont devenus indépendants à partir du milieu du XIe siècle. Les Zirides se transmettaient le pouvoir par voie héréditaire et, de ce fait, ils ont constitué une véritable dynastie.
Le fondateur Ziri Ibn Menad est originaire d'Achir, une localité située à 45 km à l'ouest de Boghari, dans le djebel «El Akhdhar». Elle a été érigée en capitale avec l'appui des Fatimides, et à sa tête Ziri en tant que gouverneur.
Concernant Achir, El Bekri, géographe et historien de l'Hispanie musulmane (Al-Andalus) rapporte au début du XIe siècle : «l'on assure que, dans toute la région, il n'y a pas de place qui soit plus forte, plus difficile à prendre et plus propre à décourager l'ennemi». C'était une place invulnérable, donc imprenable. Le site, écrit Lucien Colvin dans «Le Maghrib central à l'époque des Zirides», est un petit plateau, qui domine une immense plaine vers le sud. Sa valeur stratégique indéniable en faisait un lieu de prédilection pour l'édification d'une cité forteresse ; véritable sentinelle avancée gardant la montagne contre les entreprises des nomades de la plaine.
Au Xe siècle, deux grandes confédérations de tribus berbères se trouvaient ainsi en perpétuelle opposition : les «Talkata», appartenant à la confédération des Ṣanhadja tenaient la montagne, la plaine était parcourue par diverses tribus de la confédération des «Zenata». La fortune des Talkata se dessinera avec un de leurs chefs : Ziri, fils de Ménad. Il constitue une armée avec laquelle il s'impose aux autres tribus de la montagne. Il pacifie le Maghreb central au nom des Fatimides et obtient en récompense, du Calife al-Qa'im fils de «Mahdi Ubayd Allah», l'autorisation de bâtir sa ville (en 935/6). Pour ce faire, il déplace de Msila, de Souk Ḥamza et de Tobna tous les artisans et les maçons dont il a besoin et il se fait envoyer, par al-Qa'im, «un architecte qui surpassait tous ceux de l'Ifriqiya», selon l'Egyptien «al-Nuwayri» historien et jurisconsulte du XIVe siècle.
Achir était aussi un lieu d'échanges actifs entre le Tell et la Steppe, de même qu'un centre intellectuel où affluaient les légistes et les savants. Elle fit vraiment figure de capitale et Ziri de souverain qui commandait aux contingents les plus redoutables, qui surveillait le Maghreb central du haut de son belvédère et qui frappait monnaie à son nom.
Ainsi, après le père, c'est le fils qui prend la relève. Car, les Fatimides, après leur installation en Egypte en 973, par le biais de leur Calife al-Mu'izz li-Dîn Allah, ont désigné le fils de Ziri, Bologuine, de son vrai nom «Abou al-Foutouh Seyf al-Dawla Bologuine Ibn Ziri as-Sanhadji», en tant que Calife du Maghreb qui abandonna sa résidence et sa capitale non sans garder des liens étroits avec Achir où sa famille va demeurer.
Le Calife al-Mu'izz li-Dîn Allah al Fatimi
Faisons cependant une digression pour mieux connaître ce Calife fatimide al-Mu'izz li-Dîn Allah. Il est né en 932 à Mahdia (à 200 kilomètres au sud de la capitale Tunis), il est mort en 975. Il est le quatrième calife fatimide, successeur d'Al-Mansur en 953.
Selon l'historien du XIVe siècle, l'Egyptien Ahmad al-Maqrîzî, le Calife al-Mu'izz est un «savant, magnifique, généreux, de belles mœurs, juste pour ses sujets et passionné d'astronomie».
Et pour conquérir l'Egypte, il a envoyé son général Jawhar al-Siqilli qui était d'origine sicilienne. Au service du calife il établit le plus grand Empire fatimide de l'Histoire en conquérant l'Afrique du Nord, l'Egypte et la Syrie. Il fonda aussi la ville d'El-Qahirah (Le Caire) avec les Berbères de Koutama (originaires de l'Est de l'actuelle Algérie) et la grande mosquée d'El-Azhar, qui est la seconde plus vieille Université du monde. Ainsi, en parlant des Zirides, on ne pouvait ne pas évoquer le Calife al-Mu'izz li-Dîn Allah al Fatimi, également son général Jawhar al-Siqilli (le Sicilien).
Mais que sont ces Fatimides ?
Ils tirent leurs origines de Fatima, fille du prophète Sidna Mohamed et des tribus berbères, les Koutama d'Algérie, nouvellement converties au chiisme. La dynastie a été fondée en 909 par «Ubayd Allah al-Mahdi», qui est de la secte des Chérifs alaouites fatimides, et qui a commencé le mouvement en s'appuyant sur les tribus Koutamas de la Basse-Kabylie qu'il a converties à l'Islam chiite.
Ainsi, à l'origine du mouvement fatimide il y a le «dâ`i» ismaélien «Abu Abd Allah ach-Chi'i» qui vient du Yémen et qui, entre la fin du IXe siècle et le début du Xe siècle, prêche au profit des Fatimides depuis «Iqjane», en Basse-Kabylie, dans l'actuelle wilaya de Sétif où il trouve un écho favorable, parvenant à se rallier de nombreux partisans chez les Berbères, et à partir de laquelle il lance une révolte contre les Aghlabides de Kairouan. Cette dynastie amazighe musulmane régna sur l'Ifriqiya de (909 à 1048) et en Egypte de (969-1171).
Bologuine refonde Dzayer, et construit Lemdiya et Miliana
Revenons chez nous, à notre Bologuine. Une fois conforté par ce grand titre de Calife du Maghreb, il va s'installer à Mansouriya, près de Kairouan. Néanmoins, et bien avant cette investiture, il va reconstruire Icosium au milieu du Xe siècle, en 960, en fortifiant et en agrandissant le site occupé par les «Beni Mezghenna» et la baptisa «Dzayer Beni Mezghenna». Il va construire également Lemdiya (Médéa) et Miliana et va engager la lutte contre les Zénètes, alliés des Omeyades et adversaires des Fatimides.
Il va s'emparer de Fès et du Maroc (980). Les Zirides fidèles lieutenants des Fatimides tentèrent de poursuivre la politique d'expansion vers l'Ouest. Les Zénètes s'appuient alors sur les Omeyyades de Cordoue pour reprendre leur territoire et leurs villes y compris Alger. Bologuine ibn Ziri s'empare de presque tout le Maghreb en suivant les directives d'al-Mu'izz li-Dîn Allah al Fatimi. Avec cette aide des Fatimides, Bologuine détenait toutes les villes du Maghreb. Il avait pour ordre de mener la guerre contre les Zénètes et de mettre en œuvre le recouvrement des impôts chez les Berbères sous l'emprise de l'épée.
Qui sont les Zénètes ?
Un groupe de tribus amazighes de cette époque dont descendent plusieurs tribus amazighes actuelles. Les Zénètes ont formé nombre de royaumes qui ont eu pour capitale Tlemcen, Sidjilmassa ou encore Fès. Ibn Khaldoun écrivait : «Les Zénètes forment avec les Masmouda et les Sanhadja, un des trois grands groupes berbères de l'ère musulmane. Ils descendent de Madghis, nomades qui habitaient les plaines du Maghreb»
Les Zénètes se sont répandus dans tout le Maghreb notamment, dans les Aurès, l'Ouarsenis, le Rif et le Nord du Moyen-Atlas. L'Andalousie a accueilli une forte colonie de Zénètes qui allaient peupler des régions entières du Centre pour laisser des traces dans la toponymie, dans la culture et dans la population espagnole.
Ainsi, les Berbères Zénètes sont à l'origine de plusieurs dynasties musulmanes comme celles des Banou Ifren (Les Banou Ifren ou Ifrenides, au Xe siècle, de la branche de Madghis (Medghassen) et des Maghraoua avant les Fatimides de la tribu Koutama et avant les Almoravides de la tribu des Sanhadja. Après les Almoravides, on retrouve les plus grandes dynasties Zénètes comme celles des Mérinides et des Abdelwadides de 1300 à 1397.
Dans cette géographie et à partir de leurs origines ancestrales, les Zénètes vont inciter les autres tribus berbères à se révolter. Les Koutama prennent leur distance des Zirides et la guerre va éclater entre les deux tribus. Le résultat ne pouvait être que néfaste : Mila et Sétif sont rasées par les Zirides. Les Omeyyades se rangent du côté des Zénètes en acceptant de les aider à reconquérir leurs territoires, en particulier ceux des Maghraoua.
En voyant l'armée des Zénètes venue d'Andalousie, par voie maritime, s'installer à Ceuta, Bologuine Ibn Ziri rebrousse chemin et décède en 983. Il s'ensuit une longue période de défaite pour les Zirides. Les Maghraouas regagnent leurs territoires et leur souveraineté dans le Maghreb central et dans l'Ouest grâce à Ziri Ibn Attia issue des Maghraouas. Toutes les villes du centre jusqu'à Tanger redeviennent des villes Zénètes, y compris Alger.
Les «Banu Hilal» et les «Banu Soleïm»
La dynastie des Zirides doit se résigner, au XIe siècle à voir les Sanhadjas de l'Ouest devenir indépendants et créer la dynastie des Hammadides par Hammad Ibn Bologuine, avec pour capitale «Qalaât Bani Hammad», puis Béjaïa. Plus tard, Achir et sa région seront confiées aux Hammadides et quand ces derniers déclareront leur indépendance des Zirides, ils l'annexeront, après l'arrangement de 1017, à leur domaine. Achir sera très convoitée et elle changera à plusieurs reprises de maître.
Dans cette ambiance de luttes intestines..., pour le pouvoir, les Zirides répudient l'autorité fatimide et le calife, non content de cette décision, envoie contre eux en 1052 deux grandes tribus bédouines turbulentes : les «Banu Hilal» et les «Banu Soleïm», qui dévastent le pays et sèment l'anarchie. Les derniers Zirides subissent au XIIe siècle les invasions des Normands de Sicile. Leur dynastie disparaît sous le coup des Almohades. Un autre groupe ziride constitue une dynastie à Grenade, jusqu'à la fin du XIe siècle.
Dzayer, refondée par Bologuine Ibn Ziri Ibn Ménad
Ainsi, les Zirides, ayant consommé leur autorité après presque deux siècles de dynastie sur le Maghreb et l'Andalousie, voyons ce qui est de l'étymologie du toponyme qu'ils ont attribué à la ville d'Alger, cette grande Cité refondée par Bologuine Ibn Ziri Ibn Ménad Es-Sanhadji El Amazighi.
Plusieurs hypothèses ont été formulées par les historiens et les géographes. Ce que nous pouvons retenir, quant à nous, selon la logique, c'est ce qui est important pour le toponyme d'Alger et l'appellation des Algérois. «Dzayer» qui, sans l'article El, est plus apte à désigner Ziri que des îlots (sachant qu'en arabe l'île se dit «El Djazira» et au pluriel «El Djouzour»). Et être un «Dziri» (c'est-à-dire un Algérois), signifie en toute logique davantage être un Ziride qu'un îlien ou un insulaire, lorsque la ville devint sous Bologuine Ibn Ziri la capitale de la dynastie Zirides, tribu des Ziri.
Enfin, dans ce cadre du toponyme d'Alger, il faut noter que Abou Obeid El-Bekri, géographe et historien andalou – déjà cité –, repris à plusieurs siècles de distance, par Louis de Mas Latrie, historien et diplomate français du XIXe siècle, confirme le fait que les habitants d'Alger et de ses alentours (Mitidja) étaient Berbères et vivaient à la limite du royaume Hammadides encore en place. Ce qui veut dire en termes clairs que la berbérophonie de ces populations était bien présente.
Ainsi donc, Alger ne pouvait signifier «El-Djazaïr/les îles» en parler berbère, d'autant que de fondation Ziride, les At Mezghan (Beni Mezghenna) ont été soumis, à une époque plus ancienne, à la conquête ziride pour devenir les «Zirides Beni Mezghenna» après l'occupation de la ville par Bologuine Ibn Ziri. CQFD, comme expliqué en mathématiques !
Continuons encore sur Alger, cette Cité des «At Mezghan ou Beni Mezghenna». Faisons une rétrospective très simple pour transmettre le maximum de ce qu'elle a donné dans sa remarquable contribution à la vie – ou à la civilisation – dans le Bassin méditerranéen. En effet, «Dzayer» est là, témoin d'un passé grandiose, où se suppléèrent des dynasties, en se bousculant sur son site convoité.
Ces nombreuses dynasties – que nous avons précédemment vues – auxquelles s'ajoutent d'autres lignées de Berbères autochtones qui venaient d'ailleurs, en des exodes organisés, à partir d'un autre monde berbéro-arabe dans le Maghreb occidental, parce que chassées hélas de cette belle et regrettée Andalousie..., après la «Reconquista», ont marqué de leur temps Alger, l'un des pôles les plus importants dans le Maghreb. Important, en effet, parce que le savoir et le développement n'ont pas cessé de s'étendre dans tous les coins et recoins de la capitale.
«Dzayer Beni Mezghenna»
Profondément marquée par les cultures qui se sont succédé dans ses murs, depuis la nuit des temps, «Dzayer Beni Mezghenna», baptisée ainsi en 960 par Bologuine, ce souverain de la lignée amazighe des Sanhadja, ou «El Behdja» aujourd'hui, qui a toujours été l'un des fleurons, auguste et dominant, de ceux qui l'ont gouvernée, a su profiter de cet héritage majestueux et non moins varié, pour en faire son patrimoine qui traduit, dans les plus belles formes, les éléments qui constituent sa beauté et son identité.
Mohammed Abul-Kassem Ibn Hawqal qui fut un voyageur, chroniqueur et géographe du Xe siècle, a visité «Dzayer» au milieu du Xe siècle, et nous rapporte cette description : «Alger, ville entourée de murs, se trouve au bord de la mer. Elle contient plusieurs marchés et possède de nombreuses sources limpides qui coulent sur le rivage... Son territoire est formé de vastes plaines et de montagnes peuplées d'un grand nombre de berbères. Le miel, le beurre et les figues sont produits en telle quantité qu'ont peut les exporter jusqu'à Kairouan et plus loin encore. Une île se trouve en face de la ville à une portée de flèche...»
Quand à El Bekri, dans son évocation de Djzayer Beni Mezghenna (au milieu du XIe siècle), soit 6 siècles avant les Turcs, la décrit «comme encore imposante et sertie de voûtes et autres assises monumentales prouvant qu'elle fut «la capitale d'un vaste empire». Et c'est à partir de ces temps-là, que le port de Dzayer Beni Mezghenna se voyait jouer un rôle déterminant dans le transport maritime et les échanges commerciaux, notamment de l'or et d'autres marchandises venant des régions intérieures du royaume, de Tunisie et d'Andalousie.
Une fonction qu'il n'a pas cessé de pratiquer depuis lors, mais qui s'est amplifiée du temps de l'Empire ottoman. Marmol de Carvajal qui fut mousse sur un des bateaux de Charles Quint, cité par le Dr. Abderrahmane Khelifa, écrivait dans son livre : «La douane d'Alger s'est accrue au point que toute seule, elle donne plus que tout le royaume. Il n'y a pas de portes aussi riches aujourd'hui dans toute l'Afrique, ni en Europe que celles de terre et de mer de la ville d'Alger.» Cette activité portuaire, en fait qui fut une activité essentielle pour l'économie de la ville, et plus, celles de toutes les régions avoisinantes, a laissé un impact de solidité dans le royaume qui a produit ses effets sur le plan politique.
Ainsi des nations de l'époque ont dû nouer de sérieuses relations diplomatiques avec Dzayer Beni Mezghenna en nommant des consuls et en installant d'importantes chancelleries. De là, ces nations ont payé des redevances et ont ratifié divers traités, notamment ceux de paix et de commerce avec cette grande Cité.
Et comment n'allaient-elles pas s'y installer dans un pays, plutôt dans une ville, où la séduction coulait de source ? Le Portugais Joào Mascarenhàs écrivait dans «Esclave à Alger, récit de captivité», un bel ouvrage qui raconte notre charmante Cité, après son séjour de 1621 à 1626 : «...Mais je n'ai jamais vu, jusqu'à ce jour, aucun pays plus frais en jardins, plus abondant en fruits, mieux pourvu de vivres à bas prix, plus copieux en fontaines, plus tempéré en climat, plus riche en argent que cette ville d'Alger.» Ne sommes-nous pas tentés de pousser la plaisanterie jusqu'à s'exclamer : «Ah que c'est dommage de n'avoir pas été esclave à Alger !» ?
«Dzayer», Bled Sidi Abderrahmane
Cela étant, «Dzayer», dans le langage populaire des citadins, a été également un brillant foyer de culture. Elle était florissante dans toutes ses périodes..., avant de décliner après ce débarquement à Sidi Fredj, en un jour funeste de 1830. Elle n'était pas ce qu'ont prétendu les colonisateurs, une ville maussade au visage rébarbatif, de même que ses populations n'étaient pas analphabètes et incultes qu'il fallait domestiquer et, selon leur expression de prétentieux dominateurs..., civiliser.
Les preuves sont là, et l'Histoire, la vraie, nous donnera une liste bien fournie d'établissements scolaires et d'hommes de savoir, tous aussi prestigieux les uns que les autres. Ne nous appesantissons pas sur ce sujet, et citons pour l'instant un seul exemple de savant pour contredire cette prétention injustifiée, voire infondée. Il s'agit de l'encyclopédique Abderrezak Ibn Hamadouche Debbagh, un véritable «Dziri» du XVIIIe siècle qui, maître de conférences à la Grande Mosquée d'Alger, était en plus de la pratique de la jurisprudence, spécialiste en sciences médicales, tout en produisant de grands efforts dans la discipline des mathématiques, ce qui lui a permis de laisser de nombreux traités.
Alors, force est de constater que «Dzayer», Bled Sidi Abderrahmane Ibn Mohamed Ibn Makhlouf Atha'âlibi, était un centre de rayonnement des sciences, couvert de distinction et de grandeur. Elle était à l'image des autres capitales du Maghreb et du Machreq, porteuse de civilisation, c'est-à-dire d'essor et de développement. N'est-ce pas qu'elle se spécialisait dans les œuvres et les compilations de grands savants, et qu'une rue très fréquentée était spécialement réservée pour tous les lettrés de la ville et les étudiants dont le nombre augmentait d'année en année ? Un des grands visiteurs du Maghreb, le ministre Abou El Hassan Ali Ibn Mohamed Et-Tamekrouti, en visitant la ville au XVIe siècle, alors qu'il était en transit pour se rendre à Istanbul, écrivait après l'avoir visitée : «Dzayer est une ville bien peuplée.
Les demandeurs de savoir sont non seulement très nombreux mais aussi bien instruits, les livres existent en abondance, en tout cas il y a plus de livres à Alger que dans toute l'Afrique.»
Bien plus tard, et constatant les dégâts commis par les troupes de son pays, dès les premières années de l'occupation de l'Algérie, le député de Sade s'écriait devant l'Assemblée nationale française, le 28 avril 1834, pour stigmatiser le vandalisme de ses coreligionnaires – déjà en ce temps-là –, perpétré dans la ville d'Alger :
«Alger était entourée jadis de jardins et d'habitations de plaisance. Ses environs offraient le même spectacle que ceux de Marseille. Tout cela a disparu. Les jardins ont été dévastés, les maisons ont été abattues et les charpentes prises pour faire du bois de chauffage (...) Et quand cette ressource a manqué, on a coupé les plantations, les arbres fruitiers. Voilà jusqu'à maintenant, le seul défrichement que vous ayez opéré.»
Cela nous confirme que dans Dzayer de l'époque, il faisait bon vivre. La vie était calme et la culture avait droit de cité. Il y avait un nombre avoisinant les cent établissements scolaires ainsi que trois (3) Instituts supérieurs. Ce qui forçait les colons d'admettre, non sans honte, car contraints de restituer la vérité : «Les barbares que nous sommes venus civiliser sont plus en avance que nous sur le plan de la culture.»
Où étaient donc ces «barbares incultes» qu'il fallait policer pour leur faire admettre et connaître la civilisation ? Certainement pas dans Alger qui était féconde de par ses écoles, ses instituts et ses maisons d'éditions et ses librairies où l'on pratiquait également la calligraphie, considérée dans tout le monde arabe et islamique, comme une science et non «celle des ânes», selon l'affirmation des Européens, jusqu'à nos jours !
Alors, pour cette fécondité – la nôtre – il y a beaucoup à dire, plutôt à révéler dans le vaste domaine de l'esprit. Et Alger, Cité qui s'imposait comme pôle où les recherches dans les domaines de la jurisprudence, de la littérature, de la philosophie, des sciences humaines, de l'astronomie et de la médecine, a eu à se déterminer par ses enfants qui, après avoir prodigué tant de savoir à leurs coreligionnaires, sont partis pour d'autres cieux où ils se sont caractérisés par leurs performances.


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