Une nouvelle manifestation a eu lieu samedi à Jerada (nord-est du Maroc), au lendemain de négociations avec une délégation ministérielle venue pour tenter d'apaiser la contestation sociale agitant depuis plus de trois semaines cette ancienne ville minière, ont rapporté des médias. Le mouvement de protestation a été provoqué par la mort accidentelle, fin décembre, de deux frères piégés dans un puits désaffecté où ils cherchaient du charbon. Depuis, des rassemblements pacifiques dénoncent régulièrement «l'abandon» de cette ville sinistrée depuis la fermeture de ses mines en 1998. Samedi, une foule d'hommes et de femmes de tous âges -entre 4 000 et 5 000 selon les manifestants, autour de 400 selon les autorités locales- s'est rassemblée pour entendre les comptes-rendus des discussions avec les autorités. «On veut une délégation officielle», criaient les manifestants en agitant des drapeaux marocains sur la place centrale de cette ville dominée par un terril et cernée par des installations industrielles désaffectées. «Le peuple veut une alternative économique», explique Mostapha Dainane, un jeune coiffeur de 27 ans très actif dans le mouvement. Vendredi, le ministre de l'Agriculture, Aziz Akhannouch, a rencontré des élus locaux, des représentants syndicaux et une délégation de jeunes protestataires. Il a présenté les «projets structurants» et les «perspectives prometteuses» des développements agricoles en cours dans la région, selon un communiqué diffusé par l'agence de presse officielle marocaine MAP. Sans convaincre, cependant, les protestataires qui se disent «très mécontents» des discussions. Une première délégation ministérielle avait déjà été dépêchée sur place début janvier et un «plan d'urgence» a été présenté par les autorités régionales, sans donner lui non plus satisfaction aux protestataires. Le mouvement de Jerada se présente comme le «Hirak» des fils du peuple. Le terme qui signifie «contestation populaire» est le même que celui utilisé dans la région du Rif (nord), agitée par de longs mois de manifestations l'an dernier, avec les mêmes revendications: désenclavement, emploi, services publics opérationnels, répartition plus équitable des richesses. La contestation à Jerada porte sur quatre points majeurs: le règlement des factures d'eau et d'électricité, le traitement de la silicose qui touche des centaines d'anciens mineurs, le développement économique et l'ouverture d'enquêtes contre ceux que les locaux appellent les «barons du charbon». Quelques notables de la région ont en effet obtenu après la fermeture des mines des permis d'exploitation leur permettant de vendre en toute légalité du charbon extrait des puits désaffectés dans des conditions de sécurité très précaires, selon les protestataires. Grèves cycliques, marches, mesures économiques contestées... Rabat face à un marasme social La situation socio-économique au Maroc se complique davantage avec l'entame d'une série d'actions de protestation quotidiennes ponctuées par des débrayages généraux notamment dans la région de Jerada (nord), à l'heure où des mesures économiques controversées entrent en vigueur, ce qui n'est pas sans conséquences sur le pouvoir d'achat des populations. Enclenché il y a environ quatre semaines suite à la mort dramatique de deux frères ouvriers dans une mine de charbon, le «Hirak de Jerada» ne faiblit pas. Lundi, une marche y a été observée, et à l'issue de laquelle les organisateurs, selon des médias marocains, ont tracé un programme d'actions de protestation quotidiennes. Celles-ci se déclinent sous diverses formes, marche silencieuse prévue mardi, une autre en direction de la cité «Hassi Belal» pour mercredi, grève générale dans la ville le vendredi et une marche dans l'ensemble de la région de Jerada samedi prochain. Le jeudi ce seront les quartiers qui prennent le relais, où sont prévus des débats. Les habitants sont désormais déterminés à continuer leur mobilisation. Leurs attentes: trouver une alternative économique à l'exploitation des puits d'extraction de charbon dans la ville de Jerrada, dont la population est estimée à 43 000 habitants souffrant du chômage à hauteur de 39%. Des revendications qui ne datent pas d'aujourd'hui, puisque déjà en 2012, le roi Mohammed VI avait lancé une série de projets structurants destinés entre autres à améliorer les conditions de vie des citoyens. Il est principalement question de la zone d'activités économiques qui devait créer près de 540 postes d'emploi direct. Mais selon les acteurs associatifs locaux, ce quartier industriel n'a pas eu d'impact permettant de créer une véritable dynamique économique. Dans le même sens, lors d'une récente visite à Jerada de Aziz Rabbah, ministre des Energies et des Mines, un ancien médecin avait poussé un véritable cri de colère quant à l'évolution du projet qui n'a pas atteint les objectifs escomptés. Ce sont là autant d'attentes qui datent de plusieurs décennies, depuis la fermeture de la mine de la ville en 1998. «Libéralisation du dirham», mises en garde contre un éventuel impact sur les populations Le président du Conseil de la région Tanger-Tétouan, Elyas Elamari, qui a mis en garde contre les conséquences de la «libéralisation du dirham» (monnaie marocaine) sur le pourvoir d'achat des populations, a tenté de faire le parallèle entre l'impact de cette mesure économique contestée et les causes des «émeutes du pain» d'il y a près de 37 ans. Le 20 juin 1981, la Confédération démocratique du travail marocaine (CDT) et des partis d'opposition, avaient appelé à une grève générale qui dégénère en émeutes à Oujda, Berkane et Nador mais, surtout à Casablanca. Des centaines de jeunes perdent la vie suite à une répression des forces de l'ordre. Les marches de protestation avaient pour but la dénonciation des réductions des subventions et l'augmentation brutale des prix des denrées alimentaires de première nécessité.