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Urgence d'une nouvelle gestion des tensions sociales en Algérie :
Publié dans La Nouvelle République le 05 - 02 - 2018

L'Algérie contrairement aux discours pessimistes démobilisateurs, connaissant certes une situation difficile, ne traverse pas une crise financière mais une «crise de gouvernance, risquant, si l'on n'y prend pas garde, de se transformer en crise financière horizon 2020. Les différents mouvements sociaux que connait l'Algérie actuellement reflètent une dynamique sociale normale que connaissent maints pays.
Il s'agit d'imaginer de nouvelles méthodes de gestion sociales loin des schémas périmés du passé, responsabilité du gouvernement, afin d'éviter l'affrontement direct citoyens forces de sécurité qui rompt la confiance envers l'Etat. Il ne suffit pas de gérer la problématique des conflits sociaux par décret, mais de changer le modèle de gouvernance ne pouvant plus réaliser une politique économique et sociale copiée sur les schémas des années 1970. Tout cela renvoie à l'efficacité et à la transparence des institutions qui doivent coller à la nouvelle réalité économique et sociale, objet de cette présente contribution.
1.-La sinistrose, source de tensions sociales
Il faut éviter cette vision de sinistrose ou des déclarations de certains responsables avec des contradictions souvent de ministres, ignorant tant les profondes mutations sociales internes que les mécanises monétaires. Il y a lieu d'éviter des déclarations sans analyses objectives, déclarations qui peuvent engendrer des tensions sociales inutiles et accroître les tensions inflationnistes comme cette déclaration d'un ministre le 28/01/2018 que le cours officiel du dinar devrait être aligné sur celui du marché parallèle ce que ne demande même pas le FMI.
Un ministre du Commerce qui parle au nom du ministre des Finances de la politique monétaire, alors que chaque ministre doit se cantonner dans ses prérogatives selon l'adage «chacun son métier et les vaches seront bien gardés». La surveillance de la cotation de la monnaie relève exclusivement de la banque d'Algérie, institution sous la haute autorité de son Excellence Mr le Président de la République et non de l'exécutif. Comme on ne gouverne pas par la peur, vision bureaucratique du passé mais par le dialogue productif. Ceux par exemple qui nous disent que nous nous dirigeons vers une crise semblable à celle de 1986, que nous ne pouvons payer les salaires et les retraités, ignorent qu'à cette époque l'Algérie croulait sous l'effet de la dette, et les caisses de l'Etat étaient vides.
A fin 2017, les réserves de change sont arrêtées à 95/96 milliards de dollars et la dette est inférieure à 6 milliards de dollars. A court terme, contrairement à certaines supputations, j'écarte une implosion sociale du moins pendant ces deux prochaines années, sous réserve de revoir le mode de gestions sociale, rendant urgent une stratégie de développement fiable dès maintenant, (gouverner c'est prévoir) et ce pour cinq raisons principales Premièrement, l'Algérie n'est pas dans la situation de 1986, où les réserves de changes étaient presque inexistantes avec un endettement qui commençait à devenir pesant.
Avec 95/96 milliards de dollars de réserves fin 2017 et une dette extérieure inférieure à 6 milliards de dollars, ces réserves de changes, richesses virtuelles qu'il s'agit de transformer en richesses réelles, si elles sont bien utilisées, peuvent servir de tampon social. Deuxièmement, vu la crise du logement, le regroupement de la cellule familiale concerne une grande fraction de la population et les charges sont payées grâce au revenu familial global (même marmite, paiement des charges). Mais il faut faire attention: résoudre la crise du logement sans relancer la machine économique prépare à terme l'explosion sociale.
Comment voulez-vous qu'un ménage vivant seul avec moins de 50.000 dinars/mois net puisse subvenir à ses besoins? Troisièmement, grâce à leur travail, mais également aux mesures populistes, bon nombre de bas revenus ont bénéficié de logements sociaux presque gratuits, pénalisant les couches moyennes honnêtes qui ont mis des décennies de travail pour se permettre un logement décent, permettant aux familles algériennes une accumulation sous différentes formes. Cependant, il suffit de visiter les endroits officiels de vente de bijoux pour voir qu'il y a «déthésaurisation» et que cette épargne est, malheureusement, en train d'être dépensée face à la détérioration de leur pouvoir d'achat.
Cela peut tenir encore deux à trois ans. A la fin de cette période tout peut arriver. Quatrièmement, l'Etat, malgré des tensions budgétaires qui iront en s'accroissant, les dispositions de la loi de finances 2018, continuent à subventionner les principaux produits de première nécessité. En revanche, à terme il s'agira de cibler les subventions qui, généralisées, sont insoutenables pour le budget. Cinquièmement,, la sphère informelle, produit de la bureaucratie, des dysfonctionnements des appareils de l'Etat, du manque de visibilité de la politique socio-économique (gouvernance locale et centrale) contrôlant 40% de la masse monétaire en circulation, contrôlant 65% des produits de première nécessité et employant plus du tiers de la population active joue le rôle de tampon social.
C'est la rente des hydrocarbures qui joue la fonction de vases communicants entre différentes sphères économiques et sociales, devant être au centre ou directement à la périphérie pour pouvoir capter cette rente, expliquant que la réforme du système financier, enjeu important du pouvoir et des rapports de force, lieu de distribution de la rente, malgré bon nombre de promesses, tarde à se réaliser.
2- Démocratie participative par la reformulation de la fonction de l'Etat
Il convient maintenant de se demander : que doit faire l'Algérie pour mettre en place une bonne gouvernance condition d'un développement multidimensionnel et d'atténuation des tensions sociales ? Aussi, il est important de cerner ce concept en vogue actuellement devant nécessairement faire le pont entre la micro- gouvernance et de macro- gouvernance, existant des liens dialectiques entre la gouvernance politique et la gouvernance d'entreprise ce qui rend difficile de responsabiliser le manager de l'entreprise publique en l'absence d'autonomie relative dans la gestion, devant se poser la question: qui est propriétaire d'une entreprise publique en cas de mauvaise gestion ? S'est –on soucié de la cohérence des institutions gouvernementales, à l'optimalité gouvernementale ou au niveau local où la responsabilité administrative devrait être couplé avec une homogénéisation économique et sociale d‘où l'importance du concept d'éco- pôles régional.
Car excepté l'éducation et la santé qui selon le PNUD et tous les organismes internationaux qui sont le fondement du développement et paradoxe qui connaissent actuellement une véritable ébullition sociale, les autres segments en Algérie vivent du transfert de valeur de la rente des hydrocarbures, renvoyant à la distinction nécessaire entre les concepts de traitement et de salaires, et du calcul du taux de chômage réel souvent sous estimé pour des raisons politiques En effet, comment ne pas constater le décalage entre la planification budgétaire et les priorités sectorielles ; l'absence d'interventions efficaces dues à un morcellement du budget résultant de la séparation entre le budget d'investissement et le budget de fonctionnement (récurrent) ; des passifs éventuels potentiellement importants, des écarts considérables entre les budgets d'investissement approuvés et les budgets exécutés; des longs retards et des surcoûts pendant l'exécution des projets, ce qui témoigne de la faiblesse de la capacité d'exécution des organismes d'exécution.
Ces enjeux institutionnels et de gouvernance qui contribuent largement à limiter la réussite des projets à alourdir les coûts, renvoient à la faiblesse des réformes institutionnelles et micro-économiques, à l'instabilité juridique et souvent au retour vers le dirigisme étatique, à ne pas confondre avec le rôle stratégique de l'Etat régulateur en économie de marché concurrentielle, le programme de réformes étant à la traîne dans les domaines tels que la privatisation des entreprises publiques sur des bases transparentes, la modernisation du secteur financier et dans des domaines de la gouvernance tels que la réforme de l'administration fiscale et de l'appareil judiciaire.
Dans ce cadre, il y a urgence d'une plus grande efficacité de la dépense publique face à la crise, l'inefficacité accroissant les tensions sociales et budgétaires notamment des services collectifs du fait que ces segments sont importants en tant qu'éléments devant favoriser la création de surplus, la fonction étatique devant s'inspirer des normes économiques spécifiques dont on ne peut leur appliquer les principes de productivité des entreprises. Pourtant la difficulté de quantification n'exclut en aucune manière l'analyse qualitative, existant à la lumière de l'expérience des pays développés des instruments pour améliorer la gestion. Les travaux d'analyse, des coûts / avantages sociaux, les techniques américaines du Planning programming budgetary system (PPBS) ou françaises, technique de la rationalisation des choix budgétaires reposant sur la décomposition des dépenses publiques par objectifs aux moindres coûts, sont d'un apport appréciable pour les audits sur les services collectifs afin de tester de leur efficience.
Il s'agit au sein de sous-sections compartimentées de définir une fonction -objectif permettant d'atteindre l'optimum sous réserves de contraintes tant internes qu'externes. Mais globalement l'efficacité des institutions doit reposer sur une vision stratégique renvoyant à l'approfondissent de al réforme globale. D'où l'importance d' une redéfinition du nouveau rôle de l'Etat dans le développement économique et social et d'une manière claire le droit de propriété, donc les relations entre l'Etat et le marché qui doivent procéder d'une démarche pragmatique par une définition des règles incitatives ; la production d'une culture politique participative, une communication institutionnelle efficiente et l'élaboration d'un nouveau consensus politique permettant de dégager une majorité significative dans le corps social en faveur des réformes.
Il s'agit là d'une entreprise d'envergure consistant principalement à réorganiser le champ de l'information et de la communication pour plus de concurrence car l'information en ce XXIème siècle n'est plus le quatrième pouvoir mais le cœur du pouvoir même; réorganiser le mouvement syndical et associatif dont la promotion de la femme signe de la vitalité de toute société ; la réforme de la justice par l'application et l'adaptation du Droit tant par rapport aux mutations internes que du droit international ; adapter le système éducatif, centre d'élaboration et de diffusion de la culture et de l'idéologie de la résistance au changement et à la modernisation du pays ; la révision du foncier dans l'agriculture et une nouvelle politique de gestion de l'eau, cette or bleu qui risque de faire l'objet de guerres fratricides durant le XXIème siècle et concernant d'ailleurs tous les continents mais particulièrement l'Afrique (le cas des eaux du Nil qui traverse plusieurs territoires pour l'Afrique est à méditer) et enfin la réforme du système financier qui est un préalable essentiel à la relance de l'investissement privé national et étranger, les banques publiques et privées étant au cœur d'importants enjeux de pouvoir entre les partisans de l'ouverture et ceux de préservation des intérêts de la rente.
Professeur des Universités, Abderrahmane Mebtoul, expert international
(A suivre)


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