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Problématique de la stratégie de l'Otan et de la sécurité au Sahel et en Méditerrannée
Publié dans La Nouvelle République le 19 - 03 - 2018

Le secrétaire général adjoint de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (Otan) pour les Affaires politiques et la politique de Sécurité, M. Aléjandro Alvargonzales, effectuera une visite de travail en Algérie, du 19 au 21 mars 2018, cette visite s'inscrivant dans le cadre des consultations bilatérales au titre du dialogue méditerranéen de l'Alliance Atlantique auquel l'Algérie ayant adhéré, en mars 2000. C'est que les années à venir devraient conduire à de profondes reconfigurations socio-économiques, technologiques mais également sécuritaires, cette présente contribution étant une synthèse d'une étude sous ma direction parue à l'Institut Français des Relations Internationales - IFRI Paris décembre 2011- (1).
En effet, privilégiant en premier lieu ses intérêts stratégiques, partie prenante du dialogue méditerranéen (DM), le Maghreb se doit d'agir en fonction d'un certain nombre de principes et à partir d'une volonté avérée de contribuer à la promotion de la sécurité et de stabilité dans la région que ce soit dans le cadre d'une coopération avec l' Otan, en fait avec les USA, avec les structures de défense que l'Union européenne entend mettre en place, sans oublier la Russie ou la Chine pour ne citer que les principaux acteurs.
Cette contribution est une synthèse remaniée de quatre interventions du professeur d'Abderrahmane Mebtoul, expert international, en mars 2015 au sénat français à l'invitation de Jean Pierre Chevènement, de l'association internationale africaine ARGA à Tanger mai 2015 et l'autre à Malte à l'invitation de la commission européenne avril 2014 et des fondations –Bill Gates- Rockfeller New York Yordk novembre. 2012 sur Usa/Maghreb-Afrique.
I. Le dialogue méditerranéen de l'Otan
C'est que la fin de la guerre froide marquée par l'effondrement du bloc soviétique et les attentats survenus aux Etats-Unis le 11 septembre 2001, représentent un tournant capital dans l'histoire contemporaine. Le premier évènement marque la fin d'un monde né un demi siècle plutôt et la dislocation d'une architecture internationale qui s'est traduite des décennies durant par les divisions, les déchirements et les guerres que nous savons. Aujourd'hui, les menaces sur la sécurité ont pour nom terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, crises régionales et délitement de certains Etats.
Or, les défis collectifs, anciens ou nouveaux, sont une autre source de menace : ils concernent les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, l'environnement. Ils sont d'ordre local, régional et global. Entre la lointaine et très présente Amérique et la proche et bien lointaine Europe, entre une stratégie globale et hégémonique, qui possède tous les moyens de sa mise en œuvre et de sa projection, et une stratégie à vocation globale qui se construit laborieusement et qui peine à s'autonomiser et à se projeter dans son environnement géopolitique immédiat, quelle attitude adopter et quels choix faire pour le Maghreb ? Interpellée et sollicitée, le Maghreb s'interroge légitimement sur le rôle, la place ou l'intérêt que telle option ou tel cadre lui réserve ou lui offre, qu'il s'agisse du dialogue méditerranéen de l'Otan ou du partenariat euro- méditerranéen, dans sa dimension tant économique que sécuritaire.
L'adaptation étant la clef de la survie et le pragmatisme un outil éminemment moderne de gestion des relations avec autrui, le Maghreb devant faire que celui que commandent la raison et ses intérêts. Sept pays appartenant à la région méditerranéenne sont aujourd'hui des partenaires de l'Organisation de l'Atlantique Nord dans le cadre de ce qu'on appelle le dialogue méditerranéen de l'Otan. Ces pays qui entretiennent des relations de nature, de niveau et d'intensités différentes avec l'Otan et les Etats-Unis sont l'Algérie, l'Egypte, Israël, la Jordanie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie.
Ce partenariat que l'Otan, et à travers lui les Etats-Unis, rentre dans une stratégie de multiplication et de diversification des partenariats qui touchent plusieurs régions : les anciennes républiques soviétiques, le Caucase, l'Asie centrale, la Russie, la Chine, etc. Toutefois, du fait de l'intégration à l'Otan qui a touché en novembre 2002 sept pays de l'ex bloc soviétique le texte signé à Paris le 19 novembre 1990 entre l'Alliance Atlantique et le Pacte de Varsovie devient un projet caduc.. Dès lors, le dialogue méditerranéen de l'Otan est l'objet de toutes les attentions de la part de cette organisation qui a décidé de le transformer en partenariat stratégique.
La région Maghreb d'une manière particulière et la méditerranée d'une manière générale représentent pour l'Otan son flanc sud tout en étant le passage obligé vers le Moyen-Orient qui recèle de fabuleuses richesses pétrolières et où se trouve un allié stratégique de tout premier plan pour les Etats-Unis. L'intérêt que portent ces derniers à la méditerranée occidentale n'est pas nouveau. Dans cette perspective, tant le projet du grand moyen Orient, (GMO notamment à travers les résolutions du sommet de Rabat le dernier semestre 2004) que le «projet américain Eizenstat» visent à passer avec les pays arabes des accords de libre échange, la sous région du Maghreb faisant l'objet de négociations pour en faire de même, le contrôle de l'énergie au niveau mondial étant au cœur de la stratégie géo- stratégique américaine (d'ailleurs chinoise et européenne) sous tendant toute la stratégie militaire.
Car la consommation d'énergie a connu une évolution depuis que le monde est monde expliquant bon nombre de conflits, depuis la révolution industrielle à nos jour en précisant que les différentes sources d'énergie sont en concurrence : charbon - pétrole, gaz, nucléaire, les énergies renouvelables dont le solaire, éolienne, géothermique avec à l'avenir les perspectives du charbon et accessoirement de l'hydrogène en cas d'épuisement dans 40 à 50 ans des réserves de pétrole et de gaz, deux pays du Maghreb étant relativement bien dotés l'Algérie et la Libye.
L'énergie est au cœur de la stratégie américaine afin d'étendre son influence politique et militaire sur les régions à forte potentialités énergétiques en contrôlant les portes de l'Asie, du fait du poids dans les années à venir de la Chine, de l'Inde, du Pakistan et du Japon, et des pays émergents de l'Asie. C'est dans ce cadre que rentre la résolution du parlement américain (juillet 2007), qui a voté une motion contre un cartel de gaz et ayant une stratégie de limiter l'influence du cartel OPEP, bien que cette organisation représente moins de 33% à l'heure actuelle de la production commercialisée du pétrole. Dans ce cadre, il est utile de préciser que le marché pétrolier étant un marché mondial et le marché gazier actuellement étant un marché segmenté, (prédominance des canalisations, le GNL étant marginal) le prix indexé sur celui du pétrole, le coût élevé et la marge bénéficiaire réduire, (d'où la non rentabilité des gisements marginaux contrairement à ceux du pétrole) et il est très difficile dans la conjoncture actuelle d' imaginer un marché OPEP du gaz répondant au marché boursier classique, peut être à moyen terme avec la généralisation des GNL.
Concernant strictement le volet défense et sécurité, c'est dans ce contexte qu'est lancé, dès 1995, le dialogue méditerranéen de l'Otan (DM). Pour rappel, on notera qu'en juillet 1997 le Sommet de Madrid des chefs d'Etat et de gouvernement des pays de l'Otan crée le Groupe de coopération méditerranéenne (MCG) qui est placé sous l'autorité du Conseil de l'Atlantique Nord. A partir de cette date, les pays de l'Otan et leurs partenaires méditerranéens se réunissent de manière régulière « à 19+1 ou 19+7 ».
Le Conseil de l'Atlantique Nord prend ensuite des mesures pour renforcer les « dimensions politiques et pratiques » du DM, mesures qui ont été entérinées par le Sommet de Washington (avril 1999) des Chefs d'Etat et de Gouvernement. Suite aux attentats du 11 septembre 2001, le Conseil prend d'autres mesures destinées à renforcer le DM et ce, en janvier 2002 et en juin de la même année. Parmi ces mesures, citons l'organisation de consultations entre l'Otan et les partenaires méditerranéens sur la question du terrorisme. Lors de la réunion de Reykjavik, tenue en mai 2002, les Ministres des affaires étrangères des pays de l'Otan décident de renforcer les dimensions politique et pratique du dialogue méditerranéen, notamment en menant des consultations avec les partenaires méditerranéens sur des questions de sécurité d'intérêt commun, y compris en rapport avec le terrorisme.
Mais c'est surtout le sommet de l'Otan qui s'est tenu le 29 juin 2004 à Istanbul, mettant l'accent concrètement sur l'urgence de l'approfondissement, qui a ouvert le dialogue méditerranéen de l'Otan en le transformant en véritable partenariat et de lancer l'initiative de coopération avec certains pays du DM, dialogue qui s'est poursuivi entre 2005/2008.
II. Le renforcement du dialogue méditerranéen en matière de défense et de sécurité
Le document officiel publié par l'Otan et intitulé «renforcement du dialogue méditerranéen, avec établissement d'un inventaire des domaines de coopération possibles» résume ainsi cet aspect du renforcement du DM. Le but recherché serait d'établir entre l'Otan et les pays du DM des relations à long terme axées sur ce processus en fonction des intérêts mutuels de sécurité, ainsi que de permettre à l'Otan de contribuer de façon significative à promouvoir le dialogue et la coopération dans la région méditerranéenne.
Par ailleurs, la dimension politique du dialogue méditerranéen devrait être renforcée par une plus large exploitation des possibilités qu'offre le dialogue multi/bilatéral existant ; la poursuite de l'action en faveur des contacts de haut niveau et d'une implication des décideurs, selon le cas ; des mesures visant à rapprocher encore les partenaires méditerranéens de l'Otan et enfin le renforcement de la complémentarité avec d'autres initiatives internationales ».
A cet effet, l'intensification des relations politiques peut se faire selon plusieurs formules notamment les réunions à 19+1 et à 19+7. Ces réunions remontent à la création du MCG (Groupe de coopération méditerranéenne) en 1997 et se tiennent régulièrement depuis. Nous avons une autre formule, émanant du Conseil de l'Atlantique Nord, les réunions au niveau des Ambassadeurs des pays de l'Otan et du DM (NAC+1 et NAC+7) que se tiennent depuis octobre 2001. S'agissant des réunions annuelles à 19+1 au niveau des ambassadeurs (NAC+1), elles continuent de se tenir pour des échanges de vues sur la situation régionale et des débats sur l'évolution et les perspectives de développement du DM.
Quant aux réunions à 19+7 au niveau des ambassadeurs (NAC+7), elles continuent d'être organisées au moins deux fois par an, en particulier après les réunions ministérielles et les sommets des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Otan, afin d'informer les ambassadeurs des pays du DM des résultats de ces réunions et de procéder à des échanges de vues sur des questions en rapport avec le DM. Dans ce cadre, le Conseil de partenariat euro- atlantique (CPEA) et le Partenariat pour la paix (PPP) sont deux cadres qui ont été institués. A cet effet, il est prévu d'explorer les possibilités d'associer les pays du DM, cas par cas, à des activités du CPEA et du PPP spécialement choisies et d'encourager les partenaires méditerranéens à participer de façon plus large aux activités auxquelles la coopération dans le cadre du CPEA et du PPP leur permet déjà d'accéder.
Deux initiatives internationales peuvent être citées : le processus de Barcelone de l'Union européenne et le dialogue méditerranéen de l'OSCE. Le Conseil de l'Atlantique Nord a décidé que l'Otan proposerait à l'UE l'organisation périodique d'exposés et d'échanges d'informations sur les activités de chacune des deux organisations dans le domaine de la sécurité et de la stabilité dans la région méditerranéenne.
Ainsi, il est envisagé d'organiser des réunions d'experts de l'Otan et de l'OSCE pour examiner des questions d'intérêts communs. Dans cette perspective, la démarche à suivre consisterait à prévoir notamment des activités ciblées, l'objectif consistant à couvrir des secteurs où l'Otan dispose d'un avantage comparatif reconnu et pouvant apporter une «valeur ajoutée», en particulier dans le domaine militaire, et pour lesquels les partenaires méditerranéens ont manifesté de l'intérêt.
Deuxièmement, l'accent est mis sur la mise à profit de l'expérience acquise dans le cadre du partenariat pour la paix (PPP), avec notamment l'ouverture d'activités PPP supplémentaires aux pays du DM et/ou l'adaptation d'activités PPP à leurs besoins spécifiques, le document insistant, à ce niveau, sur la nécessaire consultation préalable des pays du dialogue méditerranéen (DM).
(A suivre)
Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international


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