Cette présente contribution est une synthèse de mes différentes contributions et interventions internationales entre 2012 et 2014 posant la problématique de la sécurité de l'Algérie et la place de l'Armée nationale populaire (ANP) face aux enjeux géostratégiques en Afrique du Nord, une étude qui devrait paraître dans la revue «Défense française» que dirige mon ami, l'amiral Jean Dufourcq. Préambule La crise mondiale actuelle devrait conduire à de profondes reconfigurations socio-économiques, technologiques mais également sécuritaires, objet de cette présente contribution. En effet, privilégiant en premier lieu ses intérêts stratégiques propres, une partie prenante du dialogue méditerranéen (DM), l'Algérie agit en fonction d'un certain nombre de principes et à partir d'une volonté avérée de contribuer à la promotion de la sécurité et de la stabilité dans la région. C'est que la fin de la guerre froide marquée par l'effondrement du bloc soviétique et les attentats survenus aux Etats-Unis, le 11 septembre 2001, représente un tournant capital dans l'histoire contemporaine. Le premier évènement marque la fin d'un monde né un demi siècle plutôt et la dislocation d'une architecture internationale, qui s'est traduite des décennies durant par les divisions, les déchirements et les guerres que nous savons. Aujourd'hui, les menaces sur la sécurité ont pour nom, terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, crises régionales et délitement de certains Etats. Or, les défis collectifs nouveaux sont une autre source de menace : ils concernent les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies et l'environnement. Ils sont d'ordre local, régional et global. Entre la lointaine et très présente Amérique et la proche et bien lointaine Europe, entre une stratégie globale et hégémonique, qui possède tous les moyens de sa mise en œuvre et de sa projection, et une stratégie à vocation globale qui se construit laborieusement et qui peine à s'autonomiser et à se projeter dans son environnement géopolitique immédiat, quelle attitude adopter et quels choix faire pour l'Algérie ? Interpellée et sollicitée, l'Algérie s'interroge légitimement sur le rôle, la place ou l'intérêt qu'une telle option ou un tel cadre lui réserve ou lui offre, qu'il s'agisse du dialogue méditerranéen de l'Otan ou du partenariat euro-méditerranéen, dans sa dimension tant économique que sécuritaire. L'adaptation étant la clef de la survie et le pragmatisme, un outil éminemment moderne de gestion des relations avec autrui, l'Algérie dont son devenir est dans l'intégration du Maghreb, pont entre l'Europe et l'Afrique et le Maghreb doit faire que celui que commandent la raison et ses intérêts. L'Otan et la sécurité en Méditerranée Sept pays appartenant à la région méditerranéenne sont aujourd'hui des partenaires de l'Organisation de l'Atlantique Nord dans le cadre de ce qu'on appelle le dialogue méditerranéen de l'Otan. Ces pays qui entretiennent des relations de nature, de niveau et d'intensités différentes avec l'Otan et les Etats-Unis sont l'Algérie, l'Egypte, Israël, la Jordanie, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie. Ce partenariat de l'Otan, et à travers lui, les Etats-Unis, rentre dans une stratégie de multiplication et de diversification des partenariats qui touchent plusieurs régions : les anciennes républiques soviétiques, le Caucase, l'Asie centrale, la Russie, la Chine, etc. Toutefois, du fait de l'intégration à l'Otan qui a touché en novembre 2002 sept pays de l'ex-bloc soviétique, le texte signé à Paris le 19 novembre 1990 entre l'Alliance Atlantique et le Pacte de Varsovie devient un projet caduc. Dès lors, le dialogue méditerranéen de l'Otan est l'objet de toutes les attentions de la part de cette organisation qui a décidé de le transformer en partenariat stratégique. La région méditerranéenne dont le Maghreb, l'Algérie «étant une grande puissance militaire et acteur déterminant de la région» représente pour l'Otan son flanc sud tout en étant le passage obligé vers le Moyen-Orient, qui recèle de fabuleuses richesses pétrolières et où se trouve un allié stratégique de tout premier plan pour les Etats-Unis et l'Europe. Concernant strictement le volet défense et sécurité, c'est dans ce contexte qu'est lancé, dès 1995, le dialogue méditerranéen de l'Otan (DM). Pour rappel, on notera qu'en juillet 1997, le Sommet de Madrid des chefs d'Etat et de gouvernement des pays de l'Otan, crée le Groupe de coopération méditerranéenne (MCG), qui est placé sous l'autorité du Conseil de l'Atlantique Nord. A partir de cette date, les pays de l'Otan et leurs partenaires méditerranéens se réunissent de manière régulière, à «19+1 ou 19+7». Le Conseil de l'Atlantique Nord prend ensuite des mesures pour renforcer les «dimensions politiques et pratiques» du DM, des mesures qui ont été entérinées par le Sommet de Washington (avril 1999) des chefs d'Etat et de gouvernement. Suite aux attentats du 11 septembre 2001, le Conseil prend d'autres mesures destinées à renforcer le DM, et ce, en janvier 2002 et en juin de la même année. Parmi ces mesures, citons l'organisation de consultations entre l'Otan et les partenaires méditerranéens sur la question du terrorisme. Lors de la réunion de Reykjavik, tenue en mai 2002, les ministres des Affaires étrangères des pays de l'Otan décident de renforcer les dimensions politiques et pratique du dialogue méditerranéen, notamment en menant des consultations avec les partenaires méditerranéens sur des questions de sécurité d'intérêt commun, y compris en rapport avec le terrorisme. Mais c'est surtout le sommet de l'Otan qui s'est tenu le 29 juin 2004 à Istanbul, mettant l'accent concrètement sur l'urgence de l'approfondissement, qui a ouvert le dialogue méditerranéen de l'Otan en le transformant en véritable partenariat et lancer l'initiative de coopération avec certains pays du DM, un dialogue qui s'est poursuivi entre 2005 et 2008. Le renforcement du dialogue méditerranéen en matière de défense et de sécurité Le document officiel publié par l'Otan et intitulé : «Renforcement du dialogue méditerranéen, avec établissement d'un inventaire des domaines de coopération possibles», résume ainsi cet aspect du renforcement du DM. «Le but recherché serait d'établir entre l'Otan et les pays du DM des relations à long terme, axées sur ce processus en fonction des intérêts mutuels de sécurité, ainsi que de permettre à l'Otan de contribuer de façon significative à promouvoir le dialogue et la coopération dans la région méditerranéenne.» Par ailleurs, la dimension politique du dialogue méditerranéen devrait être renforcée par : «Une plus large exploitation des possibilités qu'offre le dialogue multi-bilatéral existant ; la poursuite de l'action en faveur des contacts de haut niveau et d'une implication des décideurs, selon le cas ; des mesures visant à rapprocher encore les partenaires méditerranéens de l'Otan et enfin le renforcement de la complémentarité avec d'autres initiatives internationales». A cet effet, l'intensification des relations politiques peut se faire, selon plusieurs formules notamment les réunions à 19+1 et à 19+7. Ces réunions remontent à la création du MCG (Groupe de coopération méditerranéenne) en 1997 et se tiennent régulièrement depuis. Nous avons une autre formule, émanant du Conseil de l'Atlantique Nord, les réunions au niveau des ambassadeurs des pays de l'Otan et du DM (NAC+1 et NAC+7), qui se tiennent depuis octobre 2001. S'agissant des réunions annuelles à 19+1 au niveau des ambassadeurs (NAC+1), elles continuent de se tenir pour des échanges de vues sur la situation régionale et des débats sur l'évolution et les perspectives de développement du DM. Quant aux réunions à 19+7 au niveau des Ambassadeurs (NAC+7), elles continuent d'être organisées au moins deux fois par an, en particulier après les réunions ministérielles et les sommets des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Otan, afin d'informer les ambassadeurs des pays du DM des résultats de ces réunions et de procéder à des échanges de vues sur des questions en rapport avec le DM. Dans ce cadre, le Conseil de partenariat euro-atlantique (CPEA) et le partenariat pour la paix (PPP) sont deux cadres qui ont été institués. A cet effet, il est prévu d'explorer les possibilités d'associer les pays du DM, cas par cas, à des activités du CPEA et du PPP spécialement choisies, et d'encourager les partenaires méditerranéens à participer de façon plus large aux activités auxquelles la coopération dans le cadre du CPEA et du PPP leur permet déjà d'accéder. Deux initiatives internationales peuvent être citées : le processus de Barcelone de l'Union européenne et le dialogue méditerranéen de l'OSCE. Le Conseil de l'Atlantique Nord a décidé que l'Otan proposerait à l'UE l'organisation périodique d'exposés et d'échanges d'informations sur les activités de chacune des deux organisations dans le domaine de la sécurité et de la stabilité dans la région méditerranéenne. Ainsi, il est envisagé d'organiser des réunions d'experts de l'Otan et de l'OSCE pour examiner des questions d'intérêts communs. Dans cette perspective, la démarche à suivre consisterait à prévoir notamment des activités ciblées, l'objectif consistant à couvrir des secteurs où l'Otan dispose d'un avantage comparatif reconnu et pouvant apporter une «valeur ajoutée», en particulier dans le domaine militaire, et pour lesquels, les partenaires méditerranéens ont manifesté de l'intérêt. Deuxièmement, l'accent est mis sur la mise à profit de l'expérience acquise dans le cadre du partenariat pour la paix (PPP), avec notamment l'ouverture d'activités PPP supplémentaires aux pays du DM et/ou l'adaptation d'activités PPP à leurs besoins spécifiques, le document insistant, à ce niveau, sur la nécessaire consultation préalable des pays du dialogue méditerranéen (DM), notamment les consultations sur le terrorisme, par la prise en compte du partage de données du renseignement, des réunions d'experts sur la menace terroriste et les mesures prises, individuellement ou avec d'autres pays, pour faire face à cette menace. Le cadre défini au sommet de l'Otan de promouvoir le dialogue méditerranéen de l'Otan au rang de «véritable partenariat» ambitionne de contribuer à la sécurité et à la stabilité de la région méditerranéenne. (A suivre)