Triste fut le jour du 3 avril de l'année quatre-vingt-quinze, date où notre confrère Makhlouf Boukhezar a été lâchement assassiné par des criminels, membres de la branche armée de l'ex-organisation du Front islamique du salut. Le défunt a été visé, enlevé et tué dans des conditions atroces, uniquement parce qu'il était journaliste. Sur la liste des 103 journalistes assassinés par les hordes sauvages de l'AIS, GIA, GSPC etc., figure celui du martyr Makhlouf Boukhezar. A cette époque, une catégorie de personne qui activait dans la clandestinité a profité de l'ouverture du champ politique en 1988 pour créer un parti. Les responsables de ce mouvement ont réussi à obtenir l'agrément d'exercer en contradiction avec les lois de la République, notamment la constitution qui interdit la création d'un tel parti politique. L'article 42 de la Constitution est claire : «Aucun parti politique ne peut fonder sa création et ou son action sur une base et ou des objectifs comportant : des pratiques sectaires, régionalistes, féodales ou népotique. Le parti ne peut, en outre, fonder sa création ou son action sur une base religieuse, linguistique, raciale, de sexe, corporatiste ou régionaliste». Personne ne sait qu'une telle erreur commise par l'administration à l'époque allait couter très cher au pays. Profitant de cette situation, les responsables de ce parti qui avaient instrumentalisé l'Islam pour remporter les élections ont tenté de renverser la République démocratique et d'instaurer un Etat théocratique. Avant même d'arriver au pouvoir, les dirigeants de ce mouvement ont créé leur propre armée constituée de militants du parti. Des militants portant des brassards aux bras avec de longues barbes (Chorta Islamiya) ont commencé d'appliquer les lois de la dite «Chariaa Islamiya». Aidés par des milices, les éléments de cette force ont obligé par la force les femmes à se voiler et avaient contraint par la fermeture des bars, salons de coiffures pour femmes et les salles de cinéma. On se souvient, des centaines de cette milice ont interdit par la force la représentation d'une pièce théâtrale au cœur d'Alger. Des journalistes dont l'ENTV qui filmait la scène ont été pris à partie et menacé de mort par cette milice. Devant l'anarchie qui a régnée à cette époque, le peuple qui s'attendait au pire n'a pas trouvé autre que de demander aux autorités d'intervenir. Pour mettre fin à ce coup d'état déguisé, il a été décidé d'annuler le processus électoral le 11 janvier 1992. Les masques sont tombés, les principaux dirigeants de ce mouvement auteurs du «putsch »ont été interpellés. Vêtu d'un treillis militaire, le N° 2 de cette organisation armée qui se dirigeait vers le siège de l'ENTV a été également arrêté à son tour. En réplique, les dirigeants de cette organisation armée ont déjà donné l'ordre à leurs bras armés de résister par la force et d'utiliser les armes contre les forces de sécurité (tous corps confondus), les journalistes, artistes et n'importe quel intellectuel qui s'oppose à leur désastreux projet. Le premier journaliste qui a été ciblé fut le martyr Tahar Djaout le 26 mai 1993. Quarante-trois journalistes ont été soit égorgés ou abattus par balles avant que feu Makhlouf Boukhezar ne sera à son tour assassiné dans des circonstances dramatiques. Ce jour-là, 03 avril 1995, quatre hommes armés dont trois encagoulés se sont présentés au domicile de M. Makhlouf Boukhezar, situé à la cité « Daksi» dans la ville de Constantine. Notre confrère qui était dans la salle de bains a bien voulu résister mais les assassins l'ont menacé de l'exécuter devant les siens. Afin de ne pas terroriser sa femme et ses enfants, il a courageusement accepté de partir avec les égorgeurs. Les criminels l'ont mis dans sa voiture et quittèrent le quartier en trombe. Alertés, les forces de police se sont lancées à la recherche des ravisseurs. Malgré les renforts déployés par les forces de sécurité, la trace du véhicule de feu Boukhezar était introuvable. Le lendemain la voiture a été retrouvée près de son domicile au niveau de la cité Bentchikou sur les hauteurs de Constantine. Au niveau du coffre du véhicule le corps de Makhlouf Boukhezar a été retrouvé sans vie, la gorge tranchée et le corps mutilé. Des témoins qui avaient assisté à l'enlèvement de Makhlouf Boukhezar ont reconnu le groupe armé surtout le quatrième homme qui avait le visage découvert. Selon les mêmes témoins qui se sont exprimés sous l'anonymat ont indiqué qu'ils étaient tous membres de l'ex-Fis, bureau de Constantine. «Ce qui nous fait mal et aucune enquête n'a été ouverte pour identifier les assassins de Makhlouf Boukhezar afin qu'ils soient jugés et punis», ont déclaré des proches du journaliste. C'est le même cas pour la centaine de journalistes dont la vie leur a été ôté par les criminels et qui jusqu'à aujourd'hui aucun de ses assassins n'a été arrêté pour y être jugé. Le malheur est que plusieurs de ces assassins vivent comme des nababs et continuent toujours d'exercer du chantage sur l'Etat et menacent la sérénité et la sécurité du pays. En somme, Makhlouf Boukhezar le sage, l'intellectuel et qui n'a fait de mal à personne ne méritait pas un tel sort. Il a été assassiné par des individus armés aveuglés par la haine et par l'obscurantisme. Repose en paix Makhlouf, les Algériens ne t'oublieront jamais.