L'objet de cette présente contribution est d'analyser la situation de l'économie iranienne face aux sanctions américaines dans la mesure où le président américain a lancé un nouvel avertissement sur Twitter le 7 août 2018 aux pays commerçant avec l'Iran, après le rétablissement des sanctions contre Téhéran et en menaçant que tout pays qui ferait du commerce avec l'Iran ne pourra le faire avec les Etats-Unis d'Amérique. La République islamique d'Iran a été proclamée le 1er avril 1979. L'Iran, histoire millénaire (civilisation perse), un des pays les plus montagneux au monde, ayant permis à former l'histoire économique et politique du pays, est située en Asie, entre l'Irak à l'Ouest, et l'Afghanistan et le Pakistan à l'Est, disposant de deux façades maritimes sur la mer caspienne au Nord et sur le golfe Persique et le golfe d'Oman au Sud. L'Iran a une superficie de 1 648 000 km2 avec pour capitale Téhéran et ses principales villes sont Machhad, Ispahan, Karaj, Tabriz. 1.-Données géographiques et politiques de l'Iran Le chef de l'Etat est le guide suprême de la Révolution islamique, nommé à vie par l'Assemblée des experts et est le commandant en chef de l'armée, il contrôle les services des renseignements de l'armée et les opérations de sécurité. Il est aussi le seul à avoir le pouvoir de déclarer la guerre. Le chef du gouvernement est le président, il est élu au suffrage universel pour un mandat de quatre ans. Le Conseil des ministres est sélectionné par le président, avec l'approbation de la législature. Le président détient le pouvoir exécutif, mis à part dans les domaines qui sont les prérogatives du Guide suprême. Le pouvoir législatif est monocaméral. Le Parlement est constitué de l'Assemblée consultative islamique, qui compte 290 sièges et dont les membres sont élus au suffrage universel pour quatre ans. Le Parlement doit faire valider les lois par le Conseil des gardiens qui vérifie si les lois proposées ne vont pas à l'encontre des principes islamiques. Le Parlement peut notamment décider du renvoi d'un ministre. Le président ne peut dissoudre le Parlement directement mais il peut en recommander la dissolution au Guide suprême. Dès son élection en juin 2013, le président Rohani avait exprimé son souhait d'améliorer les relations de l'Iran avec la communauté internationale notamment sur le dossier du nucléaire, dégradées au cours des présidences précédentes, tout en essayant d'apaiser ses relations avec les puissances régionales notamment ses relations avec les puissances sunnites, en particulier l'Arabie saoudite. Selon bon nombre d'experts militaires, le Yémen, à l'extrémité de la péninsule arabique et chasse gardée de l'Arabie saoudite via les USA, n'est pas une priorité stratégique pour Téhéran, bien moins en tout cas que l'Irak ou le Liban, la Syrie, où l'Iran est un acteur majeur des crises en cours. Sur le plan régional, c'est un acteur clef comme en témoigne sa priorité qui est la lutte contre Daech. L'Iran a apporté son soutien au régime irakien mais également depuis le déclenchement de la crise syrienne son soutien à Damas. Mais une position qui peut évoluer selon ses intérêts stratégiques. Du point du vue du pouvoir économique, selon Ardavan Amir-Aslani avocat et essayiste, spécialiste du Moyen-Orient. 80% de l'économie iranienne est détenu soit par l'Etat soit par des organismes parapublics comme les grandes fondations religieuses. Le secteur privé ne représente donc qu'à peine 20% de l'économie iranienne. Cette situation déséquilibrée a entraîné les lenteurs que l'on est en droit d'attendre d'une telle répartition des rôles. Alors que le pays dispose d'une des populations les plus éduquées au monde et un vrai secteur entrepreneurial, les lenteurs administratifs et la gabegie qui sont l'apanage des économies détenues par le secteur public ont fragilisé l'essor du secteur privé. Assimilable à la dominance de la sphère informelle qui impliquera des réaménagements au niveau du pouvoir iranien, le pouvoir des Pasdaran est important contrôlant une part essentielle de l'économie iranienne qui sans être soumis à la loi sur la fiscalité, monopolisent l'activité économique en encaissant des revenus colossaux dans les secteurs du pétrole, gaz, pétrochimie, téléphonie, informatique, de l'industrie de l'automobile, l'acier, le ciment, l'alimentaire, les produits pharmaceutiques, ainsi que les routes, les banques, les assurances. Selon les analystes, les Pasdaran sont parmi les plus grands cartels du monde et contrôlent plus de 50% des importations et le tiers des exportations iraniennes. 2.- Situation socioéconomique L'Iran détient la quatrième réserve pétrolière mondiale avec plus de 160 milliards de barils ( 13/14% des réserves mondiales), son quota OPEP approche 2,7 millions de barils jour et pouvant produire avant les sanctions américaines jusqu'à 5 millions de barils/jour. Elle possède également le deuxième réservoir de gaz traditionnel après la Russie et avant le Qatar, avec plus de 34 000 milliards de mètres cubes gazeux soit plus de 16% des réserves mondiales. L'Iran a d'importantes ressources se situant sur la ceinture des réserves de cuivre de la planète et bénéficie de réserves considérables d'autres minéraux, tels que le fer, l'aluminium, le plomb et le zinc et un pays avantagé par des frontières qu'il partage avec 15 pays. Selon une étude réalisée par les Echos.fr les autres secteurs hors pétrole /gaz sont fortement concentrés en termes d'emploi, mais sont relativement peu productifs. L'agriculture contribue à 9,3 % du PIB, employant 17,9 % de la population active en 2016. Le secteur secondaire représente 33,8 % de la population active et contribue à 38,2 % du PIB. Le secteur tertiaire contribue à 52,4 % du PIB et emploie 48,3 % des actifs. Les biens principalement importés sont les machines, le fer et l'acier, l'équipement électrique et électronique et les céréales. L'économie iranienne reste largement dominée par le secteur public qui contrôle l'essentiel de l'économie avec un secteur bancaire fragile. Le secteur agricole dont les principales récoltes sont le pistache (le plus grand producteur mondial), le blé, le riz, les oranges, le thé et le coton contribuent à 9,3% du PIB et emploie 17,9% de la population active. L'industrie des textiles est le deuxième secteur le plus important après le pétrole. Le raffinage du sucre, la préparation industrielle des aliments, les produits pétrochimiques, le ciment et la construction sont les autres principales industries. L'artisanat traditionnel, comme le tissage de tapis, la fabrication des céramiques, la soie et les bijoux, sont aussi vitaux pour l'économie. Le secteur tertiaire contribue à 52,4% du PIB et emploie 48,3% des actifs. Structurellement, l'économie est dépendante des revenus pétroliers qui représentent près de la moitié des recettes de l'Etat. La population iranienne, avec un système éducatif performant, est passée de 21 millions d'habitants en 1960 à 28 en 1970, à 38 en 1980, 56 en 1990, 65 en 2000, 74 en 2010 à 80 et 80,6 millions d'habitants en 2017 avec une extrapolation de 84 en 2020. La population urbaine représente environ 73%, une espérance de vie de 71,15 ans et place le pays au deuxième rang, derrière l'Egypte au niveau de la région. Le PIB était estimé à 412,2 milliards de dollars en 2016, l'Iran étant la deuxième économie de la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, après l'Arabie saoudite. Le taux de croissance ce calculant par rapport à la période antérieure, a été de 4,6% en 2015, 4,5% en 2016, avec une prévision avant les sanctions de 4,8% en 2018, 4,5% en 2019. Récemment, dans son rapport de 2018, la banque mondiale pour 2017, le PIB de l'Iran était estimé à 439,5 milliards de dollars et le PIB par habitant de 6974 dollars US. D'après les données de la banque mondiale pour le premier semestre de 2017 (d'avril à septembre, selon le calendrier iranien), la progression du PIB au coût des facteurs s'est établie à 4,5 % (en glissement annuel). Après la levée des sanctions, le secteur non pétrolier a largement dynamisé la croissance globale sur cette période, contribuant à la progression de l'économie à hauteur de 3,2 %. Avec les sanctions qui s‘annoncent, cela aura un impact sur le taux de chômage qui a été de 12,20% en 2012, 10,60% en 2014, 11,67% en 2015, 11,3% en 2016, 11,4 % en 2017 et 12,1% en mars 2018, selon l'officiel, certainement sous-évalué, touchant majoritairement les jeunes (les moins de 25 ans représentent 32 % de la population) et notamment les jeunes femmes diplômées. Pour 2016/2017, le taux de chômage chez les hommes est de 10,1 % et de 19,1 % chez les femmes, signe du creusement des inégalités entre les sexes sur le marché de l'emploi, chaque année, 800 000 personnes arrivant sur le marché du travail. Cet accroissement s'explique en grande partie par l'augmentation du taux d'activité de la population, à 40,4 % contre 35,4 % en 2014. Rappelons que l'Iran s'est lancée dans une série de réformes étalées sur 20 ans selon le VIe plan quinquennal de développement couvrant la période 2016-2021 dont la refonte des subventions généralisées non ciblées. Ainsi, le dispositif de subventions indirectes, dont le coût était estimé à 27 % du PIB en 2007/2008 (soit approximativement 77,2 milliards de dollars), a été remplacé par un programme de transferts monétaires directs aux ménages iraniens. Le second volet de la réforme des subventions, lancé au printemps 2014, prévoit un ajustement des prix pétroliers plus graduel qu'envisagé auparavant et un ciblage plus large des transferts au bénéfice des foyers à faible revenu. Près de 3 millions de ménages à revenu élevé ont été rayés des listes des bénéficiaires. Cette démarche aurait conduit à une réduction des dépenses de l'Organisation des subventions ciblées (TSO) de 4,2 % du PIB en 2014 à 3,3 % en 2017. (A suivre) Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international