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Facteur de co-développement et de prospérité partagée des deux rives de la Méditerranée via Afrique
Publié dans La Nouvelle République le 26 - 01 - 2019

Le professeur des universités, Abderrahmane Mebtoul docteur d'Etat (1974)- expert international, membre de plusieurs organisations internationales, a été désigné par son Excellence le Président de la République Abdelaziz Bouteflika pour diriger la délégation des 10 ONG algériennes, qu'il tient à remercier pour la confiance témoignée, au sommet de la société civile des deux rives de la Méditerranée qui se tiendra à Marseille le 24 juin 2019 et présidera la commission, la plus importante dévolue à l'Algérie, «la transition énergétique au sein de l'espace des 5+5».
Les dynamiques économiques modifient les rapports de force à l'échelle mondiale et affectent également les recompositions politiques à l'intérieur des États comme à l'échelle des espaces régionaux. L'énergie, particulièrement, est au cœur de la souveraineté des États et de leurs politiques de sécurité. La stratégie russe, la stabilisation politique de l'Irak, de la Syrie où devrait transiter des canalisations et de la Libye, tout en n‘oubliant pas les énormes potentialités du Qatar et de l'Iran, les importantes découvertes en méditerranée orientale et le gazoduc israélien en direction de l'Europe, financé par les Emiraties, devrait entrainer un profond bouleversement de la carte énergétique au niveau de la méditerranée 2020/2025.
La transition énergétique, une question de sécurité pour les deux rives de la Méditerranée via l'Afrique
L'énergie autant que l'eau est le cœur de la sécurité des Nations. Le monde s'oriente 2020/2030, inéluctablement vers un nouveau modèle de consommation énergétique fondé sur la transition énergétique La transition pouvant être définie comme le passage d'une civilisation humaine construite sur une énergie essentiellement fossile, polluante, abondante, et peu chère, à une civilisation où l'énergie est renouvelable, rare, chère, et moins polluante ayant pour objectif le remplacement à terme des énergies de stock (pétrole, charbon, gaz, uranium) par les énergies de flux (éolien, solaire). La transition énergétique renvoie à d'autres sujets que techniques, posant la problématique sociétale. Il ne suffit pas de faire une loi car le déterminant c'est le socle social.
Cela pose la problématique d'un nouveau modèle de croissance : tous les secteurs économiques, tous les ménages sont concernés : transport, BTPH ; industries, agriculture. Les choix techniques d'aujourd'hui engagent la société sur le long terme. Dès lors la transition énergétique suppose un consensus social car la question fondamentale est la suivante : cette transition énergétique, combien ça coûte, combien ça rapporte et qui en seront les bénéficiaires. Pour une transition énergétique cohérente de renforcer les interconnexions des réseaux et l'optimisation de leur gestion (smart grids) pour contribuer à l'efficacité énergétique, au développement industriel, aller vers un nouveau modèle de croissance, afin de favoriser l'émergence d'une industrie de l'énergie, au service de l'intégration économique, les avantages octroyés par l'Etat devant être fonction de ce taux.
Les décisions dans le domaine de l'énergie engagent le long terme et la sécurité de tout pays au regard des priorités définies sur le plan politique (indépendance nationale, réduction des coûts, réduction des émissions de carbone, création d'emplois). D'une manière générale, l'énergie apparaît donc aujourd'hui comme un puissant facteur de coopération et d'intégration entre les deux rives de la Méditerranée. Le climat et l'énergie peuvent donc fournir le lien structurant qui permettra non seulement de concrétiser l'orgueil culturel méditerranéen dans la conception et la réalisation d'une suite de projets concrets, mais aussi de préparer l'élaboration d'un concept stratégique euro-africain. Mon ami, le polytechnicien Jean Pierre Hauet de KP Intelligence (France) note avec justesse que «les marchés de la filière énergie - situation et perspectives que c'est que depuis à peine 10 ans, la scène énergétique s'anime à nouveau en Méditerranée avec au moins trois grands champs de manœuvre dont il est intéressant d'essayer de comprendre les tenants et d'anticiper les aboutissants. Il y aurait trois théâtres d'opérations.
Le premier théâtre est celui des énergies renouvelables (éolien, solaire à concentration, photovoltaïque) qui s'est caractérisé par le lancement de grandes initiatives fondées sur l'idée que le progrès technique dans les lignes de transport à courant continu permettrait de tirer parti de la complémentarité entre les besoins en électricité des pays du Nord et les disponibilités en espace et en soleil des pays du Sud. On parlait alors de 400 M€ d'investissements et de la satisfaction de 15 % des besoins européens en électricité. Aujourd'hui le projet Desertec est plutôt en berne, du fait notamment du retrait de grands acteurs industriels, Siemens et Bosch, et du désaccord consommé entre la fondation Desertec et son bras armé industriel la Desertec Industrial Initiatitive (Dii).
La Dii poursuit ses ambitions d'intégration des réseaux européens, nord-africains et moyen-orientaux, cependant que la Fondation Desertec semble à présent privilégier les initiatives bilatérales au Cameroun, au Sénégal et en Arabie Saoudite. Le deuxième théâtre d'opérations est plus récent : il a trait à la découverte à partir de 2009, de ressources pétrolières et gazières en off shore profond, dans le bassin levantin en Méditerranée Est. Israël est le premier à avoir fait état de découvertes importantes sur les gisements de Dalit, Tamar et plus récemment de Léviathan.
Ce dernier gisement, localisé sous la couche de sels messinienne, semble très important. Des forages sont en cours afin d'aller explorer les couches encore plus profondes qui pourraient contenir du pétrole. Chypre et la Grèce ont également trouvé des réserves apparemment considérables de gaz, toujours dans le même thème géologique qui était resté largement inexploré jusqu'à présent.
Toujours selon l'auteur, Chypre, la Grèce et Israël ont reconnu leurs zones économiques exclusives en Méditerranée et le 8 août 2013 ont signé un mémorandum sur l'énergie qualifié d'historique, incluant notamment la construction d'une usine de GNL à Limassol et réalisation d'un câble de 2 000 MW entre Chypre et Israël. Le troisième théâtre d'opérations a trait à la prospection et à la mise en valeur éventuelle des gaz de schiste dont il faut le rappeler le premier producteur sont les Etats Unis d'Amérique qui ont réussi à réduire depuis trois années les couts d'environ 50% les grands gisements sont rentables à un cours variant entre 40/50 dollars et les marginaux, un cours de 55/60 dollars.
Favoriser les interconnexions : l'énergie au service du co- développement
Les interconnexions électriques en Méditerranée peuvent être un facteur de co-développement. Une communauté méditerranéenne de l'énergie, c'est possible où les liens commerciaux sont importants, les pays du sud de la Méditerranée exportant environ 80% du gaz et 60% du pétrole vers l'Europe. Les besoins électriques sont complémentaires: la pointe de consommation d'électricité en Europe (France, Allemagne, Pays du Nord…) se situe généralement en hiver, alors que dans les pays du Sud, compte tenu des systèmes de refroidissement (appelés à se développer avec l'amélioration du niveau de vie), elle se situe en été. Le sud de la Méditerranée est mieux placé que le nord pour exploiter les énergies renouvelables.
L'ensoleillement y est deux fois plus important. Quant à l'éolien terrestre, il y a des sites extrêmement favorables, notamment sur la bordure atlantique et aussi en Algérie et au Maroc, avec des durées de fonctionnement qui sont sensiblement le double de celles des sites allemands ou français. Ainsi il est très souhaitable d'échanger de l'électricité tantôt dans un sens tantôt dans l'autre: l'électricité conventionnelle de l'Europe vers l'Afrique dans les périodes d'été; l'électricité d'origine renouvelable de l'Afrique vers l'Europe dans les périodes d'hiver. Les interconnexions correspondantes permettront en outre de mieux gérer les problèmes d'intermittence inhérents au solaire et à l'éolien car, lorsque les productions du Sud seront insuffisantes, l'Europe pourra fournir le complément en électricité traditionnelle.
Les échanges énergétiques entre les deux rives de la Méditerranée doivent donc s'envisager dans le cadre de la transition énergétique qui s'impose de par la rareté des ressources. Le mix énergétique de demain sera à forte dominance électrique, puisque selon Shell, le marché de l'électricité devrait augmenter de près de 80% horizon 2040. Dans ce cadre, le solaire thermique pour l'exportation, combiné au photovoltaïque pour les besoins de consommation internes devrait représenter la ressource la plus importante pour la génération électrique. L'hybridation avec le gaz devrait lui permettre d'ores et déjà d'être compétitif. Les autoroutes électriques en courant continu pour traverser la Méditerranée pourraient servir à satisfaire les besoins grandissants de la côte méditerranéenne de l'Europe et la supraconductivité achevée par un refroidissement à l'hydrogène liquide sera la solution à moyen terme pour satisfaire les besoins de l'Europe du Nord. En effet, des pipes transportant de l'Hydrogène liquide permettront de transporter aussi de l'électricité dans des câbles supraconducteurs.
Certes, existent des limitations technologiques actuelles qui interdisent d'installer des câbles électriques à très haute tension lorsque les profondeurs dépassent 2000 m mais qui peuvent être contournées comme par le Détroit de Gibraltar ou au niveau de la Sardaigne. Un rapport de l'Epimed montre que le déficit structurel européen et la forte hausse de la demande de la rive sud impliqueront à l'avenir de construire les éléments d'un partenariat qui dépasse le modèle classique fournisseur-client. Facteur de précarité supplémentaire, la part des approvisionnements européens en gaz provenant du marché spot du gaz sera plus forte avec la montée en puissance des livraisons en GNL sur un marché mondial décloisonné. La volatilité des prix et l'insécurité des volumes disponibles seront plus importants dans une telle configuration en dépit de la multiplicité des offreurs. Aussi, les pays de la méditerranée sont tous confrontés au problème de la sécurité énergétique.
Il s'agit avant tout de renforcer la coopération notamment dans le domaine énergétique, étant un élément fondamental de l'activité économique, un facteur de sécurité humaine, pouvant représenter un lien très fort entre le nord et le sud de la Méditerranée. La situation géographique de l'Europe et la Méditerranée, est un couloir de transit important pour les marchés mondiaux de l'énergie et important carrefour pour les marchés énergétiques mondiaux. Comme le note justement mon ami, le professeur Jean Louis Guigou, Délégué de l'Epimed, il faut faire comprendre que, dans l'intérêt tant des américains que des Européens et de toutes les populations sud méditerranéennes, les frontières du marché commun de demain, les frontières de Schengen de demain, les frontières de la protection sociale de demain, les frontières des exigences environnementales de demain, doivent être au sud du Maroc, au sud de la Tunisie et de l'Algérie, et à l'Est du Liban, de la Syrie, de la Jordanie et de la Turquie passant par une paix durable au Moyen-Orient les populations juives et arabes ayant une histoire millénaire de cohabitation pacifique. Comme le préconise l'auteur, il serait donc souhaitable qu'une réflexion collective s'articule autour de quatre axes thématiques.
Premièrement, la gouvernance territoriale: il s'agira en ce sens de repérer les acteurs clés (privés et/ou publics, individuels et/ou organisationnels), d'analyser les contextes institutionnels et de proposer une grille d'analyse des modes de coordination de ces acteurs.
(A suivre)
Intervention du professeur Abderrahmane Mebtoul expert international


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