Il faut croire que l'option de la transition énergétique telle que prônée par certains pays industriels il y a quelques années de cela a fini par être exclue. Préférant peut-être pour leurs besoins en énergie électrique le nucléaire ou le gaz de schistes à l'électricité renouvelable du Sud. Une volte-face purement stratégique si l'on s'en tient aux déclarations, en juin dernier, du P-dg de l'initiative industrielle Desertec (Dii) Pau Van Son, selon qui la Dii veut abandonner sa stratégie d'exportation d'énergie solaire du Sahara vers l'Europe, remettant ainsi en cause le principe du projet initial «dès lors où il est admis que le marché européen pourrait fournir jusqu'à 90% de sa propre demande en électricité», avait-il argué. Et d'ajouter dans ce sens : «Si nous parlons d'énergie renouvelable d'Afrique du Nord, seule une petite partie sera en fin de compte acheminée vers le marché européen.» Et de poursuivre son argumentation: «Honnêtement, il y a quatre ans, l'acheminement de l'énergie depuis l'Afrique du Nord était la raison d'être de Désertec. Nous avons abandonné cette vision unidimensionnelle». A vrai dire l'abandon du projet Désertec a une autre raison. Ce dernier a essuyé plusieurs revers depuis que l'actionnaire fondateur Siemens s'est retiré de l'initiative en novembre 2012, suivi de Bosch fin décembre. En novembre dernier, le gouvernement espagnol, en difficulté financière, n'a pas non plus donné son feu vert à Dii pour la réalisation au Maroc d'un premier projet éolien et photovoltaïque de 100 mégawatts, initié par l'énergéticien allemand RWE, et à la mise en place d'une centrale thermo-solaire de 150 mégawatts. Comme il faut savoir également que l'abandon du projet Désertec a consécutivement freiné, pour ne pas dire mis à l'abandon, l'initiative industrielle Medgrid, jusqu'alors concurrente de Dii. Cela était d'autant plus prévisible dans la mesure où, faut-il le rappeler, un accord avait été signé fin novembre 2011 entre Dii et Medgrid avec pour but de relancer le plan solaire méditerranéen (PSM). Comme il est utile de rappeler dans la foulée que le partenariat stratégique entre les consortiums visait à faire aboutir les projets issus des deux initiatives : Désertec se concentrant sur la production d'énergie renouvelable et Medgrid étant chargé des interconnexions. Cela dit, du côté algérien, et bien avant les déclarations de Pau Van Son de l'abandon du projet Désertec, on commençait à avoir des doutes de la volonté de l'Union européenne de voir le projet Désertec se concrétiser. Ce dont d'ailleurs a fait part le P-dg de la Sonelgaz Noureddine Bouterfa. Des doutes en raison de l'article 9 de la directive sur les énergies renouvelables de 2009 qui n'autorise l'importation des énergies renouvelables qu'en cas de déficit de production en Europe. Cette disposition réglementaire «va fermer les débouchés à l'exportation» vers le marché européen pour l'initiative Désertec, dont l'Algérie est partenaire depuis décembre 2011 avait estimé à l'époque M. Bouterfa. D'autant que «l'Europe a actuellement un excédent de production dans les énergies renouvelables», avait-il indiqué. De ce fait le P-dg avait précisé :«Les producteurs doivent produire pour eux- mêmes, c'est d'ailleurs la formule qu'a choisi l'Algérie.». Tout comme ce dernier avait déclaré que «l'Algérie est toujours disposée à développer des projets dans le cadre de Désertec». Dans cette perspective Sonelgaz vient de terminer l'étude de faisabilité d'un projet de 1 000 MW d'origine renouvelable mais «se pose des questions sur la suite». Entre autres : comment va se comporter le marché d'interconnexions électrique entre les pays fournisseurs et ceux en déficit de production ? Z. A. * Concept Désertec Le mégaprojet allemand Désertec, initié en 2009, visait en effet à exploiter les potentiels énergétiques des déserts du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord (Mena), via un vaste réseau de centrales solaires à concentration et de parcs éoliens à travers la Méditerranée. Le projet ambitieux, qui regroupait 60 sociétés, dont la Sonelgaz, était estimé à 400 milliards d'euros ! Il prévoyait d'installer 100 GW d'énergie renouvelable au Maghreb et au Moyen-Orient et répondre à hauteur de 15% à la demande d'électricité de l'Europe d'ici 2050. Ce qui lui aurait permis de couvrir ses coûts de production d'électricité.