Le spectacle extraordinaire qu'offre chaque vendredi les manifestants algériens au monde entier est toujours exceptionnel, de son caractère pacifique et de sa détermination à changer le cours de l'histoire du pays. Des centaines de milliers d'Algériens ont investi les rues de la capitale, Alger et des autres villes du pays. En dépit des blocages et des refoulements par la gendarmerie nationale, les manifestants souhaitant rejoindre la capitale pour accompagner les algérois dans leur défilé, ont pu atteindre tôt le matin la place de la Grande Poste. A peine 13h00, elle était pleine à craquer. Une foule compacte, solidaire et surtout déterminée à exprimer son ras-le-bol de la situation politique du pays et de l'évolution vertigineuse des évènements, ces deux dernières semaines. Certains se disent déroutés et désaxés par la succession des fait, ces derniers temps, faisant allusion à la machine judiciaire qui tourne à plein temps. « Je ne suis pas convaincu de ces arrestations ni de fait de rendre justice au peuple », commente Rassim, médecin résident venu de la wilaya de Sidi Belabes, manifester aux côtés de ses camarades qu'il dit avoir toujours soutenus depuis leurs sorties d'il y a deux ans. Les blouses blanches étaient omniprésentes. D'un pas cadencé, la main dans la main, d'une seule voix, ils dénoncent « l'anarchie, l'injustice et l'oubli dans lequel est tombé le citoyen algérien privé de son simple droit d'être soigné ». Leur groupe a sillonné la rue Douche Mourad avant de s'arrêter à la Grande Poste, déjà noire de monde. Au milieu de la foule, des cris et des chants patriotiques résonnaient et retentissaient de loin. C'étaient les retraités de l'ANP qui se sont amassés au milieu de la foule, dont la plupart étaient drapés du drapeau algérien. Pour ce vendredi, 26 avril, le pessimisme et la déception a gagné certains esprits, plus consciencieux et dubitatifs quant à une sortie de crise sans conséquences. « Le mouvement populaire, certes ne faiblit pas, mais nous avons l'impression qu'il est devenu secondaire et la guerre intestine au sein du gouvernement semble prendre le dessus », a martelé Ahmed Chérif, cadre dans le secteur de l'éducation. A deux mois et demi des élections présidentielles, prévues le 4 juillet, les algériens craignent l'échec de leur projet d'édifier une Algérie meilleure, nouvelle dont la démocratie et la justice sociale seront la devise et le fondement institutionnel. 15h00, une marée humaine s'empare du centre d'Alger, sous un beau ciel bleu et sous les couleurs vivantes de l'emblème national. Les familles algéroises rejoignent la foule, sans complexe ni réticence. La présence en force des dispositifs policiers ne dérange personne. Ils font partie du décor de la capitale, depuis le début de la mobilisation. Bien que le nombre des policiers ait été multiplié, les marcheurs se sont habitués à ce bouclier. Cette nouvelle sortie a été imprégnée d'une certaine tristesse et de rage suite à l'effondrement de l'immeuble à la basse Casbah causant la mort de 5 personnes. Les manifestants ont observé au début du rassemblement une minute de silence en hommage à ces victimes. Avec argne et amertume, des marcheurs ont dénoncé la situation précaire et dangereuse qu'encourent les habitants de ce vieux bâti. « La justice devrait commencer par arrêter les véritables responsables de ces crimes, et aider le peuple à concrétiser son projet d'Etat de droit », a indiqué Mme Achour, femme au foyer, mais qui n'a jamais raté aucune sortie, depuis le 22 février. Accompagnée de ses voisines et ses deux filles, cette dame nourrit des espoirs et du haut de son âge de 67 ans, elle rêve d'un meilleur avenir pour ses enfants. Alger est inondée de monde. La révolution des roses pour son dixième vendredi impose un nouveau mot d'ordre « On ne veut pas faire entrer des voleur en prison, mais sortir l'Algérie de prison », « On veut un Etat civile et non militaire ». Des slogans parmi d'autres qui ont fait l'unanimité entre les manifestants qui voulaient à travers ces affiches répondre aux dernières positions du Général de corps d'armée, Gaid Salah qui a appelé le peuple à la sagesse et à respecter la Constitution. Même réponse a été apportée par le peuple qui réclame l'activation des articles 7et 8 de la constitution, préconisant le peuple comme seule source du pouvoir. « En dépit des empêchements et des restrictions, nous allons bientôt voir le bout du tunnel », estime Yasmine résidente en France, participant pour la première fois à ce mouvement. Impressionnée, émotive, les larmes aux yeux Yasmine est vite consolée et rassurée par sa sœur. « Nous sommes arrivées tôt hier pour ne pas être bloquées par les gendarmes qui campent à tous les axes menant à Alger », réponds Aldjia. Fière d'avoir rejoint le mouvement qui s'est déroulée dans le calme. Sans incidents constatés. « Nous allons récidiver jusqu'à ce que notre volonté soit respectée », ont-elles rajouté. C'était 17h14, quand la foule commence à se disperser, le cœur à la main.