Pour le sixième vendredi consécutif, des milliers de manifestants sont sortis à Alger, la capitale et dans plusieurs autres wilayas du pays pour réclamer un changement politique profond. Le mouvement ne faiblit pas depuis février dernier, les appels à manifester se sont multipliés, notamment, depuis la proposition annoncée, il y a quelques jours par le vice-ministre de la défense Ahmed Gaïd Salah, d'appliquer l'article 102 de la Constitution en déclarant le président Bouteflika inapte. Une revendication constituante du mouvement populaire, dès son déclenchement, il y a plus d'un mois. Dans la même approche, entre attente et confusion, le mot d'ordre de cette autre journée de rassemblement populaire était, «changement politique pour une Algérie libre et démocratique», et pourquoi pas «laïque et populaire». La manifestation des Algériens, hier, à Alger s'est déroulée dans le calme, mais surtout dans la confusion et l'inquiétude. Confus entre poursuivre la fronde ou accepter la proposition de Gaid Salah, dans sa légitimité constitutionnelle. Une solution d'une sortie de crise par la déclaration du président-sortant inapte à exercer ses fonctions et passer à la phase transitoire, avec des représentants désignés par le peuple. Entre avertis de la situation chaotique du pays et obstinés, rejetant la proposition le menant ainsi vers le chaos, le peuple se divise et les positions se déchirent. Cependant, les appels à investir les rues se sont multipliés via les réseaux sociaux par des personnalités politiques et publiques insistants sur le départ immédiat de Abdelaziz Bouteflika ainsi que tout le gouvernement, sans concession. «Bien que les avis soient divergents, mais les objectifs divergent vers une même issue, celle de sortir de la crise politique qui ronge le pays dans le délais le plus court et amorcer la phase transitoire avant la consommation des 45 jours», commente Yasmine, juriste qui a manifesté aux côtés de ses amis, à Alger. Tous venus participer à cette nouvelle sortie, organisée tôt le matin à la place de la Grande-Poste, sis au centre d'Alger. Le lieu habituel du rendez-vous des manifestants pour guider le rassemblement populaire, auquel la coordination nationale des militaires à la retraite et des blessés ayant droit de l'ANP ont pris part, hier pour crier à l'injustice sociale dont ils sont victimes depuis des années. Ils se sont organisés en troupes, en un mouvement uni, ils ont rejoint la placette Maurice Audin qui donne sur le grand boulevard Pasteur et Didouche Mourad, et ce, avant d'atteindre le reste des manifestants amassés à la Grande Poste. Au contraire des autres vendredis, les manifestants ont afflué au lieu du rendez-vous bien avant l'heure, fixée à 14h00 par les organisateurs anonymes de ce mouvement au début du mois de février dernier. Toutes les artères principales que les manifestants ont l'habitude de sillonner dont l'objectif de rejoindre les institutions de l'Etat ont été placées sous la haute surveillance des policiers qui devrait intervenir proportionnellement pour empêcher tout dépassement ou atteinte aux biens publics. Des dispositifs répartis, notamment, au niveau du boulevard Sacré cœur, Mohamed 5 et Didouche Mourad qui mènent directement au siège de la Présidence. A 13h00, les manifestants observent leur rassemblement, toujours à la Grande Poste avant de commencer à emprunter en nombre les différents boulevards et envahir les moindres coins du centre de la capitale. Aucune distinction, les algérois ont adopté ce mouvement qui s'agrandit de plus en plus. Il est 14h09, la foule explose, certains se donnent la main afin d'harmoniser le mouvement, brandissant des slogans hostiles au pouvoir. Appelant surtout à réformer radicalement le système politique pour minimiser les dégâts. «Appliquez l'article 07 de la Constitution : le peuple est souverain», «la transition doit se faire par le peuple»… scandé en bloc par les protestataires. «Je rêve d'une Algérie meilleure. Pour une fois je ne veux pas quitter mon pays», balance Yacine, les larmes aux yeux. Un espoir que presque 70% de la population couve et clame avec véhémence. «halte à l'ingérence étrangère et aux ennemis intérieurs du peuple», ont crié d'autres qui appellent à construire un Etat de droit, et pourquoi pas laïque. C'est la revendication de trois jeunes artistes, Sara, Dina et Kaci, hissant l'emblème national. Inventifs et créatifs, ces jeunes approchés difficilement lors de cette manifestation se disaient contre tout mouvement festif et rocambolesque qui a marqué la dernière sortie, nuisant et détournant le peuple de l'objectif majeur du mouvement. «Nous ne sommes sous aucune influence et nous ne répondons à aucun appel des pseudos politiques, prétendant l'opposition et le soutien du peuple», balance Hassiba, une enseignante à la retraite, avant d'être emportée par la foule qui se bousculaient et serpentaient en un seul mouvement, tantôt recadré par les forces de l'ordre pour l'empêcher de rejoindre le boulevard Sacre cœur, menant vers El Mouradia.