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Mémoires anachroniques de l'Andalousie perdue (II)
Publié dans La Nouvelle République le 08 - 05 - 2019

Après cette petite précision, nous saurons que nos enfants de Cherchell, les plus habiles et les plus intelligents, comme d'autres jeunes de la Maurétanie césarienne et tingitane, ces Berbères d'une autre trempe, d'une autre éducation et d'une autre éthique, ont été de ce mémorable voyage pour conquérir un monde aux divers aspects.
Ils n'ont pas démérité en besogne, ils ont été jusqu'au bout de leurs forces parce qu'ils étaient mus par la foi et le désir de vaincre pour instaurer l'Islam dans ses pratiques les plus saines. Dans leurs cœurs, il y avait des sentiments de noblesse, n'en déplaise à quelques Occidentaux «impénitents» qui affirment, par des déclarations insidieuses et mensongères, que la conquête de l'Andalousie s'est faite par des «barbares», une expression constamment conjuguée au mode dévalorisant. Et c'est trop tendancieux de leur part, des affirmations pareilles ! Même leurs historiens font des voltiges intolérables pour déprécier cette noble mission des nôtres en Andalousie, une mission où le fier Izemis a montré ce dont étaient capables les jeunes de son espèce, que ce soit sur les champs de bataille pour l'instauration de la paix ou sur les chantiers de développement pour l'avènement d'une civilisation qui allait retentir dans toutes les régions de la Méditerranée. Et pourtant n'ont-ils pas suivi ce que disent d'autres historiens comme eux, plus réalistes, voire plus honnêtes, dans leurs analyses concernant cette conquête ? Ils auraient compris, à ce moment-là, que les jeunes Berbères qui ont fait partie de l'expédition, n'ont eu qu'un seul mobile en tête : l'émancipation de la région et non le partage du butin, comme souvent répété pour ôter tout prestige à l'œuvre ô combien magnifique de ce qu'ils appelaient les «Sarrasins», ce terme qui s'est cristallisé finalement sur l'opposition avec l'ennemi dans le contexte des «croisades». Pour cela, nous leur opposons un deuxième texte…, un texte courageux et positif de Blasco Ibanez qui affirmait : «La conquête musulmane n'était pas une invasion qui s'imposait par les armes, c'était une société nouvelle qui poussait de tous côtés ses vigoureuses racines… Ainsi, dans les villes où ils étaient les maîtres, ils acceptaient l'église du chrétien et la synagogue du juif…». 2- Izemis rencontre Tariq Ibn Ziyad Dans le port de Césarée, où résonnaient encore, dans la tête des gens de la ville, ces échos lointains de vigoureux marins et de frétillants pêcheurs, se développait en ce jour une activité particulière qui ne pouvait passer inaperçue. Des mouvements insolites, pour ceux qui connaissaient bien la périphérie de la me, leur disaient long sur des préparatifs qu'ils n'arrivaient pas à saisir convenablement les contours au vu de cette singulière fébrilité. Une excitation toute particulière remuait tout le monde dans cet espace habitué pourtant aux événements exceptionnels. C'était un véritable mystère pour les quelques habitants de la ville dont la curiosité les poussaient jusqu'à s'imaginer des actions qui se préparaient et qui étaient plus ou moins difficiles à surmonter. Les gens de la mer sont toujours expansifs, ils sont même excessifs dans leurs raisonnements…, ils ont le sens de la démesure. Mais, tout compte fait, ils n'avaient pas tellement tort de penser aux événements exceptionnels, car celui qui se préparait en avait tout l'air. Effectivement, dans l'après-midi, après la fermeture du marché dans cette agora qui servait également pour les rassemblements, le jeune Izemis, se dressait devant la foule à côté de la superbe colonne qui témoigne encore de cette longue présence romaine. Il instruisait ceux qui étaient rassemblés autour de lui de la profondeur du message qu'un des chefs berbères lui avait transmis quelques jours auparavant. Il conférait à haute voix avec un auditoire séduit par des paroles qu'il semblait boire en se délectant du style et de la conviction qui les accompagnaient. Il gesticulait, il touchait de temps à autre son abondante chevelure qui lui tombait sur les épaules, comme pour se donner de la contenance et se rassurer qu'il était en train de séduire et persuader cette foule qui a répondu favorablement à son appel. Son allure de prince lui concédait cet égard qui attirait les jeunes vers lui et le rendait plus respectable et plus aimable à leurs yeux. Izemis, était radieux en même temps qu'excité, malgré son allure de chef dans toute sa plénitude. Il devait annoncer à ces jeunes qui l'entouraient une grande décision après avoir eu le privilège de s'entretenir avec le commandant berbère du nom de Tariq Ibn Ziyad, venu en visite à Césarée. En effet, il l'a rencontré pour la première fois au cours d'un office religieux dans les vestiges d'un petit temple byzantin, qui servait de lieu de prière pour les adeptes de la nouvelle religion, l'Islam. Là, pris d'admiration pour ce jeune plein de pondération et d'intelligence, en l'espace d'une longue et sérieuse discussion, le commandant Tariq lui accorda sa bénédiction pour être un genre de chef de file dans la cité et, pourquoi pas, chargé également des aspects spirituels. Après cela, Izemis, a été souvent appelé à contacter l'heureux chef qui lui rendait si bien son affection et sa confiance. Quelques temps après, il a été instruit par le commandant Tariq de la volonté des califes musulmans de poursuivre l'expansion de l'Islam, selon les commandements d'Allah. Il fallait se rendre au-delà de nos frontières. Oui, il a eu, en dernier ressort, un long entretien avec le commandant Tariq à Césarée même, lors d'une ultime visite pendant sa campagne de sensibilisation qui l'a mené dans plusieurs régions du pays pour fortifier la foi des fidèles et préparer cette importante expédition. Quel a été l'impact de cette heureuse rencontre ? Très bénéfique, assurément ! Effectivement, cette rencontre mérite d'être relatée, dans ses moindres détails pour que l'on comprenne qu'une expédition de cette ampleur n'a pas été le fait du hasard, ni même une décision irréfléchie de chefs qui possédaient des visées autres que celles qui allaient anoblir leur communauté et rehausser l'Islam, après une telle opération. «Le califat de Damas par la voix du commandeur des croyants Walid Ibn ‘Abdel Malik nous donne son feu vert pour conquérir Biled El Andalus», disait Tariq à Izemis qu'il rencontrait encore une fois dans ce temple qui leur servait de mosquée. Et je suis désigné par Moussa Ibn Nouçaïr, le gouverneur d'Ifrikiya, pour diriger cette grande mission, reprenait-il avec l'assurance et la fermeté qui lui étaient connues. Leur première rencontre datait de quelques mois, au cours d'un autre rassemblement de jeunes et de moins jeunes convertis à l'Islam, et au cours duquel Izemis, qui représentait la région de Césarée, se distingua parmi les autres, par sa prestance, son éloquence, son objectivité dans l'analyse et sa détermination dans la voie du Salut. Autant de qualités qui ne pouvaient passer inaperçues, surtout devant de grands chefs au sens élevé de l'observation et du jugement. Je suis jeune, répondit Izemis, je ne connais pas tellement les affaires de la guerre, mais la question qui me taraude est la suivante : avons-nous tous les moyens, hormis notre engagement et notre détermination, avons-nous également toutes les données de ce pays que nous allons conquérir pour que nous puissions réussir notre expédition ? Connaissons-nous son relief, sa société, ses potentialités militaires, possédons-nous également d'autres indications qui puissent nous servir pour arriver à réaliser nos projets ? A ces réflexions, le commandant Tariq a compris qu'il se trouvait devant un noble chevalier, un jeune d'une trempe exceptionnelle, qui sait où aller et qui sait prendre toutes ses précautions et s'entourer de maximum de garanties, quand il s'agit de sujets aussi sérieux qu'ardus et délicats. Cette prudence et cette sagesse lui rappelaient ces autres jeunes dont il a l'habitude de rencontrer pendant de dures et sérieuses épreuves. Du même coup, Tariq, eut comme un éclair devant les yeux, ces yeux bleus qui donnaient plus de charme à ses cheveux clairs que mettait encore plus en relief sa forte corpulence. Tes inquiétudes sont les miennes, Izemis…, elles sont justifiées. Elles démontrent, si besoin est, que tu as bien réfléchi à la question. Elles démontrent aussi que tu as de l'avenir pour t'être accroché à tous ces aspects de stratégie qui ne sont pas sans importance et, par de-là, qui me laissent croire que notre pays peut compter sur de jeunes chevaliers comme toi. Mais saches, une fois pour toutes, que cette expédition ne sera pas une partie de plaisir, ni même une campagne sans aléas. En face, nous allons avoir de solides combattants, de grands chefs, de puissants cavaliers et enfin, une nature ingrate et plus difficile que la nôtre. Nous allons rencontrer beaucoup de difficultés et nous allons subir le destin de ceux qui, avant nous, ont effectué le Djihad, avec cette volonté de mourir dans le sentier d'Allah. Le voyant très inquiet, sans rien perdre de son engagement et de son assurance, le commandant Tariq décida de le revoir autant de fois que la nécessité l'exige. Il ne voulait pas perdre un potentiel pareil de volontarisme et de détermination qui allait faire réussir la conquête de Biled El Andalus. Ainsi, pour rassurer Izemis, il le rencontra une autre fois et lui raconta dans les détails la préparation de la campagne d'Andalousie afin qu'il soit tranquille de ce côté-là et entreprendre, dans la quiétude et la confiance, le travail de sensibilisation qui lui était confié. Il devait, avant même d'être responsabilisé pour d'autres missions, spécifiques et encore plus déterminantes, mobiliser le maximum de jeunes dans cette région qui connaît fort bien ce que veut dire l'expansion et le développement d'une culture. Ces jeunes seront les propagandistes d'un message et seront, avant tout, les dépositaires d'une conscience et les véhicules d'une morale qu'ils doivent transmettre à un peuple vivant les affres de la pauvreté, de l'oppression, de l'injustice et de l'inquisition. Après ce long entretien, Izemis, sera au fait de cette «histoire» de Tarif Ibn Malik, une affaire de stratégie guerrière conçue et préparée par le gouverneur omeyyade Moussa Ibn Nouçaïr, presque une année avant ce jour. C'est dire que la conquête de l'Andalousie n'a
pas été une action hasardeuse, une aventure irréfléchie, qui est venue comme cela, pour assouvir une ambition de «chefs» en quête de pouvoir et d'autorité. De quoi était faite cette stratégie, se demandait le jeune Berbère de Césarée ? Et Tariq Ibn Ziyad de se lancer dans une autre explication: - Le gouverneur d'Ifrikiya, Moussa Ibn Nouçaïr, dont la sagesse est au niveau de sa renommée, a envoyé un des nôtres, le Berbère Ibn Malik, l'année passée, durant le mois de Ramadhan, à la tête d'un détachement de 500 hommes pour faire l'étude géographique du sud de la péninsule Ibérique, cette importante région qui, si Dieu veut, va recevoir les premières colonnes de musulmans pour prêcher et déployer l'Islam. Le missionnaire a accompli convenablement sa tâche et est revenu avec toutes les informations qui nous sont nécessaires pour cette entreprise historique. N'est-ce pas une bonne manière pour tracer notre stratégie militaire, qui doit préparer et faciliter la tâche à nos conquérants du Maghreb ? Izemis comprenait ce langage, mais était-il absolument convaincu et avait-il confiance en toutes les données rapportées par le messager et les préparatifs qui s'ordonnaient çà et là, pour une meilleure réussite de l'opération ? Il réfléchissait déjà comme un grand tacticien rompu aux affaires militaires, lui qui disait ne pas connaître le métier de la guerre. En effet, c'était cette qualité qui se dégageait des propos de ce jeune au cours de cet entretien, surtout après cette dernière question qui laissait apparaître en lui des signes de spécialiste en matière de combat : Une dernière question commandant…! apostrophait-il Tariq dans ce style tranchant mais toujours respectueux. La géographie et la topographie de cette région nous sont inconnues et les informations sur cette terre sont peu nombreuses, pour ne pas dire inexistantes, malgré le travail concret – je n'en doute pas – qui a été ramené par notre compatriote Tarif Ibn Malik. Ne dit-on pas, dans le langage des anciens, que l'Ibérie est une terre difficile d'accès, parce que très accidentée, de par les chaînes de montagnes qui traversent le pays du nord au sud et d'est en ouest ? Ne dit-on pas, aussi, que ce pays a beaucoup de fleuves et de lacs ? Ainsi, une terre pareille ne donne-t-elle pas de grands soucis à une armée composée de cavaliers et utilisant certainement des mulets pour le transport de matériel et d'équipement? - Non, jeune chevalier, fils de bonne famille ! répondait naturellement Tariq qui se voyait de plus en plus surpris par la perspicacité de ce jeune qu'il venait à peine de découvrir dans cette vaste étendue de notre territoire. De là, il s'élançait, encore une fois dans l'explication pour l'assurer que malgré toutes ces difficultés et ces contraintes, Moussa Ibn Nouçaïr n'a pas abandonné son projet. Il s'est plutôt mis au travail pour solutionner chaque problème, point par point. Il a réfléchi longuement à cette campagne…, il a compris qu'il était face à de grands obstacles qu'il devait dépasser pour réussir la conquête de Biled El Andalus. Et puis encore, affirmait-il devant Izemis : - Ne sais-tu pas que les Berbères existent bel et bien dans cette péninsule que nous voulons conquérir ? Je t'informe que nos ancêtres sont là-bas depuis longtemps. N'est-ce pas que le terrain est déjà favorable pour une bonne réussite de notre expédition pour l'Islam, la paix et la culture ? - Les Berbères sont là-bas, depuis des siècles ? Est-ce que cela est vrai? Reprenait le chevalier Izemis, tout content en même temps qu'étonné par cette information qu'il n'avait pas, lui qui était au fait de l'Histoire de ses ancêtres. - En effet, ils sont là-bas, répondait placidement Tariq. Et partout, dans la péninsule et dans les Iles Baléares, que nous ne connaissons vraiment pas bien, sur le plan topographique, des noms berbères existent en bonnes places. Tarif Ibn Malik nous rapporte qu'une cinquantaine de toponymes trouvent leurs origines chez nous, dans notre terre de fiers Amazighs. Vois-tu pourquoi le gouverneur d'Ifrikiya ne voulait pas abandonner ce projet… Et ainsi, «Moussa Ibn Nouçaïr les a dépassées, effectivement ! », reprenait Tariq, dans un langage convainquant. Aujourd'hui nous sommes prêts pour aller au devant de notre destin. Mais, pour ton information, je dois t'entretenir de ses inquiétudes à ce sujet…, d'autres inquiétudes. Je vais te les résumer en quelques mots et je te fais confiance, puisque je vois en toi le fidèle et digne descendant de ces valeureux combattants et de ces majestueux Aguellids qui ont fait la gloire de notre pays. Sa première inquiétude, Izemis, était que la distance qui sépare la terre du Maghreb de celle de Biled El Andalus est d'au moins treize kilomètres et que les musulmans n'ont pas assez de navires pour transporter tous les combattants volontaires parmi nos enfants. La plupart des conquêtes musulmanes avaient été jusque là terrestres, sauf rares exceptions, comme la conquête de Chypre. Sa deuxième inquiétude était que «Jouzour el Beliar», les (Iles Baléares), situées à l'est de Biled El Andalus, sont occupées par les Romains chrétiens, et que si nous pénétrons dans Biled El Andalus, nous aurons alors dans le dos les troupes romaines. Cela, le gouverneur Moussa l'avait bien compris, depuis sa présence et son expérience au Maghreb…, il avait compris qu'il fallait constamment sécuriser ses arrières. Il a donc décidé de régler le problème des Baléares avant d'entrer en Biled El Andalus. Sa troisième inquiétude est aussi importante que les précédentes. Le port de Ceuta se trouve toujours aux mains des Wisigoths. Il est encore gouverné par le Comte Youlyân (Julien), un chrétien qui a toujours entretenu de bonnes relations avec l'ancien roi d'Andalousie, Ghaytasha (Wittiza) qui a été assassiné par Rodrigue qui lui a succédé. Et bien que Youlyân, l'administrateur du port de Ceuta, ait été en conflit avec le nouveau roi Rodrigue, le gouverneur Moussa ne pouvait être rassuré qu'il n'allait pas, malgré cela, tenter d'attaquer les musulmans dans leur dos, une fois ces derniers entrés en Biled El Andalus. Et sa quatrième inquiétude…, celle où les conquérants musulmans, venus du Shâm, du Yémen et du Hijâz, constituaient une armée très limitée en nombre. Cela, tout le monde le sait, y compris ceux des régions limitrophes. Et si le gouverneur Moussa rassemblait toutes ses troupes arabes déployées au Maghreb et les envoyait en Biled El Andalus., notre région risquerait d'être perdue. Et une cinquième, une autre…, et c'est peut-être celle qui l'avait le plus préoccupé. Les troupes chrétiennes en Biled El Andalus sont très nombreuses, et menées par un roi ferme et orgueilleux. Les chrétiens disposent de multiples forteresses et fortifications à travers le pays. C'était cela le danger que pouvait rencontrer notre expédition. Enfin, la sixième et dernière inquiétude de Moussa Ibn Nouçaïr se situait dans le fait que Biled El Andalus est une terre qui demeure inconnue pour lui et ses compagnons. Aucun navire musulman n'a en effet traversé la mer pour rejoindre cette terre avant les siens. Mais aujourd'hui, «El Hamdou Lillah», toutes les inquiétudes du gouverneur Moussa Ibn Nouçaïr se dissipent et nous sommes prêts à mettre à exécution notre plan de conquête avec la sérénité qui doit nous entourer en pareilles circonstances. - Commandant, je pensais t'avoir posé une dernière question, reprit Izemis, mais les points que tu viens de développer m'incitent à t'en poser une dernière peut-être… El le port de Ceuta, dont tu parlais, il y a un instant, et le gouverneur Youlyân (Julien), qu'en est-il advenu ? - En effet, ajouta Tariq, il restait ce problème au gouverneur Moussa Ibn Nouçaïr. Il restait le port de Ceuta avec sa grande fortification qui, de plus était très difficile d'accès. C'était un problème sans solution s'il n'y avait cette main tendue d'Allah, en quelque sorte sa Miséricorde, qui nous a facilité la tâche et nous permet de dire que nous sommes fin prêts pour entamer notre conquête. Oui, le Comte Youlyân, gouverneur de Ceuta, qui voyait de jeunes combattants s'établir autour de la ville qu'il administrait, comprenait très vite, en militaire averti, qu'il se préparait quelque chose et qu'il ne pourrait résister longtemps dans une guerre l'opposant aux musulmans. Mais le Comte ressentait une profonde animosité envers le roi Rodrigue, qui avait assassiné son grand ami, le roi Ghaytasha (Wittiza) – je l'ai déjà dit –, pour prendre sa place. Rodrigue est un souverain d'un royaume déliquescent, miné par l'injustice, les révoltes sociales et la pauvreté, et qui, de plus, fait souffrir son peuple en lui imposant d'innombrables taxes. De ce fait, toutes les populations de l'Ibérie le détestent, lui qui vit dans l'opulence extrême et règne sur un peuple qui souffre sous le poids de la misère et le joug de l'oppression. C'est alors…, qu'un jour, un messager vint me trouver à Tanger. - Je suis envoyé de Ceuta par le gouverneur Youlyân qui me charge de vous communiquer ce qui suit : - Premièrement : le gouverneur Youlyân est prêt à vous remettre le port de Ceuta, sans aucune résistance. - Deuxièmement : sachant que vous n'avez pas assez de navires pour assurer la réussite de votre campagne, il est prêt à mettre à votre disposition le nombre nécessaire pour vous faciliter la traversée du détroit. - Troisièmement : il vous donne les plans topographiques de la péninsule avec toutes les précisions qui vous permettront de marcher sur des terres, comme si vous les connaissiez depuis toujours. - D'accord, répondis-je, mais en échange que me demande Julien? - Il veut, tout simplement, que vous lui laissiez tous les biens personnels de l'ancien roi Ghaytasha. «Mais quel bas prix !» m'écriais-je, en apprenant les conditions de Youlyân. Et d'ajouter : - Je suis bien à l'aise pour lui dire que les musulmans n'ont jamais pensé aux richesses lors des conquêtes, parce qu'ils ne pensent pas au bas monde, ni même à l'argent et aux autres plaisirs. Ils ne veulent
qu'une chose en entrant en Biled El Andalus : inviter les gens à se convertir à l'Islam. Ainsi les musulmans n'ont aucune vue sur les biens de Ghaytasha ou de quiconque. Ils ne viennent pas de l'autre côté du monde pour amasser des biens et des fortunes. Tu lui diras enfin que son prix ne vaut rien devant la conquête de Biled El Andalus. Tariq ajoutait : - Cependant, j'ai pris toutes ces informations et j'ai rencontré Moussa Ibn Nouçaïr, à Kairouan qui, à son tour, a envoyé un message au calife Walid Ibn ‘Abdel Malik, lui expliquant la proposition de Julien. Le calife a ensuite donné l'autorisation à Moussa Ibn Nouçaïr de lancer l'armée islamique vers Biled El Andalus mais, avant d'envoyer le gros des troupes musulmanes, il devait envoyer un détachement sur le terrain pour s'assurer que Julien avait donné des plans réels de cette région à conquérir, et qu'il n'essayait pas de tromper les musulmans. Nous avons parlé de cet épisode précédemment pendant lequel le jeune Berbère Tarif, a été envoyé à la tête de 500 personnes. Voilà, dans les détails, la préparation de cette conquête. Il y a assurément d'autres points que tu dois connaître. Tu en prendras connaissance au fur et à mesure que nous avancerons sur le terrain de la conquête et écrirons l'Histoire de l'Islam en ces territoires. Maintenant, je te demande Izemis de continuer ta campagne et de choisir les meilleurs et les plus fidèles parmi les jeunes musulmans, car ce sont eux qui iront très loin avec nous, poussés par la grâce du Seigneur. Ce sont eux qui iront laver les souillures de rois entêtés et irrécupérables qui ont, de tout temps, maculé leurs peuples de déshonneur et de honte. De là, je te laisse à tes occupations et souhaite te rencontrer, en bonne santé, quand le jour sera décidé par notre haut commandement.


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