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Mémoires anachroniques de l'Andalousie perdue
Publié dans La Nouvelle République le 07 - 05 - 2019

Notre Quotidien, La Nouvelle République, a l'honneur de présenter au cours de ce mois sacré de Ramadhan, et même au-delà, une série d'articles, sous forme de feuilleton, d'un travail bien conçu, bien argumenté, qui reprend, pour nos lecteurs assidus, toute l'Histoire de l'Andalousie où nos ancêtres, depuis le commandant Tariq Ibn Ziyad, ont joué un rôle prédominant, pendant presque huit (8) siècles, de 711 jusqu'à 1492, cette année funeste au cours de laquelle les musulmans ont abdiqué devant Isabelle de Castille, à cause de leurs désaccords, leurs brouilles et leurs alliances contre-nature...Le roman historique, disait le Pr. Ahmed Djebbar, est une des portes qui permet au lecteur d'entrer dans ce monde disparu mais tellement présent par ses effets. C'est une propédeutique agréable pour se préparer à affronter l'Histoire avec un grand H. Et il était temps que des auteurs prennent des initiatives dans ce domaine. Et, ce n'est pas étonnant que ce soit un «homme de la cité», comme Kamel Bouchama, et non pas un spécialiste de l'histoire de la civilisation arabo-musulmane, qui se soit lancé dans cette aventure. Ses origines étroitement liées à l'histoire de sa ville natale, sa formation originale qui s'est nourrie de deux cultures «savantes» et d'une précieuse culture «populaire» et, enfin, son itinéraire citoyen, lui ont fait prendre conscience de la place que doit retrouver l'histoire et la mémoire dans le vécu de nos concitoyens.* *Ahmed Djebbar est mathématicien et chercheur en Histoire des sciences et spécialiste de l'Histoire de l'Andalousie.
A travers le récit historique, qui reste à encourager dans notre pays, nous pensons donner plus d'attirance et d'engagement à nos enfants pour aller chercher dans la quintessence de notre commentaire tous les éléments qui le composent, qui l'entretiennent et qui lui concèdent son crédit et sa noblesse. Car l'Histoire, dans cette forme d'expression, traduit simplement les différentes étapes de notre vécu depuis la nuit des temps, où se mêlent des événements et des personnages réels, mais quelquefois fictifs. Alors, nous nous sentons mieux quand, bercés par les souvenirs et noyés dans le flot de belles idées que l'inspiration nous suggère, nous nous libérons de tout préjugé, en pénétrant le monde mythique du vraisemblablement juste au regard de la vérité historique. Et là, se manifeste et s'épanouit le récit, aux formes romanesques, parfois chimériques, où les sentiments s'imbriquent et se confondent pour nous livrer une partie de leurs fictions, mais en réalité d'importantes indications dans une forme déterminée, pour comprendre ce que l'Histoire ne pourrait jamais occulter. En effet, l'Histoire a toujours été présente en nous. Elle nous accompagne dans notre vie et, aujourd'hui, plus que par le passé, elle est là, dans cet environnement fait d'études poussées et de recherches précises pour alimenter une conscience envahie par la réflexion mais dominée surtout par une compétition effrénée vers le lucre, pour assurer des lendemains meilleurs, nous dit-on… avec beaucoup d'insistance. Le récit historique, de par son évolution depuis le XVIIe siècle, n'a fait que prouver son existence, appuyer son originalité et sa particularité, situer ses enjeux, inscrire sa présence dans le champ littéraire. En d'autres termes, pour commenter et expliquer autant de préoccupations prises en compte par un ouvrage donné. C'est alors que mon récit, à travers cet ouvrage, me contraint d'être fidèle à la réalité historique pour que chacun puisse se situer ou, à tout le moins, reconstruire le monde impressionnant, très poignant même, dans lequel évolue le passé que je retrace. De ce fait, j'évoque des situations réelles dans des endroits qui existent aujourd'hui encore, après avoir existé hier, et des figures dont la perception se base sur des réalités humaines. Cependant, je me permets, de temps à autre – étant dans le récit – de me laisser emporter par mon imagination et donner un peu plus de charme à qui veut bien en profiter. Je fais, comme certains qui pensent qu'il est bénéfique d'introduire dans leurs ouvrages un peu de rêve pour agrémenter la réalité. Cela pourrait s'accepter si l'on ne regarde que du côté de la création qui sera déterminant pour l'aspect artistique et littéraire. Et puis encore, comme disait Antoine Gavory, dans son livre «De l'art dans la littérature» : «après tout l'art ne résiderait-il pas dans le fait d'embellir les réalités, de savoir rester naturel même dans l'imaginaire ?». Aurions-nous pu connaître cette fantastique épopée du sultan Shâriyâr qui, déçu par l'infidélité de sa première épouse, décida d'assassiner chaque matin la femme qu'il aura épousée la veille, s'il n'y avait cette imagination créative qui nous a introduit dans le conte des «Mille et une Nuits» et l'héroïne Shéhérazade, la fille du grand vizir ? Ce récit chatoyant du royaume des Abbassides nous raconte la réalité d'un monde qui s'est fourvoyé dans les plaisirs de la vie. C'était cela les charmes et les délices de Bagdad, c'était cela aussi le sérail où s'accommodaient la luxure aux complots et aux intrigues de palais. Aurions-nous pu connaître également, Ibn Hamed, dernier descendant de l'illustre lignée des Abencérages, revenant sur la terre de ses ancêtres et s'exaltant pour l'ardente Blanca, la chrétienne, s'il n'y avait cette remarquable œuvre de François-René de Chateaubriand qui nous restitue cette ambiance des conflits de l'Andalousie, peu après la «Reconquista» ? Là, nous sommes à Grenade en 1526 avec «les Aventures du dernier des Abencérages», dans une «tragédie héroïque du renoncement et de la fatalité», où à l'amour fou se mêle une quête initiatique dans les salles du palais de L'Alhambra, selon les notes de Jean-Michel Cornu (Directeur scientifique de la Fédération internet nouvelle génération). N'est-ce pas que ce roman contribua à réhabiliter l'héritage de l'«Espagne musulmane» ? Il reste aussi à estimer que le récit historique – à différencier d'une affabulation littéraire ou philosophique – est une fouille du terroir que l'auteur restitue agencée et ordonnée pour instruire le lecteur des faits de l'Histoire, à première vue si éparses mais si enchevêtrés les uns aux autres. C'est une narration subtile et pénétrante, ce n'est pas une fable, une parabole moralisante, c'est plutôt une démonstration qui clarifie des événements très importants et, à tous égards, qui se répètent au fil du temps. C'est dans cet esprit que se situe mon travail. Mais que l'on sache au départ, que ce que je présente, en toute modestie, n'est pas un texte d'historiographie classique, même si les événements qui sont cités peuvent être «soumis aux normes du vérifiable»… car, la véracité historique est présente. Et d'ailleurs, en inventant des personnages pour les besoins du récit, ne m'est-il pas permis de m'offrir la fantaisie pour revisiter de cette manière l'Histoire, la nôtre, dans cette partie du monde ? Quoiqu'il en soit, j'ai pris cette liberté et je m'assume…, tout en sachant : «que le lecteur impartial me passera bien des choses ! », comme disait Chateaubriand, dans son essai historique. Alors ce travail, conçu sous forme de récit historique – l'est-il véritablement ? – vient pour ressusciter, en même temps qu'exalter de nombreux souvenirs, ceux des Berbères et des Andalous, ou ceux des Andalous-Berbères, c'est-à-dire de ceux qui ont vécu ces interférences culturelles et qui les ont développées pendant de nombreux siècles, dans un pays qui «fut perçue comme puissance allogène à l'Europe par l'Occident chrétien alors en pleine mutation». Il vient aussi, à partir de ce pathétique itinéraire de «clé», mais à l'origine de jeunes de Césarée – devenue Cherchell – ou d'autres jeunes de villes algériennes, qui sont partis avec le conquérant Tariq Ibn Ziyad, raconter nos ancêtres qui, des siècles durant, ont participé à la gloire de cet Empire qui a brillé de tout son éclat pour, hélas, tomber dans le délabrement après la «Reconquista». Dans mon texte, Izemis (ou mimis n'Izem, le fils du lion), est en fait celui par qui commence cette aventure en terre ibérique. J'ai choisi ce nom pour souligner la vaillance, la noblesse et le courage de ces Berbères qui ont effectué le voyage. Ses enfants et ses petits-enfants, voire ses arrières, arrières petits-enfants, ou tout simplement d'autres jeunes de la région à qui j'ai donné des anagrammes que j'ai tirées de vrais noms de gens de Cherchell, sont présents dans cet ouvrage, avec l'esprit d'Izemis, pour raconter cette participation concrète «des gens de chez nous», dans cette glorieuse épopée en «Biled El Andalus». Ces personnages que j'invente, et qui ont une relation de parenté très lointaine avec les gens de Césarée, et que je mets en bonne compagnie de véritables «interprètes» de l'épopée ibérique, ont certainement existé dans le vécu de l'Andalousie, sous d'autres noms et d'autres aspects. Sinon, qui étaient là-bas, si ce n'était nos enfants ? Est-ce les Arabes de Qoraïch ou d'El Khazradj qui ont eu l'honneur de conquérir la péninsule en ces débuts du VIIIe siècle ? Non ! L'Histoire confirme qu'au début les Arabes ne représentaient rien, sinon une minorité par rapport aux Hispaniques et aux Berbères qui constituaient la majorité de la population. Ainsi, c'est avec les siens, les autochtones de la Berbérie – et je ne me trompe pas – que Tariq Ibn Ziyad a entamé sa campagne de l'expansion de l'Islam en Ibérie. C'est avec les siens qu'il a traversé le détroit, devenu après «détroit de Gibraltar», pour perpétuer son nom et sa bravoure. Quant à la clé, qui fait le titre, elle n'apparaîtra qu'à la fin de l'ouvrage, dans un sentiment de nostalgie – bien plus, de regret – pour dire combien était grand cet Empire que nous avons laissé choir et combien était brillant cet «âge d'or sans précédent de l'Islam sur tous les plans civilisationnels et que l'Occident a acquis sans complexe.». Ainsi, le lecteur comprendra de lui-même le message que je lui transmets à travers ce long récit. Il saura que de toute cette grandeur, hélas, il ne nous reste que le rétroviseur (ou la clé d'Izemis) pour revenir à notre boutique de souvenirs… Enfin, ce travail développe également toute cette ambiance de lutte de classe et de générations plus ou moins versées dans les conflits les plus abjects et les plus altérants qui puissent exister… Il vient au bon moment pour expliquer le dilemme, pas Cornélien bien sûr, où le héros perd sa maitresse, mais tout un autre dilemme, celui d'un peuple qui, après une longue cohabitation où il a produit l'art et forgé la très riche civilisation moderne de la péninsule Ibérique, s'est trouvé non seulement délogé de ses terres, mais aussi «réduit systématiquement à son passé disparu, comme si ce passé n'avait rien à voir avec la culture et la vie espagnoles actuelles.» De cela, les héritiers du pays après 1492, du moins les plus honnêtes, reconnaissent l'apport de nos ancêtres et corrigent certaines allégations des leurs quant à notre contribution au mouvement culturel qui a mobilisé la péninsule pendant des siècles. Juan Goytisolo, affirme : «Nous éliminons subrepticement le phénomène d'emprunts à la culture arabe, par osmose, par capillarité, dans une longue cohabitation qui a produit l'art et la littérature, merveilleux entre tous, de style mudéjar. Nous continuons à étudier l'histoire des Arabes et des Juifs de la péninsule comme celle de deux peuples hôtes mais étrangers, irréductiblement opposés au peuple espagnol. Parallèlement à cette mutilation historique, nous persistons à déjudaïser et à
désarabiser les grandes œuvres espagnoles. Alors que la langue nouvelle utilisée par les auteurs de la chanson de geste Cantar de mio cid (1140), par l'archiprêtre de Hita pour écrire son poétique Libro de buen amor (1330), par l'infant don Juan Manuel, le Boccace espagnol, dans son œuvre, témoigne de la vitalité, de l'énergie produites par le métissage d'éléments latins et arabes à partir desquels a grandi l'arbre touffu de la littérature espagnole.» C'est en effet tout cela, agrémenté de bonnes choses ou embarrassé d'autres…, de mauvaises, qui paraîtra dans ce récit historique, ou dans ce «presque-récit». Il ne s'agit pas de cette tragi-comédie du «Cid», comme précisé auparavant, mais d'un autre genre de récit, aussi captivant que pathétique, parce qu'il remonte les annales de la présence arabo-berbère en Andalousie, depuis sa conquête jusqu'à la chute de Grenade. I- Izemis, le fier enfant de Césarée Nous sommes au début du VIIIème siècle, dans une attrayante ville méditerranéenne, construite, il y a très longtemps par des bras solides de gens qui se sont établis dans ce coin paradisiaque que leur a offert la côte turquoise dans sa cordiale et attachante hospitalité. De charmantes citées pareilles, qu'abritent de petites enclaves si ce n'est de séduisantes baies et de superbes caps de la côte algérienne, donnaient du bien-être à ces marins qui, lassés par le perpétuel caprice des vagues et les humeurs des vents, retrouvaient leur sérénité et profitaient du repos dans ces coins féeriques où se mélangeaient, au calme de cette admirable position, les enchantements du paysage. La société qui y vivait se composait pratiquement de gens paisibles, cultivés et avenants, mais surtout de gens de mer et d'agriculteurs auxquels les invasions successives, contrairement à la tradition hégémonique des tyrans et des impérieux dominateurs qui ne s'imposaient que pour dissiper et gaspiller les biens des autochtones, lui ont injecté d'autres strates de populations qui sont devenues, à la longue, de bons et fidèles citoyens. Ainsi, à la société originelle d'alors, s'ajoutaient une quantité non négligeable d'artisans, représentant plusieurs métiers, et un nombre appréciable d'artistes et d'hommes de lettres. En somme, les savants de leur époque. Ces derniers, ont eu, sous la férule de leurs rois, de somptueux souverains numides, frappés du «bon label» de chez nous, l'insigne privilège de s'occuper d'une civilisation naissante qui déployait tous ses attraits dans la région, rapidement et sûrement, jusqu'à devenir l'une des préoccupations d'un monde, certes limité dans l'espace, mais qui se voulait diffuseur d'idées fortes en tant que sérieux émule de la Rome antique ou de la Grèce des mythologies, participant ainsi à la grande civilisation, à celle qui imposait ses droits à l'humanité. La ville, appelons-là Césarée plus tard Cherchell, par altération de sa dénomination berbère, disent les uns, latine, reprennent les autres, a été une importante capitale, et quelle capitale ! Elle a été, du vivant des rois Juba, la gloire de son temps dans la Maurétanie césarienne, quand le pouvoir numide, le nôtre, gouvernait notre vaste pays. Elle a été une riche cité antique qui est devenue encore plus célèbre durant des siècles, surtout à la faveur de Juba II et de son épouse Cléopâtre Séléné. Elle était belle, vraiment belle, avec ses palais, ses monuments, ses places, ses théâtres, son amphithéâtre, son cirque, sa grande et imposante muraille, son port, son aqueduc, ses thermes, ses écoles, ses colonnes, ses chapiteaux, ses statues et ses mosaïques. Oui, elle était belle, comme sa Vénus marine qui incarnait l'image de la plus séduisante des mortelles qui retrouvait son éternelle jeunesse… Elle réfléchissait d'admirables fresques, elle étalait sa joie de vivre et ses magies de couleurs. Elle retentissait du bruit de ses habitants qui se démenaient pour toute sorte d'activités et qui se surpassaient dans l'art de paraître toujours plus courtois et plus utiles à leur cité. Elle est restée, presque comme tel, relativement belle, même si le poids des ans qui sont passés et qu'elle a supportés non sans embarras, ont corrompu une partie de ses atours. Elle est restée avec ses marques de grandeurs qui témoignent à travers les âges qu'elle fut l'une des villes les plus prestigieuses de la Méditerranée, rejoignant dans l'Histoire Athènes, ce foyer culturel avec l'avènement de l'âge des cités, Carthage ou Rome, les deux célèbres capitales qui ont péri par la bêtise humaine et le feu. Et vinrent les Arabes, porteurs de message de paix et de civilisation. Elle n'a pas mis beaucoup de temps pour convertir ses habitants à la nouvelle religion. Elle n'a pas hésité un seul instant, pour les encourager à embrasser l'Islam, elle qui connaissait la grandeur de la culture et l'apport de la foi au sein d'une société qui poussait de tous côtés ses vigoureuses racines pour aboutir au progrès et à l'épanouissement. Les familles se jetaient en bon nombre dans les bras cléments de la nouvelle religion. Elles soutenaient l'effort ô combien louable et juste de messagers qui ont parcouru de longues distances pour les exhorter à suivre la voix de la raison et leur ouvrir la porte du salut. Ainsi, l'avènement de l'Islam, dans cette ville au passé glorieux, n'était pas une entreprise qui présentait trop de risques pour les prosélytes qui venaient en terre non encore libérée de certaines contraintes religieuses et traditionnelles, bien au contraire, elle a été facilitée par la compréhension d'une population façonnée dans la tradition culturelle et l'intuition intelligente. Les jeunes surtout, à l'image d'Izemis le fier enfant de Césarée, s'étaient instinctivement imprégnés de la nouvelle religion, y ont adhéré collectivement et, de concert avec leur conscience, ils ont persévéré dans sa pratique tout en contribuant à son rayonnement dans toutes les régions avec lesquelles ils possédaient de solides relations et d'excellents contacts. De là, Cherchell, qui n'a pas démérité pendant la lutte qu'a menée le peuple berbère, tout au long de l'Histoire, contre l'occupation étrangère et qui n'a pas démenti les bons présages quant à sa fière allure devant les importants événements et les grandes épreuves qui lui ont été imposés, a renoué avec la participation concrète, en cette période où l'Islam devait s'établir plus loin que dans ses frontières du Moyen-Orient. Les enfants de la cité, avides de justice, ont répondu fidèlement et avec courage au projet d'affranchissement de la péninsule Ibérique, en propageant l'Islam, cette nouvelle religion de Salut et d'émancipation, au sein de populations jusque-là sous l'emprise d'un christianisme par trop rigoriste. N'a-t-on pas toujours soutenu que Cherchell, à l'instar des autres cités qui ont privilégié la culture et le combat pour de nobles idéaux, tout au long de leur existence, a contribué par ses enfants, de la manière la plus efficace – Izemis en sera le meilleur exemple – à l'expansion de l'Islam dans d'autres régions, surtout là où les peuples souffraient de conduites fort tyranniques et de méthodes vengeresses ? Mais qui est Izemis que nous rappelons dans cet écrit au bon souvenir de l'Histoire ? Un enfant de la cité, élevé dans la dignité des nobles lignées berbères amazighes. D'une forte corpulence, taillé dans le style des athlètes mythologiques de l'Olympe, Izemis naquit dans la famille des Izem, venant d'une tribu située sur les collines verdoyantes du plateau sud qui surplombent Césarée. Ce jeune bien né, qui deviendra chef dans sa région, car impétueux et enthousiaste, n'a pas hésité dès l'annonce du message de paix et de miséricorde, d'accepter la nouvelle religion et se tenir prêt pour la propager et l'étendre dans tous les foyers et même dans les vastes régions de notre pays. Sa famille également, a aussitôt embrassé l'Islam, dès l'arrivée des premiers prédicateurs. Soit ! Mais encore ? Essayons de le connaître plus. C'est un jeune homme qui se distinguait, par ailleurs, par ses attitudes de méditations rapportées à Okba. Tantôt à l'ombre du figuier centenaire qui ne cessait de nourrir sa famille depuis des décades, tantôt parmi les amandiers éparpillés dans un vieux cimetière, et comme déposés sur une falaise happée par l'érosion produite au fil du temps par les vagues qui lui accordèrent une sorte de plénitude… Izemis s'y trouvait là, souvent. Il allait pour méditer, car enfant, il se posait des questions sans réponses, telles que le nombre d'étoiles, la provenance des pluies et d'autres encore plus embarrassantes, qui lui semblaient mystérieuses, et qui concernaient la nature… Son esprit vaquait vers la logique et la cohérence, d'ailleurs cela se transcendait dans ses propos lorsqu'il évoquait l'Islam, la justice… «Il faut éveiller les esprits et libérer l'homme», assénait-il à ses jeunes qui buvaient ses paroles comme un élixir. Tous s'accrochaient au verbe de celui qui commençait à devenir leur idole. Tous appréciaient ses expressions éloquentes qu'il conjuguait au mode de la tolérance et de la sérénité pour ceux qui ne combattaient que pour l'expansion de l'Islam afin de pouvoir vivre dans des communautés pacifiques. Tout un chacun reconnaissait en ce «fils du lion» une bonne âme, animée par l'esprit de persuasion, et qui semait des mots si simples, si généreux, sans empreinte idéologique totalitaire et encore moins hautaine. C'était là, la force de ce jeune qui allait conquérir le commandant Tariq, ébloui par sa démarche émancipatrice, employée non pour envoûter ou anesthésier les uns et les autres, mais plutôt pour les convaincre d'irradier le monde du message divin, un message qui inspirait ce «moudjahid» sincère et épris de paix. Ainsi, Izemis, ses descendants et la «clé» vont nous mener très loin, dans un périple passionnant, à travers les siècles, avec nos ancêtres en péninsule Ibérique. Pourquoi aller vers L'Histoire de « Biled El Andalus », peut-on se poser légitiment la question ? Pourquoi aller vers cette
période, que beaucoup de gens, y compris les Arabes, ignorent dédaigneusement ? Pour deux raisons, affirme le Dr. Raghib As-Serjani. Là, j'ouvre une parenthèse pour dire que je cite un contemporain, parce que nous ne sommes pas encore de plain-pied dans le récit historique ou, si vous voulez, nous n'avons pas encore abordé la partie romanesque de l'ouvrage. Et je continue : la première raison est que cette Histoire, prodigieuse à plus d'un titre et controversée par ailleurs, qui a duré plus de huit siècles – les Européens parlent de moins de huit siècles et la situe entre 711 et 1492 –, «représente plus des deux tiers de l'Histoire islamique globale» et dont les détails sont inconnus pour la quasi-totalité des peuples de notre communauté. La seconde raison est due à la fécondité de l'Histoire andalouse. Cette période longue et faste a donc pu voir se nouer de grandes relations et se tisser de nombreux événements. Lors de cette période, des peuples ont culminés au sommet de leur gloire, et de nombreux autres ont sombré dans les abîmes de la désuétude. De nombreux Etats sont, durant cette période, devenus forts, et d'autres tout aussi nombreux ont été défaits. L'Histoire de l'Andalousie, nous a révélé de grands hommes, tout comme elle nous a dévoilé de piètres souverains.


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