Ouverture de l'année judiciaire: le président de la République réaffirme son engagement à réunir toutes les conditions garantissant une justice indépendante et impartiale    Lignes ferroviaires: la création du GPF, un grand acquis pour le secteur    La caravane nationale de la Mémoire fait escale à Khenchela    Implication de tous les ministères et organismes dans la mise en œuvre du programme de développement des énergies renouvelables    Le Général d'Armée Chanegriha reçu par le vice-Premier-ministre, ministre de la Défense et ministre de l'Intérieur du Koweït    Numérisation du secteur éducatif : les "réalisations concrètes" de l'Algérie soulignées    Beach Tennis: le Championnat national les 29-30 novembre à Boumerdes    Clôture du séjour de découverte technologique en Chine pour 20 étudiants    La transition numérique dans le secteur de l'enseignement supérieur au centre d'un colloque le 27 novembre à l'Université d'Alger 3    Hand-CAN- 2024 dames: départ de l'équipe nationale pour Kinshasa    Attaf reçoit le président de la Commission de la sécurité nationale et de la politique étrangère du Conseil de la Choura islamique iranien    Les incendies de forêts atteignent en 2024 l'un des plus bas niveaux depuis l'indépendance    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'alourdit à 44.235 martyrs et 104.638 blessés    Concert musical en hommage à Warda el Djazaïria à l'Opéra d'Alger    Liban: Josep Borrell réaffirme le soutien de l'UE à la FINUL    Le Président de la République préside l'ouverture de la nouvelle année judiciaire    Sonatrach : lancement d'un concours national de recrutement destinés aux universitaires    Organisation d'une journée d'étude sur l'entrepreneuriat en milieu universitaire    Les joueurs mouillent-ils leurs maillots ?    Ligue 1 Mobilis : la LFP fixe les dates de la 11e journée    Belaili sauve l'EST de la défaite contre Ben Guerdane    Président colombien : « Le génocide à Gaza est un message d'intimidation envers les pays du Sud »    Des artistes illustrent les horreurs de Ghaza    L'indépendance de la République du Rif en marche    Lettre ouverte A Son Excellence, Monsieur le président de la République    Quarante-cinq lotissements sociaux créés à travers plusieurs commune    Opération de dépistage du diabète    Lettre ouverte A Monsieur le président de la République    L'Algérie révise partiellement sa politique des subventions des prix du gaz naturel pour les industriels    Deux artistes algériens lauréats    Commémoration du 67e anniversaire de la bataille de Hassi-Ghambou dans le Grand erg occidental    Lettre ouverte A Son Excellence, Monsieur le président de la République    Tunisie: ouverture des Journées Théâtrales de Carthage    Le président de la République préside la cérémonie de prestation de serment de la nouvelle Directrice exécutive du Secrétariat continental du MAEP    L'ANP est intransigeante !    Les ministres nommés ont pris leurs fonctions    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Mémoires anachroniques de l'Andalousie perdue
Publié dans La Nouvelle République le 13 - 05 - 2019

Izemis voulait, à travers cette autre explication, signaler à ses compagnons d'armes que le danger n'était pas encore écarté définitivement, et qu'il fallait rester vigilant, parce que les convoitises se faisaient de plus en plus nombreuses et pouvaient entamer le sérieux de la campagne d'El Andalus.
Il savait, en outre, parce qu'il n'était ni naïf ni simplet, que la conquête de l'Espagne déboucherait difficilement sur un Etat musulman unifié, stable et prospère. La folie des hommes et leur cupidité, fussent-ils conduits par la foi, allaient toujours les mener vers plus de clivages et de contradictions. C'est pour cela que cette conquête va être certainement suivie de conflits, de luttes et de révoltes de la part de groupes conquérants, parce que les hommes ont transporté avec eux, en terre ibérique, leurs mœurs, leurs identités tribales et ethniques et, bien évidemment, leurs divisions. Il leur expliquait ces événements, comme s'il les vivait sur le terrain. Etait-il un devin ? Non ! Ce n'était qu'un fidèle combattant, intelligent, qui sentait venir de loin certaines aventures et qu'il voulait appréhender avec le maximum de prévenance et de diplomatie. - Mais, dis-moi Izemis, demandait quelqu'un parmi ses soldats, devrons-nous rester les bras croisés, nous qui avons supporté le poids de la conquête, nous qui avons trimé de jour et de nuit, en hiver et en été, nous qui avons maintenu le moral de nos troupes au comble du sacrifice et avons laissé de nombreux frères sur les champs de bataille ? - Tu l'as bien dit, nous qui avons supporté le poids tellement lourd de cette importante expédition de Biled El Andalus, nous devons encore supporter les quelques humeurs de chefs qui ne se termineront jamais avec la prise de telle ou telle ville, ou l'annexion de telle ou telle région. Tu dois savoir, mon frère dans le «djihad» (le compagnon d'armes), que nos chefs sont quelquefois insatiables, avides et inassouvis quand ils vivent l'aisance des victoires. Ils sont également souvent possessifs, envieux et jaloux les uns des autres. C'est pour cela qu'il faut toujours, pour l'intérêt de la campagne, les prendre avec circonspection et éviter de rentrer dans leurs «inconvenance» qui risque de faire bouleverser tout le programme qui doit nous mener très loin encore dans l'expansion de l'Islam. Cette explication venait à point nommé pour éclaircir des zones d'ombre que les combattants pouvaient ne pas comprendre et en faire des prétextes de démobilisation, comme il s'est passé dans toutes les guerres. Mais là, Izemis, en franc soldat et en excellent stratège – il s'est avéré plus mûr que ne le pensaient ses chefs – devançait les événements et s'inscrivait dans la logique de situations pareilles à celle qu'il vivait avec ses compagnons, en cette région ibérique. Et c'était bien d'avoir parlé de cette prémonition qu'il gardait en lui. Heureusement se disait-il, intérieurement, que ce jeune soldat m'a donné l'occasion pour «m'en défaire» et l'exposer devant une assistance ardente et avide d'informations. En effet, l'oracle s'était accompli. Il y avait quelque chose dans l'air qui laissait apparaître quelques concurrences, pour ne pas dire des rivalités. Car, en 712, Moussa Ibn Nouçaïr, envieux des victoires de Tariq, décida la traversée du détroit de Gibraltar à son tour, conforté par une armée de 18 000 soldats. Il prit Séville, ensuite Mérida, qui lui a opposé une farouche résistance, alors qu'un lieutenant de Tariq s'assurait pour sa part le contrôle de Cordoue, appelée à devenir bientôt la capitale de l'Espagne musulmane. Moussa conquit Sidonia et d'autres villes, aidé en cela par ses habitants, plus ou moins complaisants, qui voyaient en l'occupation musulmane une forme de libération par rapport au régime féodal que leur imposaient les Wisigoths. Il installa son fils à la tête d'autres villes conquises comme Niébla et Béja, et ce n'est qu'une fois ses positions confortées, qu'il rencontra Tariq en 713. Quant à son fils, Abd el-Aziz, qui était chargé de briser une première révolte à Séville, prenait Malaga et Iliberis (qui s'appellera plus tard Grenade) avant de pousser jusqu'à la région de Murcie qui se trouvait sous la régence du prince wisigoth Théodemir ou (Tudmir) en arabe. Ce dernier allait conclure avec les vainqueurs un accord lui permettant, contre le paiement d'un tribut, de conserver le contrôle de la région. L'année suivante, Abd el-Aziz prenait Huelva et Lisbonne pendant que Moussa et Tariq marchaient sur Saragosse qui allait tomber en 714 avec toutes les villes de la vallée moyenne de l'Èbre. Remontant la vallée du fleuve, Moussa soumet le Comte ibéro-romain Cassius – qui, une fois converti, sera à l'origine de la lignée des Banu Qasi – puis, poussant vers l'ouest, il va obtenir la soumission de Léon, d'Astorga et de la Galice. Reparti vers le sud, il s'empara de Salamanque alors que Tariq, au nord-est du pays, prit Tarragone et Barcelone. Ces années furent riche de conquêtes, mais voilà que le califat de Damas prit peur. En effet, il prit peur de voir cet Empire lointain lui échapper. Tariq et Moussa furent rappelés sans raison valable, mais d'aucuns disaient que c'était à la suite d'intrigues de palais qui pervertissaient Biled Ec-Cham (la Syrie). De là, l'Espagne était restée sous l'autorité de Abd el-Aziz, dont Moussa le père, prévoyant sans doute que son règne serait contrecarré par Damas, lui avait cédé toute son autorité. Ce dernier conquit le Portugal, la Catalogne, et fit soumettre Malaga et Grenade. En cette période, l'Espagne musulmane avait presque atteint ses limites extrêmes. Le succès et la gloire revenaient en grande partie à ces Berbères qui s'étaient investis dans la propagation de l'Islam et dans l'expansion de la civilisation arabo-musulmane. N'était-ce pas juste, peut-être, de croire aux allégations de cet écrivain occidental, Ignacio Olagüe, quand il affirmait dans son ouvrage, au titre flamboyant : «Les Arabes n'ont jamais envahi l'Espagne» ? Il faisait certainement allusion aux Berbères qui, eux, ont été effectivement les premiers à investir l'Espagne wisigothe, pour reconnaître par la suite la fécondité et la splendeur de la civilisation musulmane. Ainsi, la nouvelle religion avait été acceptée et adoptée par les Espagnols, même si elle était très peu connue, à l'époque. Elle n'était pas perçue comme l'ennemie principale du christianisme. Les musulmans, selon les Espagnols, s'inscrivaient dans une tradition familière aux juifs et aux chrétiens et leur religion était souvent considérée comme une «nouvelle hérésie orientale», un phénomène connu dans une Espagne où l'arianisme et le catholicisme romain s'étaient trouvés en concurrence jusqu'au rétablissement, en 587, un peu plus d'un siècle auparavant, de l'unité religieuse du pays. De toute façon, les Berbères étaient les vainqueurs de l'Hispanie wisigothique depuis le VIIIe siècle. Ils contrôlaient de ce fait la majeure partie de la péninsule Ibérique. Ils s'étaient fortement implantés dans la vallée du Guadalquivir, dans le Levant valencien et dans la vallée de l'Èbre. Ils considéraient les régions du nord-ouest situées au nord de la Cordillère centrale comme des terres d'incursion et n'accordaient que peu d'intérêt aux petits royaumes chrétiens qui avaient réussi à se maintenir dans la région cantabrique, au nord de l'Espagne. Enfin, les Berbères, qui fournissaient le gros des troupes de conquérants, avaient connu le christianisme au sein du même espace impérial romain et n'apparaissaient pas aussi radicalement étrangers et hostiles que les autres musulmans qui venaient du Moyen-Orient, chez qui, pourtant, est né le christianisme. Mais, ceci dit, la coexistence pacifique des trois religions dans la péninsule, qui était considérée comme un vieux mythe, était une réalité. C'était «une culture de la tolérance qui s'est formée en Andalousie, et, de là, elle a été transmise à l'Espagne chrétienne et au reste de l'Occident.» concluait Ghislain Baury, docteur en Histoire médiévale. Izemis, en brave officier de l'armée musulmane, assistait à toutes les péripéties de cette remarquable conquête où de nombreux faits et d'événements se déroulaient dans un climat tantôt tendu, tantôt relâché. Il prenait de l'expérience à chaque entreprise et se voyait de plus en plus aguerri. De ce fait, Moussa Ibn Nouçaïr, lui-même, sur proposition de son général Tariq, le nomma à la tête d'une importante garnison de l'armée dans la région de Cordoue. Un poste stratégique, à plus d'un titre, pour un soldat zélé comme lui, parce que c'est à partir de là que s'imposera le premier califat de l'Espagne musulmane. 6- Amanda et Izemis : l'union Izemis continuait sa mission avec ferveur et dévouement. Il travaillait directement et étroitement avec Ideanis, un fin limier de la politique, qui a été désigné par Tariq pour superviser administrativement Cordoue, en attendant de nommer un gouverneur. C'était El Hakem, le wali de l'époque, un (préfet) en quelque sorte. Izemis prenait de l'assurance, il devenait de plus en plus mûr, de plus en plus serein et confiant en l'avenir de la péninsule, sous le règne de chefs musulmans qui s'efforçaient, malgré certaines discordances qui émergeaient déjà, de mener le pays vers son émancipation. Mais il lui fallait une épouse. Il lui fallait fonder un foyer et avoir des enfants qui allaient perpétuer son nom, son souvenir et l'œuvre de leurs ancêtres… Et là, en Espagne, ce n'était pas le charme et la grâce qui manquaient. De belles femmes, tout comme celles qu'il avait laissées dans ce que fut le vaste royaume de Césarée, attendaient que de jeunes gens comme lui, beaux et intelligents, viennent frapper à leur porte. Celles-ci, les Cordouanes, se faisaient remarquer par leur élégance et leur charme. Elles sont élevées dans le climat de «Córdoba», une ville située dans le sud, au cœur même de l'Andalousie, où le gai Guadalquivir, (El Oued El Kébir) «rit aux blancs orangers et reflètent, les soirs, des boléros légers», allait écrire Paul Verlaine, des siècles plus tard, dans «Nocturne parisien». C'est une parenthèse dans le récit et une entorse au temps…, selon les fantaisies du romanesque ! Izemis, âgé alors de 28 ans, s'épanouissait de plus en plus en vivant sa jeunesse. A cet âge-là, et peut-être moins, les Berbères sont plus
qu'adultes. Mais voilà qu'en être humain, saint de corps et d'esprit, il commençait à avoir des sentiments pour une belle jeune fille. Ce qui était tout à fait normal à cet âge-là où beaucoup d'autres de sa génération se trouvaient depuis fort longtemps bien rangés dans leur foyer. Izemis s'était épris d'une jeune chrétienne, Amanda, un nom connu en Biled El Andalus. Un nom qui rappelle «l'amande» et les amandiers qui, fleurissant au printemps, ajoutent de l'éclat par leur blancheur lumineuse aux grandes surfaces de couleur émeraude. C'était au cours d'une fête, dans Cordoue, du temps du règne de l'émir Al Hurr Ibn Abd er-Rahmân El-Thaqafi quand une charmante jeune fille, lui lança une amande qui l'atteignit au front. Là, surpris par cet usage très galant de démontrer la présence et le besoin de communiquer – restons-là pour le moment –, Izemis ne savait quoi faire, ni quoi dire sur-le-champ. Ce geste, loin d'être fortuit et banal, qu'il pouvait traduire, «noblement», dans sa langue et, réciproquement, dans celle de l'Espagnole, l'a envoûté par sa pureté et sa spontanéité, et même plus, par sa candeur. Néanmoins, il échangea avec elle un joyeux sourire qui lui laissa l'espoir qu'un prochain contact, plus éloquent et, pourquoi pas… révélateur et persuasif, ne tardera pas à venir. Nous étions en 718 et les trois communautés, musulmane, chrétienne et juive, vivaient ensemble. Elles étaient déjà sur le sentier de la concorde. Tout allait bien entre les gens dans ces cités qui se constituaient, s'urbanisaient et s'organisaient sous la férule de chefs conscients de la profondeur d'une conquête, celle qui les a menés à investir une région aussi stratégique comme l'Ibérie. Izemis contribua énormément à ce climat d'entente et de rapprochement. N'était-il pas l'exemple même de la tolérance, parce qu'élevé dans un foyer où émergeaient la noblesse et le respect d'autrui ? Et maintenant, peut-être, que de nouveaux sentiments viennent s'ajouter à ceux qu'il gardait avec finesse et attention, n'était-il pas un homme heureux, comblé, dans cette cité qui rayonnait de joie et de bonheur ? En cette année, à partir de ce premier contact avec une admirable jeune fille, la vie d'Izemis allait basculer dans une autre ambiance, autrement plus gaie, plus ingénieuse et plus poétique. Oui, poétique, et pourquoi pas, puisque Cordoue ainsi que d'autres centres d'influence, qui s'apprêtaient déjà à jouer le rôle de pôles culturels dans une contrée en manque de savoir et d'érudition, inspiraient les jeunes à s'incliner vers plus d'enjouement et de faconde. Il se sentait comme attiré par cette «chose», qu'il ne pouvait expliquer dans ces moments qu'il vivait, ni même connaître son origine. Cette jeune fille et son amande étaient constamment avec lui. Le visage de la belle cordouane était imprimé dans son esprit et dans son cœur, et l'amande – qui ne le quittait plus – était soigneusement cachée dans sa bourse comme ces fétiches que vénéraient les adeptes de prodiges et de bons augures. Mais, avec tout cela, il ne comprenait pas exactement ce qu'il lui arrivait. Tout venait ensemble et se mélangeait dans son esprit, ce sentiment nébuleux et mystérieux qui le taraudait, cette image d'un beau profil qui jurait ne plus le quitter et enfin, l'envie de revoir cette belle créature qui s'imprimait dans sa conscience en des émotions inexplicables qui lui collaient à la peau. Le guerrier, l'intrépide, lui qui bravait tous les dangers, venait-il de succomber aux charmes de la belle cordouane que le Tout Puissant venait de déposer sur sa route pour éprouver sa force et ses sentiments? Un beau jour, comme tous ceux que nous offre Dieu, Clément et Miséricordieux, il rencontra la jeune fille dans une rue de Cordoue. Elle marchait d'un pas allègre, fière et pleine de grâce, ne se retournant nullement pour éviter les regards indiscrets. Mais, voilà qu'arrivée à la hauteur du jeune lieutenant berbère, cet homme distingué, celui qu'elle avait traversé d'un regard affectueux et envoûtant, il y a quelques jours, elle s'immobilisa comme figée par sa présence. Il s'arrêta, lui-aussi, brusquement, troublé encore une fois par cette créature de rêve. Les deux se trouvaient être attirés l'un vers l'autre par une force qu'ils n'arrivaient pas à expliquer. Parlant fort bien le castillan – il a eu le temps de l'apprendre au contact des gens du terroir – de même que l'arabe qu'il a appris depuis le début de l'expansion de l'Islam en notre pays, Izemis aborda la belle fille dans le style le plus romantique. - Je garde en moi le souvenir inoubliable de cette amande que vous m'avez lancée «ingénument», pendant cette agréable soirée où j'ai eu la chance de rencontrer, pour mon grand plaisir, le plus beau «chef-d'œuvre» qu'Allah ait réalisé. En cet instant – souvenez-vous –, mon regard a croisé le vôtre et mon cœur n'a cessé d'attendre le moment, comme celui-ci, pour que je puisse déposer à vos pieds, à travers un geste sublime et passionné, ce bouquet de sincères et nobles sentiments. Admirable créature, il me semble que je vous connais depuis des lustres et votre visage, plein de candeur, me dit long sur votre éducation et votre bonté. De plus, j'admire en vous l'élégance et la finesse, j'apprécie en vous le raffinement et la grâce. Que le Seigneur soit loué pour m'avoir gratifié de ce geste qui me place parmi ses sujets les plus chanceux, les plus heureux, les plus fortunés. Izemis maniait aussi bien le glaive que la parole. Il s'avérait un bon déclamateur devant de charmantes créatures. Et Amanda a eu sa dose de compliments en cette rencontre fortuite dans les attirantes rues de Cordoue qui s'illuminaient constamment lors du passage de séduisantes rosières. A ces mots, les joues de la jeune fille se coloraient. Il lui semblait entendre des expressions magiques. Ses yeux brillaient en même temps qu'elles s'illuminaient avec une telle clarté qu'ils prenaient de plus en plus un aspect étincelant. Elle sentait comme une convulsion la parcourir de la tête aux pieds. Elle ne savait quoi faire dans une situation inhabituelle pour une jeune fille qui n'a jamais perçu, auparavant, pareille sensation, forte, troublante, à la limite excitante. Et là, elle essayait de se ressaisir, non sans balbutier quelques mots, cachant ainsi son émotion devant le jeune homme, pour lui montrer son aplomb et sa contenance. - Je m'appelle Amanda, lui disait-elle, avec ravissement et un soupçon de timidité. Mes parents ne me voyaient pas sous un autre nom. - Que c'est bien choisi pour une personne aussi jolie qu'agréable comme vous, ce nom vous va à merveille ! lui répliqua Izemis, fou de joie après l'avoir revue, en cette belle matinée de printemps qui ajoutait encore du charme et de l'entrain à cette rencontre. Je n'espérai pas tant, mais Allah, dans toute Sa Mansuétude, nous gratifie de cette heureuse occasion pour nous permettre de nous connaître mieux et nouer, pourquoi pas, de sérieux et durables rapports. Amanda se vit impressionnée par ce qu'elle venait d'entendre. Elle était envahie par un sentiment de plaisir, comblée de joie et flattée d'être promise à l'extase du bonheur par un enfant aussi charmant que ce jeune Berbère. Elle ne sut où se mettre après ce qu'elle considérait comme des avances claires et des sentiments sincères qui venaient d'un homme aussi clair que sincère, de cet homme bien né – et elle le saura après – qui a grandi dans Césarée, une capitale qui a su s'imposer devant les vicissitudes du temps et qui a donné pour la culture et l'Histoire ce que d'autres ne pouvaient imaginer. Par la suite, il y eut une autre rencontre et une autre, et beaucoup d'autres encore… Izemis et Amanda s'aimèrent passionnément et se marièrent selon le rite de l'Islam. Leur union a été célébrée par le cadi de Cordoue, Abou Khalifa El Qolli, un autre Berbère dont l'érudition dépassait celle d'un bon nombre de jurisconsultes qui venaient de l'Empire omeyyade de Damas. C'était un vendredi, après la dernière prière de la nuit, qu'une fête grandiose et très riche en couleurs, en tout cas pleine de beauté et d'originalité, a réuni les habitants de cette agréable ville autour d'un mélange de traditions dont l'occasion leur a été offerte pour les apprécier et les adopter comme un acquis, parmi tant d'autres, depuis cette heureuse conquête. Tout se mélangeait dans cette grandiose cérémonie, chants et danses, mets et douceurs, parfums et fleurs, costumes et décors, enfin hospitalité et grand apparat où l'Andalousie montrait déjà ce beau visage de la tolérance et ce mélange culturel qui allait planter les jalons d'une brillante civilisation dans le Bassin méditerranéen. La fête ne se termina pas sans ce carrousel ardent de la rutilante et somptueuse cavalerie des jeunes qui, dans leurs éclatantes exhibitions, comme celles qu'ils accomplissaient dans les régions du Dahra, des Bibans, du Hodna, des Zibans ou du Tessala, ont montré aux convives ce que voulaient dire la maîtrise, la virtuosité, l'adresse et l'agilité en compagnie d'un bel étalon. Une transposition de coutumes dans un pays qui allait vibrer de plaisir en les consacrant comme moyen de culture et de rapprochement, de la même manière que sera consacrée la musique de Zyriab et, plus tard, le zajal, cette forme populaire et si belle du chant arabo-andalou ou, plus fort encore, ce flamenco passionné des rives du Guadalquivir.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.