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La clé d'Izemis
Publié dans La Nouvelle République le 10 - 05 - 2019

La chute de Grenade le 2 janvier 1492 : Un chancellement, un schisme, un divorce, un tournant majeur de l'Histoire, un pont définitivement brisé entre l'Orient et l'Occident…Marc Dondey, dramaturge du spectacle « Le Fou d'Elsa».
Izemis quittait le chef Tariq, non sans regret, parce qu'il éprouvait du plaisir au contact de cet homme aux grandes vertus. Satisfait de ces rencontres, il gardait jalousement dans son cœur cette confiance qui lui a été manifestée par le commandant. Il en était fier et cette décision, qui le passionnait et le gratifiait d'une importante responsabilité, le laissait s'affairer avec plus de détermination dans la préparation de l'expédition pour la conquête de cette autre région se situant à l'ouest de notre pays. Ainsi, quelques jours après, le rassemblement qu'il organisait et les préparatifs qu'il dirigeait personnellement dans le port de Césarée, venaient pour annoncer la décision des responsables du califat des Omeyyades d'entamer la conquête de la péninsule, cette région qui allait recevoir de braves émissaires dans la voie du Seigneur. Césarée grouillait de monde ce jour-là. La plupart de ceux qui envahissaient la place étaient des jeunes. Tous, des enfants de la ville ou de la région. Ils portaient en eux ces marques de bonnes souches et de sang pur. Au vu de leur apparence, l'on remarquait les signes de noblesse qui transcendaient de leur belle allure et qui révélaient cette volonté certaine de les voir participer aux audacieuses entreprises. Ces jeunes de la cité antique ne pouvaient être insensibles devant l'injustice…, ils ne pouvaient rester les bras croisés face au mal qui rongeait le monde qui les entourait. Et là, ils avaient une formidable raison qui allait les mobiliser, avec des convictions de bâtisseurs, pour contribuer à l'expansion d'une civilisation. Ils avaient l'Islam, cette religion qui était désormais la leur, et qui devait apporter des réponses à toutes les situations et les engager sur la voie de tous les aspects de progrès et de tolérance. C'était un jour de marché. Une autre foule, aussi dense que bigarrée, animait la place qui s'avérait de plus en plus exigüe car, aux jeunes de la cité se mêlaient ces populations venant des zones rurales et qui descendaient en nombre important pour troquer leurs produits de ferme contre des étoffes, des ustensiles, du sel, des épices et quelques rares et précieuses marchandises que des marins ramenaient de leurs voyages à travers la Méditerranée. Des va-et-vient incessants donnaient encore plus d'animation à cette place qui semblait ne pas vouloir se désemplir lorsqu'on voyait des marchands se démener dans la présentation de leurs articles et de leurs denrées. Un jour exceptionnel que celui où le marché dresse ses tréteaux et dispose en ligne ses étals sur cette importante surface qui servait pour le négoce mais aussi pour les rencontres de différentes natures et de plusieurs univers. Non loin de la place, en contrebas, se dégage une autre aire d'activité et d'échange. C'est le port militaire, construit du temps de l'occupation romaine et qui a joué un certain rôle, pour ne pas dire un rôle primordial de défense du territoire. En effet, l'honneur revenait à Césarée de garantir la sécurité des citoyens de la région parce qu'Icosium, qui n'était qu'un modeste comptoir à l'époque, ne pouvait encore jouer ce rôle. Ainsi, sur le plan militaire, Césarée avait de quoi s'enorgueillir. Elle possédait une escadre d'Afrique, qui était là, abritée dans son port militaire antique, entre la côte et l'îlot Joinville qui devait contenir une quinzaine de bateaux, à deux rangs de rames, qui sont l'équivalent des avisos. La sécurité assurée, sur terre et sur mer, les habitants de la vieille cité vaquaient pour un important commerce dans le bassin méditerranéen. C'est alors qu'ils avaient de solides et bonnes relations avec les habitants de la péninsule Ibérique, avec les Gaulois et les Romains. Alors, en ce jour qui avait tout l'air d'être un jour exceptionnel, le port aussi grouillait de marins et de charpentiers. Ces derniers armaient les bateaux qu'ils avaient construits depuis quelques temps, en prévision d'une «importante campagne», d'autres rafistolaient les anciennes embarcations, raccommodaient les voiles et embarquaient des vivres et du matériel «lourd» qui leur servirait pour contenir les éventuelles confrontations avec ceux qui n'apprécieraient peut-être pas leur recette de conquête. En somme, un mouvement inhabituel pareil à celui des grands jours que connaissait cette ancienne capitale du temps de l'époque numide. En réalité, Césarée vivait une activité fébrile et une atmosphère de tension, comme elle les a connues, pendant ces grandes équipées de gloire qu'elle a soigneusement organisées et qu'elle a si bien vécues. C'était les derniers instants avant le grand départ où tout le monde s'occupait activement et s'empressait pour arranger ou ravauder quelque chose. Izemis, se tenait droit sur son beau cheval barbe, face à cette foule qui le suivait attentivement et buvait ses paroles comme on boit un doux nectar. Il s'époumonait par un discours exalté. Il parlait fort, il parlait bien, et les échos de sa voix retentissaient dans cette place qui ne désemplissait pas pour se mélanger aux cris de ces autres jeunes qui venaient d'en bas, à une encablure d'ici…, qui venaient de ce port où régnait justement une activité extraordinaire. - «Aujourd'hui, est un jour de gloire ! », leur dit-il, dans un pur accent berbère, taillé dans le roc, un accent viril qui ne saurait trahir la volonté et l'honnêteté du propos. C'est un jour qui sera gravé dans l'Histoire de notre ville qui vient, encore une fois, affirmer la disponibilité de ses enfants, leur détermination et leur courage – les vôtres – après cette décisive épreuve où vous avez déclaré dignement et clairement, sans heurt et sans contrainte, la mise de votre force et de votre intelligence au service de l'Islam. Vous récidivez, aujourd'hui dans le bon sens, et vous mettez votre volonté aux côtés de celle des milliers de jeunes de notre pays, qui décident d'aller plus loin, dans d'autres continents, pour porter haut, très haut, la majesté d'Allah et l'amour de son Prophète Mohamed, que le Salut soit sur lui. Maintenant, l'heure est arrivée. Nous sommes fin prêts, nous sommes sur le point de quitter notre ville, nos parents, nos épouses et nos enfants. Le devoir nous appelle et l'Islam nous recommande d'être forts et unis, constamment unis, pour vaincre les difficultés et triompher de l'injustice. Nous allons donc répandre le message d'Allah chez des gens soumis à un autre culte et vivant sous l'emprise de rois autoritaires et cruels, sous l'emprise de monarques qu'on appelle les Wisigoths, leur dit-il, imperturbablement, et de continuer son propos : - Nous allons en pays d'El Andalus, après que nos frères arabes aient conquis toute l'Asie Mineure et Constantinople, comme nous l'a prédit le commandeur des croyants Othmane Ibn Affane (Puisse Allah être Satisfait de lui). Ne disait-il pas à son époque : «Certes, Constantinople sera conquise par voie de mer, et vous, si vous arrivez à conquérir El Andalus, vous serez associés, dans la récompense auprès d'Allah, à ceux qui vont conquérir Constantinople.» ? En effet, mes frères dans l'Islam, cette grande capitale des Byzantins sera certainement conquise, par la grâce d'Allah. Son discours était ponctué d'exhortations et entrecoupé par moment d'appels expliquant toute l'exultation de cette foule présente sur l'agora. Des « Allah Akbar » fusaient de partout, ce qui augmentait la tension de ces jeunes qui étaient déjà dans l'ambiance du départ et…, de la conquête. - Nous allons partir d'ici peu, reprend Izemis. Les bateaux sont prêts pour les marins qui doivent braver la force des vagues et les ténèbres de la nuit. Ils iront tout droit vers «Jouzour el Beliar» pour rejoindre les bateaux qui partiront des autres ports du Maghreb central, d'Ighil Gili (Jijel), Tedellis (Dellys), d'Icosium (El Djazaïr), Cartenna (Ténès), Murustaga (Mostaganem) et d'autres bateaux qui nous seront prêtés par des amis, des responsables en terre d'Ibérie, qui ne veulent plus vivre les affres de souverains qui les oppressent. Là, mes frères, le destin nous confrontera avec les Romains qui occupent ces Iles qui sont stratégiques pour nous, et de plus, parce qu'elles sont dangereuses pour nos arrières si ces derniers, nos anciens colonisateurs, persistaient à les occuper. De toutes les façons, peut-être beaucoup d'entre vous entendent parler de ce coin féerique de la Méditerranée, car la présence de nos ancêtres dans les Iles Baléares, dit-on, date au moins de la haute antiquité, et elle sera plus importante Inchallah à partir de cette année. Oui, elle sera plus importante car, après notre victoire, la religion, la culture et la langue seront instaurées là-bas et, bien évidemment acceptées, car nous partons avec un message convaincant, un message de rassemblement et de paix. Les rivières, les collines, les cours d'eau et mêmes les petits villages de ces Iles vont changer de noms. Ils porteront les nôtres, ceux des Berbères ou des Arabes, mais l'élément berbère sera prédominant par conséquent, parce que nous serons les plus nombreux dans la région aux côtés des autochtones issus de notre ethnie. De toute façon, des informations nous sont parvenues de la péninsule, et cela bien avant que nos chefs décident d'entamer cette conquête salutaire pour les peuples qui y vivent sous le joug avilissant des Wisigoths. «N'est-ce pas que le terrain est déjà favorable pour une bonne réussite de notre expédition » en reprenant exactement les termes du discours de notre commandant Tariq Ibn Ziyad ? Après notre victoire, Inchallah, le regroupement de notre flotte se fera à Tingis (Tanger). Quant aux jeunes qui ont décidé de parcourir notre vaste pays jusqu'à Biled El Andalus, je pense que leurs montures sont déjà prêtes et bien équipées. Ceux-là se regrouperont dans la région de la Moulouya et attendront le reste des troupes, pour entreprendre ensemble le périple jusqu'aux «colonnes d'Hercule» qui nous séparent de la péninsule. Il ne nous reste que la volonté d'arriver à bon port, de nouer des relations avec ces
milliers de frères qui, comme nous, ont décidé de combattre pour l'Islam. Ainsi, nous traverserons la mer, en rangs organisés, et atteindrons le pays des Wisigoths, pour faire triompher la voix d'Allah. Izemis haussait de plus en plus le ton au cours de ce meeting qui le plaçait à la tête d'une population déjà acquise à sa noble cause. Il avait avec lui ces valeureux combattants qui allaient lutter pour délivrer le peuple de l'Ibérie des griffes de rois sévères et impérieux et, en même temps, élever le culte de l'Islam en cette terre où prévalaient l'inquisition et l'oppression wisigothes. Il connaissait son rang au sein de cette société qui lui rendait si bien les meilleurs sentiments qu'il éprouvait pour elle. Il avait confiance et il comprenait que cette expédition représentait pour cette population de jeunes ce qu'il y avait de plus décisif pour l'avenir de l'Islam qui venait de renouer avec les célèbres « foutouhète » dont les conséquences se perpétuaient encore dans l'esprit des musulmans. Et il savait que ces jeunes Berbères, ses frères, avec d'autres, qui viendraient de toutes parts, prendraient le dessus malgré la puissance de l'adversaire. Il savait également qu'ils pouvaient, en un temps relativement court, expédier «l'affaire» et remettre les choses en place dans un pays qui souffrait de tant de désordre, malgré ses moyens importants. Il savait tout cela depuis que Tariq Ibn Ziyad, son premier initiateur dans la voie du Salut, lui a fait des confidences d'une extrême portée. - «Nous avons tardé, peut-être ! », lançait-il à l'adresse de ceux qui l'écoutaient attentivement et de continuer, de plus belle, dans un parfait langage des ancêtres. Et de continuer : - Il s'est passé trop de temps depuis Okba Ibn Nafaâ El Fihri, ce compagnon du Prophète (QSSSL), qui a eu le privilège de nous enseigner l'Islam et de nous y convertir. Depuis 647, c'est-à-dire depuis l'an 27 de l'Hégire, nous n'avons pas bougé, en d'autres termes, nous n'avons pas fait ce que l'Islam nous demande de faire. Nous n'avons pas essayé d'expliquer à notre tour les enseignements de cette fascinante religion et l'introduction de ses nouveaux rapports sociaux dans notre monde. Nous n'avons pas ouvert nos bras aux opprimés afin de leur permettre de choisir et de jouir de plus d'équité, d'équilibre et de liberté. C'est pourquoi aujourd'hui nous devons nous lancer dans une expédition du destin pour libérer d'autres peuples des griffes de l'obscurantisme du Moyen-âge, de ses luttes intestines, de ses intrigues et de ses guerres fratricides et surtout de l'Eglise catholique qui ne tienne pas compte de ses véritables enseignements ni même des libertés de ses fidèles. Tariq Ibn Ziyad lui a enseigné ces belles paroles et ce style de bon croyant au cours de leurs rencontres, pratiques et fructueuses, qui ont permis aux deux Berbères, l'ainé et le benjamin, d'établir une solide relation fraternelle et militante. Rien de plus normal dans ces rapports quand on sait, depuis la nuit des temps, que nos populations amazighes, enracinées profondément dans cette terre, n'ont jamais abdiqué leur nationalisme pur et dur et, ainsi, les relations pour le combat libérateur ont toujours stimulé leur esprit de solidarité et d'entraide mutuelle. Et le commandant Tariq, un Berbère des «Oulhaça», une tribu ancestrale, traditionnellement bienveillante, hospitalière et généreuse, située de part et d'autre de la Tafna, savait entretenir ces fécondes relations avec de vigoureux résistants qui allaient renforcer son armée pendant les durs moments de la conquête de Biled El Andalus. Le jeune Izemis, toujours fier, et le démontrant aisément dans toutes ses entreprises, s'adressait à ses concitoyens avec la conviction du combattant de la foi et de la liberté. De plus, il leur parlait le langage de la vérité, le langage de celui qui, se portant volontaire pour la conquête d'un espace inconnu, n'avait pas cette idée extravagante de déboucher sur un expansionnisme aveugle, voire sur un plan d'avilissement d'un autre peuple. Il savait qu'en avançant dans ce projet, il allait contribuer à cette importante œuvre qui porterait l'Islam à son point le plus haut et marquerait de son sceau une civilisation importante au niveau du Maghreb et dans la périphérie du Bassin méditerranéen. C'est alors que sa démarche avec Tariq, dans cette belle cité qui a écrit des pages célèbres dans l'Histoire de notre pays, a été très bénéfique dans le sens où elle a permis à de nombreux jeunes de la région de se mobiliser derrière lui. En effet, derrière celui qui, en l'espace d'une campagne, était devenu leur porte-drapeau pour les mener droit vers la conquête de Biled El Andalus, en 711, avec d'autres jeunes combattants berbères dont le nombre était estimé à plus de sept mille. Ses rencontres avec Tariq Ibn Ziyad, lui ont été très favorables du fait que les débats qui s'ensuivirent, lui ont permis de se fortifier, de prendre de l'assurance au sein des jeunes de sa génération, d'étayer ses connaissances et d'être plus lucide pour appréhender avec sagacité les travaux guerriers qui l'attendaient. Il n'oubliait pas qu'à chacune de ses retrouvailles avec ce personnage au talent reconnu par tous ses adversaires, il lui semblait comparaître devant un géant. Il savait qu'il suffisait d'évoquer son nom pour que tous s'inclinent et reconnaissent en lui l'inlassable combattant et le fin gestionnaire des affaires publiques. N'était-ce pas lui, Tariq Ibn Ziyad qui, après la conquête du Maghreb central par les musulmans, et sa participation efficace à l'islamisation de la région, reçoit en guise de reconnaissance le gouvernorat de Tanger, une ville nouvellement conquise ? Ensuite, et nous le saurons après, au fur et à mesure de notre avancée dans cette conquête d'El Andalus, que c'est lui qui a été dépêché par Moussa Ibn Nouçaïr, à la demande des Espagnols, pour les libérer de l'oppression des Wisigoths. Nous saurons également que c'est enfin lui qui a été le vainqueur, à la Bataille de Guadalete, de Rodrigue le dernier roi wisigoth d'Espagne. C'est alors qu'on peut dire qu'Izemis a été à la bonne école. Et de là, nous allons voir les différentes péripéties qui l'ont conduit jusqu'en Espagne avec le même commandant. Ensuite, nous verrons sa famille et ses proches. En somme, nous revisiterons l'Histoire de ce peuple qui a donné tout ce qu'il pouvait et tout ce qu'il savait, pour un monde qui lui a montré, après des siècles d'existence, qu'il n'a jamais été admis parmi les Espagnols, ni même reconnu comme pacificateur, bien que sa conquête musulmane «n'était pas une invasion» mais une véritable culture de la tolérance qui s'était formée pour être transmise à l'Espagne chrétienne et au reste de l'Occident. Izemis était toujours là, en plein rassemblement, au milieu de cette foule qui se faisait de plus en plus dense. Quelques heures seulement le séparaient du départ. Il profitait pour reprendre son discours avec ses compatriotes de Césarée. Il était solennel sur son bel étalon, il était majestueux, symbolisant parfaitement l'Aguellid des temps anciens, parlant avec conviction et assurance. Il renouait avec ses belles phrases et ses remarquables tournures qui lui venaient de ses ancêtres, les partisans de belles causes : la liberté et l'affranchissement des peuples. Ainsi, dans l'idiome du terroir, dans celui des fiers habitants de cette terre plusieurs fois millénaire, il continuait son propos, devant un auditoire fait en grande partie de jeunes qui attendaient son signal pour sauter sur leurs montures ou s'embarquer sur leurs bateaux. - Et aujourd'hui, une année après, reprenait-il de plus belle, de nombreux combattants de la foi, parmi les meilleurs hommes de notre pays, font cap sur le détroit qui nous sépare de la péninsule. Je disais, il y a quelques instants, qu'il faut d'abord, selon les ordres qui nous ont été transmis, libérer les Iles qui se trouvent juste à côté, parce que dans ces Iles il y a des Romains chrétiens qui ne tolèreraient jamais la présence de musulmans dans un pays tout près d'eux et qu'ils considèrent comme étant le leur. Cette première aventure sera déterminante pour nous, car nous devons prouver avec d'autres combattants qui sont désignées que rien ne peut nous arrêter quand notre volonté nous commande d'aller jusqu'au bout de nos forces. Nous n'avons aucune intention d'avilir des êtres humains comme nous qui n'attendent que des lueurs d'espoir et de béatitude, après avoir vécu une vie démentielle sous la domination des Wisigoths qui ne sont pas l'exemple de l'évolution et du changement. Il est certain que notre armée est bien plus petite que celle des chrétiens, mais nous ferons en sorte d'être les plus forts. Allah sera avec nous dans cette difficile épreuve. Oui, il sera avec nous car, ne nous a-t-il pas prescrit dans un verset du Saint Coran, de la sourate 22, Al-Hajj : «Certes Allah prend la défense de ceux qui croient.» ? Après notre victoire, Inchallah, nous nous dirigerons sous d'autres cieux, où nous aurons à peiner certes, mais à nous rendre encore plus utiles dans le chemin de la justice, de la vérité, celui d'Allah…4- Jabal Tariq où le début de la conquête de Biled El Andalus… Ce jour-là, Izemis, reconnu officiellement comme meneur d'hommes, si l'on s'en tenait aux applaudissements nourris et aux hommages que lui rendait cette population en liesse, a compris la lourde charge qui pesait sur ses épaules. Et, le soir même, dans la ferveur de cette ambiance des grands moments où des hommes allaient écrire l'Histoire de l'Islam, il supervisait personnellement ce départ tant attendu par les jeunes de Césarée qui voulaient prouver ce qu'ils savaient faire dans la construction des empires et des civilisations. N'avaient-ils pas de qui tenir ces jeunes pleins d'audace qui, malgré la rudesse de la mission, souscrivaient à un projet qu'ils savaient très favorable pour le devenir de toute la région ? Leurs aïeux n'avaient-ils pas fait de leur cité cette capitale qui fut, autrefois, à
l'avant-garde de tous les mouvements politiques, économiques et culturels, pour qu'ils n'en fassent pas autant en leur période, en s'attachant à un projet aussi sérieux que productif ? La nuit était calme. Il n'y avait pas de vent. La pleine lune ajoutait du charme à cette côte qui brillait de mille sémaphores comme pour saluer le départ de ces combattants dans leur expédition du destin. Leur première étape de la conquête devait être les Iles Baléares. Il était nécessaire pour eux de réaliser cette importante étape, afin de sécuriser les arrières des musulmans, leurs frères, qui allaient droit sur la péninsule. Les jeunes marins de Césarée se sont déplacés en effet aux Baléares. Ils se trouvaient aux côtés d'autres Berbères qui excellaient dans l'art des attaques à partir de la mer. Et, de par leur bravoure et leur détermination à aller jusqu'au sacrifice, ils ont montré leur qualité de combattants en donnant de sérieux et redoutables assauts aux Romains. Ils le faisaient encore avec plus de vaillance puisqu'ils s'imaginaient qu'ils se trouvaient face à ces colonisateurs d'autrefois, en train de laver les outrages et les affronts que leurs ancêtres ont subis, quand l'Empire romain disposait de leur pays. (A suivre)


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