L'ONU s'est félicitée de l'opération des premiers retraits militaires dans trois ports du Yémen en crise, qui devrait avoir un impact important pour l'acheminement de l'aide humanitaire, mais réclame de nouveaux retraits de troupe afin de relancer le processus de négociation politique. L'Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, Michael Griffiths, a indiqué mercredi devant le Conseil de sécurité qu'entre le 11 et le 14 mai, les Houthis (mouvement Ansarullah) ont commencé le redéploiement de leurs forces depuis les ports de Hodeïda, Salif et Ras Issa, sous la supervision de l'ONU et en présence du général de corps d'armée Michael Lollesgaard de la Mission des Nations Unies, en appui à l'Accord sur Hodeïda (MINUAAH). Cet «acquis qu'il faut chérir même si ce n'est qu'un début» marque la fin de la première phase de l'Accord qui, avec le mécanisme de mise en œuvre de l'échange de prisonniers et la Déclaration d'entente sur Taëz, fait partie de l'Accord de Stockholm signé le 13 décembre 2018 dans la capitale suédoise. L'Envoyé spécial a exhorté le gouvernement du Yémen et les Houthis à préserver l'élan dont «nous sommes témoins aujourd'hui» et à s'engager dans les prochaines phases de l'Accord, dont le redéploiement mutuel de forces à Hodeïda et le renforcement du rôle de l'ONU dans ses ports, sans quoi l'Accord de Stockholm et celui sur Hodeïda, resteront «précaires». Malgré l'importance de ces derniers jours, a-t-il prévenu, le Yémen est à un moment charnière entre guerre et paix. «Si le cessez-le-feu perdure, l'intensification du conflit dans d'autres parties du pays est alarmante et les acquis peuvent être rapidement réduits à néant», a-t-il averti. Il a ajouté que «des attaques comme celle contre les installations de la société saoudienne ARAMCO peuvent facilement remettre en cause tous les acquis». Trouver une solution politique est toujours un exercice d'équilibre difficile mais, a estimé M. Griffiths la mise en œuvre de l'Accord sur Hodeïda permettra d'ouvrir la voie à cette solution et à une paix durable. «Je demande aux membres de ce conseil de se féliciter du redéploiement survenu ces derniers jours à Hodeida (ouest), d'exhorter les parties à travailler rapidement avec le général (danois Michael) Lollesgaard pour achever les retraits encore à faire», a déclaré Martin Griffiths. «Et sur cette base de travailler urgemment avec nous sur une solution politique. Ces débuts doivent être protégés d'une menace de guerre. Nous ne devons pas laisser la guerre faire oublier la paix», a-t-il insisté. Si des retraits des éléments du groupe Absarullah (Houthis) sont intervenus ces derniers jours dans les ports de Hodeida, Salif et Ras Issa, en application d'accords de paix conclus en décembre en Suède, «une intensification du conflit dans d'autres régions du pays est alarmante», a indiqué l'émissaire onusien. «La perspective de famine existe toujours» même si certains districts menacés l'an dernier ne le sont plus aujourd'hui grâce à l'aide humanitaire, a indiqué pour sa part le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les Affaires humanitaires, Mark Lowcock. «Les violences font encore rage», a-t-il déploré. Le responsable a notamment mis en garde contre la dégradation de réservoirs de pétrole, qui ne sont plus entretenus et «risquent d'exploser et de fuir» dans la mer. Une équipe de l'ONU va être déployée prochainement pour évaluer ce qui peut être fait pour limiter les risques, a-t-il dit. Rappelant que l'objectif de l'Accord sur Hodeïda, notamment son volet économique, est d'améliorer la situation humanitaire, M. Griffiths s'est félicité de la réunion tenue mercredi à Amman entre les parties. Il a notamment insisté sur l'importance des débats sur la manière de placer les recettes des ports au service du peuple du Yémen, sans oublier le versement des salaires. Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d'urgence a, en effet, alerté sur le fait que dix millions de Yéménites dépendent toujours de l'aide alimentaire d'urgence et qu'une épidémie de choléra a déjà touché près de 300 000 personnes cette année, contre 370 000 cas pour l'ensemble de l'année 2018. Des défis continuent de se poser dans l'acheminement de l'aide, à commencer par la violence qui fait toujours rage dans plus de 30 secteurs du pays, a souligné Mark Lowcock. Depuis le début du conflit, a renchéri la Directrice exécutive de l'UNICEF, 7 300 enfants ont été tués ou gravement blessés, et à l'heure actuelle, toutes les 10 minutes, un enfant meurt d'une cause évitable: la violence et le manque de nourriture ou de vaccins. Quelque 360 000 enfants yéménites souffrent de malnutrition grave et 2,5 millions d'entre eux souffrent de retards de croissance «irréversibles», a précisé Mme Henrietta Fore, qui a aussi parlé des 3 000 enfants enrôlés par les parties, des 2,5 millions d'enfants déscolarisés, de la destruction d'une école sur cinq et de celle de la moitié des hôpitaux du pays. La crise au Yémen oppose depuis plus de quatre ans les forces gouvernementales aux éléments du groupe Ansarullah (Houthis) qui contrôlent de vastes zones de l'ouest et du nord du pays dont la capitale Sanaa. Le conflit a tué des dizaines de milliers de personnes, dont de nombreux civils, selon diverses organisations humanitaires. Environ 3,3 millions de personnes sont toujours déplacées et 24,1 millions, soit plus des deux tiers de la population, ont besoin d'assistance, selon l'ONU.