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Mémoires anachroniques de l'Andalousie perdue
Publié dans La Nouvelle République le 25 - 05 - 2019

A ce sujet, Ibn Tachfin, s'est aperçu de la traitrise de ces souverains qui ont signé des accords secrets avec le roi Alphonse VI, comme il a eu vent de ce qu'ils lui ont offert en termes de cadeaux et de grandes sommes d'argent pour leur préservation contre l'intervention almoravide en Andalousie.
C'est ce qu'a fait Abdallah Ibn Bologhine souverain de Grenade, suivi après par El-Mu'tamid Ibn Abbad et Ibn El-Aftas. De là, la situation s'est empiré, et le roi de Castille a profité de toutes ces scissions, principales causes de l'effritement du front islamique en Andalousie, pour s'aventurer encore davantage dans les terres des Taïfas. C'est alors que Youssef Ibn Tachfin a compris qu'il devait décider, une fois pour toutes, cette historique annexion de l'Andalousie au Maghreb, et ce pour deux principales raisons. La première étant stratégique. Car, de peur de voir les différentes principautés choir une à une aux mains des Espagnols, par l'hésitation, les divisions et même la forfaiture de ses souverains, et de peur d'assister à la perte de tout le pays et, par voie de conséquence, à l'étiolement du Maghreb, cette annexion devenait plus que nécessaire. La deuxième raison étant d'origine économique. Elle se situait dans le fait que l'Andalousie était plus riche que le Maghreb, notamment, sur le plan agricole. Il devenait tout à fait normal qu'un chef comme Ibn Tachfin, de par sa fermeté et sa rigueur, de par ses capacités d'incursion, puisse avoir des aspirations expansionnistes sur les terres voisines. N'avait-il pas déclaré, après son premier séjour en Andalousie : « Je pensais posséder quelque chose, mais quand j'ai vu ce pays, mon royaume m'a paru petit à mes yeux. Que pourrai-je donc faire pour devenir le maître?» Eh bien, rien de mieux que de combattre encore les rois catholiques et, en même temps, maintenir la pression sur «Muluk at-Tawaïf», afin de ne pas leur permettre de s'abaisser davantage et de montrer leur faiblesse devant des événements marquants. Ainsi, de retour en Andalousie en 1090, pour une autre expédition, la troisième, il a décidé de se débarrasser de certains «roitelets» andalous, qui s'étaient tournés vers l'ennemi castillan pour solliciter son aide, non sans lui faire de grandes concessions. El-Muttawakil a concédé ainsi à Alphonse VI Lisbonne, Cintra et Santarem alors qu'El-Mu'tamid lui a donné Consuegra et Cuenca, en lui promettant Tarifa en cas de victoire contre les «envahisseurs almoravides». Ceux-là ont réagi vigoureusement d'autant plus que cette opération, lui a été recommandée par les jurisconsultes qui, déjà, ne voyaient pas d'un bon œil ces alliances perfides qui avaient le goût de la trahison. Grenade est tombée aux mains des Almoravides le 11 septembre 1090 et son souverain Abdallah Ibn Bologhine s'est rendu à Ibn Tachfin qui l'a exilé à Algésiras, ensuite à Ceuta et à Meknassa. Et c'est ainsi qu'a chuté le premier émir de ces Principautés de courte durée. Les autres sont venus après, avec leurs capitales. Il y a eu Cordoue et Séville. Ensuite Almodovar del Rio, une ville admirable – le toponyme est arabe (El Mûdawwar) –, située au pied de la Sierra Morena, longeant la rive du Guadalquivir, qui n'a pu résister malgré la victoire du Castillan Alvar Fanez. Cette victoire, encore une fois, qui aurait pu être une bonne motivation pour les chrétiens, pour d'autres villes et d'autres provinces, n'a pas permis de sauver Séville, où El-Mu'tamid a dû désormais compter avec l'hostilité de sa population. Il y a eu, ensuite, la prise par Cir Ibn Abou Bekr, laissé sur place par Yusuf Ibn Tachfin, de Murcie, Dénia, Jativa, Carmona, Albacete, Almeria et Aledo, qui a été ravie aux chrétiens en 1091. El-Muttawakil, dont le royaume de Badajoz a été conquis en 1094, a été mis à mort avec ses deux fils. La défaite subie par les Castillans à Consuegra en 1097, la mort du Cid, maître de Valence en 1099 – (Balansiya nom de la ville en arabe) – suivie de la reprise de la ville en 1102 et le maintien de la domination musulmane sur la vallée de l'Èbre signifiaient alors qu'un coup d'arrêt était donné à la «Reconquista» chrétienne. Ainsi, à la mort de Youssef Ibn Tachfin le 2 septembre 1106 à Marrakech, le premier Empire berbère s'étendait du Tage au Sénégal. Mais, malgré cette disparition du chef charismatique, la pression almoravide s'accentuait de plus en plus pendant les années suivantes. C'était son frère Tamime, qui a repris la guerre contre les chrétiens. La victoire d'Uclès en 1108 contre les Castillans, la prise de Talavera, de Madrid, de Guadalajara, de Santarem, et de Lisbonne à l'ouest, la mainmise sur Saragosse en 1109 au nord et la conquête des Baléares en 1115 à l'est, témoignaient de cette volonté des Almoravides à entreprendre la conquête définitive de l'Andalousie et de faire son unité politique. Ils ont eu des échecs, bien évidemment, mais ceux-là ne gênaient pas pour autant ces combattants d'un ordre guerrier dont la réputation d'invincibilité fera dire, quelques années plus tard, à l'historien andalou El-Bekri : «Ils sont d'une intrépidité qui n'appartient qu'à eux seuls et se laissent tuer plutôt que de fuir. On ne se rappelle pas les avoir vus reculer devant l'ennemi…» C'est alors que juste avant la prise des Baléares, ils ont subi en 1114, une lourde défaite face aux Catalans lors du combat de Martorell. En outre, en 1118, le roi d'Aragon Alphonse Ier le Batailleur parvint à s'emparer de Saragosse dont il a fait sa nouvelle capitale. Encouragé par ses succès, ce souverain animé par l'esprit de croisade a battu les Almoravides à Cutanda, a pris Catalayud et Daroca et a lancé, en 1125, un raid audacieux jusqu'à Grenade et Malaga. En 1134, la bataille de Fraga, au cours de laquelle Alphonse le Batailleur fut mortellement blessé, a été la dernière victoire remportée par les Almoravides. Leur domination sur l'Espagne musulmane n'était pas tellement appréciée par les «Muluk at-Tawaïf» qui montraient leur refus par des alliances contre-nature avec les souverains catholiques. Et le roi de Castille, Alphonse VII, qui se trouvait être conscient du mécontentement qu'inspirait aux Andalous, ce qu'il appelait une «hégémonie étrangère», faisait tout pour l'exploiter à son profit en s'alliant à Seïf-ed-Dewla – le «Zafadola» chez les chrétiens – un descendant des souverains musulmans de Bani Houd de Saragosse. La démarche du roi était très prudente. Car, faire la guerre devenait un risque majeur à travers lequel il ne voulait s'y investir. Par contre, renouer avec la politique des «Tawaïfs» (les principautés ou vulgairement les tribus) lui semblait plus opportun que d'espérer une reconquête purement militaire, même si les victoires d'Ourique en 1139, Coria en 1142, et son entrée à Cordoue en 1146, qu'il ne pourra conserver à cause de son éloignement de ses arrières, lui paraissaient des étapes importantes dans la reconquête de l'Espagne. Il ne pouvait s'y aventurer, en effet, puisque quelques mois plus tard, les premiers contingents almohades débarquèrent à Tarifa. L'Espagne musulmane sera, de nouveau divisée, et entrera alors dans la période dite des «secondes Taïfas», une situation nouvelle, que les royaumes chrétiens entendaient bien exploiter. Ainsi, racontait difficilement Boghniri-Izemis qui sentait la vieillesse et dont le poids des ans lui faisait perdre son souffle sans entamer sa mémoire. Il expliquait enfin, on ne peut plus clairement, que si dans la première moitié du XIIe siècle, les Almoravides, rétablirent à leur profit l'unité menacée de l'Andalousie, ils en furent dépossédés une soixantaine d'années plus tard par une autre communauté musulmane, celles des Almohades, dont le rigorisme sera à son tour battu en brèche par la «Grande Reconquête». 15- La culture andalouse pendant le règne des Taïfas Devons-nous parler du «déclin d'une civilisation » en Andalousie, pendant le règne des Taïfas et des Almoravides ? Non, pas du tout ! Car nous ne pouvons être affirmatifs sur cet aspect, du fait qu'en revisitant l'Histoire en toute objectivité, nous serons contraints de reconnaître certains succès dans des domaines bien visés. Ce qui nous fait dire, toujours dans le cadre de l'objectivité, que cette période allait devenir, à partir du XIe siècle, un terreau culturel fertile pour l'ensemble de la péninsule et des pays du Bassin méditerranéen, malgré la rigueur imposée par les nouveaux conquérants et le rattachement de l'Andalousie à leur Empire dont la capitale était Marrakech. De même que chez les roitelets des différentes Taïfas, avec leurs problèmes politiques où s'attisaient les divisions, l'instabilité et l'anarchie, on persistait dans la construction de palais, dans le développement de la poésie, de la chanson et de la musique, en un mot dans la luxure, même si le souverain almoravide Youssef Ibn Tachfin, soutenu par les théologiens et les faqihs, a essayé d'instaurer son ère d'intolérance et son aire de conservatisme stérile. Cette situation confuse sur le plan politique – les Taïfas d'une part et le rattachement du pays à l'Empire almoravide, d'autre part –, imposée à un pays complètement «destructuré», a modifié profondément la personnalité des Andalous. Leurs réactions à l'encontre de ce climat difficile ont été, à en croire les résultats, des subterfuges pour se tirer d'embarras. Ainsi, on comprenait pourquoi «les princes comme leurs sujets, pour des raisons bien différentes, cherchaient à fuir la réalité, à oublier leur angoisse en s'étourdissant dans les plaisirs et à jouir du présent… L'art, allant de pair avec l'agrément, cette époque vivait un développement extraordinaire de l'activité littéraire. Le libertinage étant une réaction qui affecte les mœurs mais aussi les habitudes de pensée, c'est dans ce climat exceptionnel qu'ont été écrites les plus grandes œuvres… Les cours princières étaient autant de cénacles où poètes, lettrés, artistes, savants, philosophes, médecins, spécialistes des sciences exactes, travaillaient dans des conditions matérielles favorables, autour de princes et de mécènes éclairés.» Ce témoignage de l'historien, Lévi Provençal, viendra plus tard, pour nous permettre d'écrire l'Histoire vraie. Et, le récit nous excuse d'avoir anticiper sur les événements… Ce climat culturel, permettait à beaucoup de gens, de modeste condition, de s'élever dans
la hiérarchie sociale et d'échapper au besoin, quand ce n'était pas de la misère. N'a-t-on pas vu Ibn Ammar arriver, grâce à son talent, aux sommets de la gloire, en devenant ministre du prince El Mu'tamid ? Cet exemple suscita une grande émulation dans la foule obscure des panégyristes, affirmaient les gens de la culture. Même les étrangers furent influencés par cette avance dans le domaine culturel. Que l'on demande aux Normands et principalement à leur chef Guillaume de Montreuil et aux Espagnols dont le chef était le roi d'Aragon, Sanche Ramirez, tous deux commandités par le pape Alexandre II et confortés par une importante armée venant de toute la chrétienté occidentale, pour entamer la «Reconquista» à partir de la «Croisade de Barbastro», qu'ont-ils fait une fois sur les lieux. Eh bien, les croisés ont pillé et saccagé, en 1064, la ville de Barbastro sans aucune pitié, mais n'ont pas omis, dans leur butin, hormis les trésors considérables des musulmans de s'accaparer de la culture dont les Andalous étaient fiers. En effet, ils devaient transmettre la sensibilité poétique au monde latin par le biais de ces musiciennes de notables arabes qu'ils avaient fait prisonnières. Que l'on demande également à Samuel Ibn Nagrila, de confession juive, ministre du calife de Grenade, s'il n'a pas eu la liberté de composer pour la première fois, dans sa langue, l'hébreu, de très beaux poèmes ? Que l'on demande à Ibn Hazm El Andalousi (994-1064) si on lui a interdit de publier «Tawq el Hamama», (le Collier de la colombe) avec lequel la poésie d'amour atteignait son apogée ? Il faut encore demander à ce poète, historien, juriste, philosophe et théologien de souche andalouse, converti à l'Islam, qui a été deux fois ministre au service de la dynastie omeyyade, alors en pleine décomposition, s'il n'a pu mettre ses capacités et ses connaissances encyclopédiques au service de ses convictions politiques et théologiques ? Son œuvre a été notable, conséquente et grandiose. Elle comprend, selon les bribes d'information, autant de titres, dont la plupart sont perdus. En effet, 400 titres environ qui couvrent la totalité des sciences islamiques. Les bibliothèques, hélas, ne conservent pas toutes ces œuvres dont le temps a eu raison de leur disparition. Mais ne pouvons-nous pas être fier de nos ancêtres quand on apprend qu'Ibn Hazm, dénonçait déjà, en logique, au début du XIe siècle, «l'identification abusive de l'induction et de la déduction avec le syllogisme» ? Il avait son caractère et, toujours dans le cadre de sa logique de l'Islam, il portait la contradiction aux jurisconsultes et aux théologiens qui optaient pour la subjectivité, source intarissable de déviations. Le Coran, répondait-il, «doit donc être examiné comme un tout achevé à quoi l'on ne doit rien retrancher ni ajouter». Le «Collier de la colombe», le situe parmi les représentants majeurs du platonisme en Islam, avec cette étroite ressemblance qui unit ses théories de l'amour platonique et celle du «gai savoir», des «fidèles d'amour» et des troubadours. Dans l'Union, «El Waçl», tiré de ce chef-d'œuvre, il commente : «L'épanouissement des fleurs après le passage des nuages printaniers, le murmure de l'averse qui ranime les tendres corolles, l'élégance des beaux châteaux entourés de verdure ne sont rien en comparaison de l'union avec l'être aimé, quand ses manières ont su plaire, quand son naturel a été apprécié, quand ses qualités n'ont d'égale que sa beauté. Les mots les plus éloquents ne sauraient la décrire, le talent des plus grands orateurs n'y suffirait pas, car, à son approche, les cœurs défaillent, les esprits se troublent. J'ai dit à ce propos : Quelqu'un m'a demandé mon âge, après avoir vu la vieillesse grisonner sur mes tempes et les boucles de mon front Je lui ai répondu : une heure. Car en vérité je ne compte pour rien le temps que j'ai par ailleurs vécu Il m'a dit : Que dites-vous là ? Expliquez-vous ? Voilà bien la chose la plus émouvante. Je dis alors : Un jour, par surprise, j'ai donné un baiser, un baiser furtif, à celle qui tient mon cœur. Si nombreux que doivent être mes jours, je ne compterai que ce court instant, car il a été vraiment toute ma vie.» Dans cette florissante ambiance culturelle, malgré les discordes et les divisions, Cordoue restait pour quelques années encore la capitale de l'Andalousie, avant d'être annexée par Séville en 1070 et finalement reprise par les chrétiens en 1236, ce qui lui a fait perdre toute son importance et son rôle majeur qu'elle jouait dans l'Espagne musulmane. Mais comme la lumière d'un astre éteint brille encore dans le ciel, Cordoue continuait pendant longtemps, avant cette date funeste du XIIIe siècle, à éclairer l'Andalousie, comme affirmaient les historiens. De cette période encore, Ibn Khaldoun rapportait dans sa «Muqaddima», dans un style convaincant, dénué de tout complexe et allant dans le sens d'une véritable exploration d'une époque qui a laissé des traces, beaucoup de traces pour l'Humanité. Il disait, notamment : «Au début, c'étaient les musulmans, des gens simples, sans intérêt pour les arts. Mais, peu à peu, avec le développement de l'Etat, ils adoptèrent une culture sédentaire, tel que nul jusqu'alors n'en avait connu. Ils devinrent versés dans maints arts et maintes sciences [...] Des missions étaient chargées de trouver les traités scientifiques grecs et de les mettre en arabe [...] Ils excellèrent dans différentes disciplines, au point que nul n'aurait pu faire mieux.» Ainsi, «le récit historique» que je continue de présenter me passera cette brusque intrusion dans le temps, pour me permettre d'écrire dans le style et la forme d'aujourd'hui et dire que la charge culturelle de cette époque, sa qualité et son importance, sont assurément sans commune mesure avec ce que nous révèlent des écrits peut-être «tendancieux» qui nous viennent pour raconter ces événements d'autrefois. Il nous faudrait peut-être choisir d'autres méthodes de recherche et d'études pour prévenir l'indigence des informations. Il serait convenable alors de parler aux lieux, aux détails architectoniques, même aux sources religieuses de l'époque et mener un travail commun de reconstitution du passé almoravide et almohade. Cependant, il est de notoriété publique, avant même de questionner les lieux, les sources et même certains détails dont on faisait allusion, que l'Occident musulman, avec tout le Maghreb et l'Andalousie, était pendant cette période très riche sur le plan culturel, contrairement aux clichés malveillants et quelquefois hargneux, véhiculés par certains écrits. Et Youssef Ibn Tachfin, à l'inverse de ce qu'on lui imputait au cours de son règne, n'était pas aussi ringard vis-à-vis de la culture et des sciences. Son œuvre militaire a été incontestablement la condition qui a retardé de près de trois siècles la chute de l'Andalousie. Sans lui, affirmaient les chroniqueurs de l'époque, nous n'aurions pas assisté à l'éclosion d'esprits tels qu'Ibn Rochd, Ibn Tofaïl, Ibn Baja, Ibn Arabi, ou Ibn El Khâtib. En défendant l'Andalousie et en rattachant les territoires des «Reyes des Taïfas» au Maghreb, Youssef Ibn Tachfin a confirmé l'alliance et, même plus, l'unité politique et a permis la libre circulation des hommes et des idées entre les deux rives du détroit. Etait-il impossible que dans cette ambiance politique, confortée par un développement économique, l'on ne pouvait prétendre à un épanouissement culturel ? Et Marrakech de l'autre côté de la rive sud n'était-elle pas la structure d'accueil des hommes de culture et des arts ? En effet, du temps des Almoravides, il y eut de grands échanges de savants entre les deux pays, pour différentes raisons d'ailleurs, mais qui ne pourraient ne pas être culturelles et scientifiques pour la plupart. Le cas d'Ibn Baja par exemple, avec son disciple Abou El Hussaïn Ali Ibn El-Himara El Gharnati ou d'Abou El Abbès El Mourçi, grands musiciens de l'époque, le démontre aisément. Mais avant de connaître ces raisons, voyons d'abord qui est Ibn Baja. Il a été philosophe, médecin et astronome. Il est né à Cordoue (ou à Saragosse, selon d'autres informations) vers 1085. De son vrai nom Abou Bakr Mohamed Ibn Yahia es-Serqasti Ibn Baja. Il était surnommé également Ibn es-Sayagh (le fils du bijoutier). En Europe, il est connu sous le nom d'Avempace. Il a eu pour maître Avenzoar, le médecin juif qui a eu aussi pour disciple (Averroès). Après la conquête de Saragosse par les chrétiens en 1118, Ibn Baja est allé à Séville, puis a séjourné au Maghreb occidental, à Fès plus exactement, pendant près de 20 ans, jusqu'à sa mort en 1138. Comme tous les savants de son temps, il était en même temps philosophe, médecin, astronome, géomètre et homme politique, puisqu'il a exercé la fonction de ministre entre 1110 et 1113, auprès d'Abou Bakr Ibrahim, gendre d'Ali Ibn Youssef l'Almoravide, gouverneur de Grenade, puis de Saragosse. Ibn Baja a été selon l'expression d'Ibn Said : «Le philosophe d'El-Andalus et son maître en musique». Cependant, il a été arrêté pour hérésie en 1120 et libéré après intervention du père d'Ibn Rochd. Grand musicien, certainement, puisqu'on lui attribue des dons particuliers pour la chanson et pour la musique qui lui ont valu la reconnaissance des puissants. Ibn Baja ne se contentait pas d'interpréter des textes, il les écrivait lui-même. D'ailleurs, en son temps, l'Andalousie et le Maghreb ont eu à apprécier le «traité de musique» qu'il a écrit et les «chansons populaires» qu'il a composées. Son talent ne s'est pas arrêté là, et ses dons extraordinaires le poussaient jusqu'à créer un nouveau genre dans l'art musical : le «Zajal», qui est un poème de la littérature espagnole médiévale, dérivé de la poésie mozarabe. D'ailleurs, l'Andalousie a été toujours le foyer de la musique dans le bassin méditerranéen. Cette culture fleurissait, aux côtés d'autres disciplines. Séville, par exemple, très connue pour ses chantres et ses musiciens, tenait un marché de vente des chanteuses (qiyyan) qui
se monnayaient au prix très cher. Celles-ci se vendaient avec leurs répertoires et la tradition, racontait-on, «voulait que quand un musicien mourrait en Andalousie, ses instruments se vendaient à Séville, de même que quand un lettré meurt ses livres sont vendus à Cordoue, ville des érudits.»


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