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Mémoires anachroniques de l'Andalousie perdue
Publié dans La Nouvelle République le 22 - 05 - 2019

Le premier des enfants d'El Mançour à prendre les affaires du califat était Abd el-Malik el-Modhaffar. C'était l'aîné, celui qui l'accompagnait partout et qui s'est fait remarquer pendant la dernière expédition contre les chrétiens dans le nord de la péninsule. Et Hichâm II, le vrai calife – sans autorité, bien sûr – comme expliqué auparavant, lui avait confirmé par décision officielle, dûment rédigée et approuvée par le palais, la conduite des affaires de l'Etat en remplacement de son défunt père El Mançour.
Il était entendu que Hichâm II n'était pas fait pour le travail et, encore moins, pour être le souverain d'un peuple aussi fier, cultivé et, quelquefois, turbulent. On l'appelait d'ailleurs le calife fainéant de Cordoue. Enfermé dans son palais, il passait son règne au milieu des femmes de son «foisonnant» harem. Hébété par les plaisirs, incapable de comprendre les devoirs de sa charge, et sans volonté pour les remplir, «il fut roi sans régner, de telle sorte que c'est moins l'Histoire de Hichâm II qui sera écrite, mais celle de son Hadjib El Mançour». Le nouveau Hadjib, ou Premier ministre, n'avait que vingt huit ans quant il a pris les reines du pouvoir en Andalousie, en 1002. Il avait deux ans de moins que le calife… en titre. Il s'appelait, de son vrai nom Abou Merouane, auquel ont ajoutait Seïf ed-Dawla et el-Modhaffar Billah. Il marchait sur les traces de son père et concevait les mêmes usages politiques, tant sur le plan interne que sur le plan de ses relations avec les chrétiens du nord. Sur le plan interne, il inaugurait une gestion plus souple et populaire qui lui attirait la sympathie de tous les Andalous. Il se rapprochait du peuple par une diminution conséquente d'impôts et par la mise en place de mesures particulières qui devaient alléger leur vie de tous les jours, ce qui lui a forgé une certaine popularité au sein de ce dernier. Son règne ne dura pas longtemps, six ans à peine, consacrées entièrement à la lutte, ce qui ne lui laissa aucun répit pour s'occuper des affaires de l'Etat. Il mourut de maladie en 1008, – la tuberculose – disaient quelques historiens, «aidé» par son frère Abd er-Rahmân, affirmaient d'autres, ce frère qui le remplacera aussitôt, malgré les convoitises de certains prétendants qui ne démordaient pas. Abd er-Rahmân n'avait que vingt cinq ans, en 1009, ce deuxième fils d'El Mançour, quand il a été intronisé à la tête du califat, en tant que Hadjib. Mais, tout le différenciait de son père et de son aîné. Il n'avait pas les mêmes dispositions que ceux qui l'ont précédé. Très faible de caractère, sans personnalité et sans ambition, il ne possédait pas également les compétences requises pour ce genre de mission. C'était un véritable noceur et sa mission n'a duré que quelques mois, pendant lesquels il a subtilisé le titre de calife, en novembre de la même année, lors d'un coup d'Etat, au cours duquel le vrai calife a été forcé d'abdiquer. D'autres historiens soutiennent que le calife Hichâm n'a pas été victime d'un renversement, bien au contraire, cette passation du pouvoir des Omeyyades aux mains des «Amiriens», ceux de la famille d'El Mançour, s'était faite dans la légalité en présence de jurisconsultes du califat, les Abou El Abbas Ahmed Ibn Obeïd Allah et Abou Ahmed Ibn Berd. Bien avant cela, Hichâm, le «calife de paille», attribua à son Hadjib Abd er-Rahmân le titre de «Nacer ed-Dawla», ensuite un autre titre, celui d'«El Ma'moun». Ces titres, dont celui de calife de Cordoue, n'étaient que des missions éphémères, parce que le souverain, de par son comportement et sa mauvaise gestion des affaires de l'Etat, n'a pu accomplir cette noble tâche. Bien au contraire, après lui et Hichâm qui a été repris dans les fonctions de calife en 1010, tout en restant le jouet des partis qui se déchiraient pour le pouvoir, le califat de Cordoue sortait de l'usage et allait basculer dans le délabrement. Ce fut la fin du règne d'un Empire qui, malgré l'apogée de sa prospérité et de sa grandeur, allait arrêter son ascension vers le progrès à cause des divisions, des conflits entre différentes tribus berbères et arabes, ainsi que des prétentions de mégalomanes qui se disputaient les titres de califes ou de gouverneurs de provinces. Avec ces conflits, Cordoue et le reste de l'Andalousie, ne pouvaient prétendre aller plus loin dans la gérance d'un pays qui commençait à souffrir de ses gouvernants. Alors, en mai 1013, les populations andalouses qui subissaient les dommages d'une situation désordonnée, voire l'anarchie, s'emparèrent de Cordoue et Hichâm fut tué durant les massacres qui s'ensuivirent. 13- L'effondrement des Omeyyades et la division de l'Empire andalou en Taïfas Le récit se poursuit, sans fiction, sans héros, car dans une situation pareille, effroyable, effrayante, voire cauchemardesque, il n'y a plus de place pour la conception quand l'imagination ne répond plus. Et comment devrait-elle répondre quand, du plus haut sommet de la pyramide, grâce à l'Islam qui nous a donné ce génie de construire un Empire, nous nous retrouvons par terre, en train de le démolir, et de vivre les soubresauts d'une civilisation agonisante… Ce qui va suivre sera, jusqu'à une certaine période de cette Andalousie qui n'est plus ce qu'elle était du temps de Abd er-Rahmân III ou ce qu'elle devait être après lui, une chronologie qui nous mènera vers des points de repères d'une Histoire chahutée par l'inconstance des hommes. En ces années de luttes intestines, Berbères, Arabes, Espagnols et Slaves s'affrontaient pour le pouvoir. La société andalouse était disloquée, divisée et disparate. Les populations du sud combattaient celles du nord, les Arabes et les Berbères s'éloignaient de plus en plus. De même que les tribus originaires de la terre du Prophète ne s'accordaient plus avec les Syriens. Même entre bédouins, l'entente n'était pas assurée, car chacun se réclamant d'une tribu toujours plus prestigieuse et plus historique que l'autre. Cordoue, la capitale, a été saccagée par les chrétiens en 1009, en guise de représailles ou en guise de vengeance, c'est selon. Madinet ez-Zahra, la résidence du calife, a été détruite par les Berbères en 1013, pour marquer leur mécontentement, disait-on. Mais en 1019 le roi berbère Habous prenait l'initiative de construire la ville de Grenade que terminera en 1073 son fils Badis. En 1023, Abbad Ier, de son vrai nom Abou El Qassim Mohammed Ibn Abbad, le juge de Séville, déclarait son indépendance du royaume des Omeyyades et annonçait la création de son propre royaume qu'il tenait à développer avant sa mort. Il fut le premier roi maure occupant la Taïfa de Séville et chef de la dynastie des ‘Abbadides. Les conflits augmentaient d'année en année. Les souverains changeaient constamment. L'Empire chancelait et les alliances se nouaient obscurément, pendant que les liquidations se multipliaient et les divisions s'exacerbaient entre les forces militaires de l'Andalousie, ce qui concédait aux prétendants cette ambition de courir derrière la responsabilité et le pouvoir. Tous les gouvernants, parmi les «Banou Oumeyya», relate l'Histoire, s'étaient attachés au cumul des pouvoir temporel et spirituel. Mais depuis El Mançour qui a arraché le pouvoir temporel et qui l'a appuyé pour le perpétuer chez ses héritiers, les Omeyyades qui venaient après, ont vécu sur l'héritage de leurs parents, non sans vider le califat de sa substance, cette véritable prépondérance qui existait depuis Abd er-Rahmân III El-Naçir. Ainsi, le climat qui régnait ne présageait aucune amélioration, pire encore, les rivalités qui s'attisaient au milieu de petits roitelets sans importance et sans distinction, ont engagé leur royaume dans les abysses de l'agonie et de la désuétude. De là, naissaient des liens, autrement plus dangereux pour le royaume. Les souverains andalous s'engageaient dans des accords peu «catholiques» avec les chrétiens du nord. Ils leur demandaient de les aider dans leurs conflits et en échange ils renonceraient à leurs droits sur certaines villes et citadelles qui se trouvaient sous leur domination, c'est-à-dire la domination andalouse. Cette attitude indigne a eu pour conséquence, une démission totale au sein des populations qui ont compris combien étaient vils leurs gouvernants et combien ils ne pouvaient les croire et les respecter. A cela s'ajoute également une autre capitulation quand ils (les gouvernants) ont abandonné leurs régions et leur administration aux mains d'autres responsables tout en leur attribuant les terres. Ce qui a amené les nouveaux locataires à proclamer leur indépendance sur ces provinces acquises et, de là, commençait le morcellement effectif de l'Empire et la décadence de l'Espagne musulmane. Ce qui ne pouvait se produire pendant les siècles antérieurs, au temps de la puissance des califes, malgré les discordes, il s'était bel et bien produit au XIe siècle, car l'anarchie a dépassé l'entendement. En effet, elle était à son comble quand des émirs se proclamaient indépendants à Grenade, à Ronda, à Algésiras, à Cazlona, à Carmona, à Niebla, à Badajoz, à Moron, à Séville, à Huelva, à Silves, dans l'Algarve, à Mertola, à Malaga, à Tolède, à Almeria, Valence, Dénia, Lorca, Murcie. Ce climat se trouvait être chargé et aggravé par des révolutions de palais, des émeutes soldatesques, des batailles entre les chefs et entre les diverses tribus. «Tel était le spectacle que présentait l'Espagne pendant tout ce siècle et dans le détail duquel l'Histoire générale se perdait.», confirmaient les spécialistes ceux qui rapportaient ces chroniques. Ce morcellement territorial et politique, qui s'était fait en plein anarchie, allait être dominé par l'instabilité et l'insécurité. Et, tous les princes étaient obsédés par le souci de se maintenir au pouvoir ou par l'ambition d'étendre leurs conquêtes au détriment de leurs voisins… Les populations de l'Espagne musulmane n'échappaient pas à la règle qui disait : «des querelles des grands, les petits pâtissent». En effet, «assoiffées d'une paix qu'elles ne trouvaient pas, en butte aux calamités de la guerre, elles vivaient une misère d'autant plus intolérable que le luxe était plus insolent». En dix ans, le travail inlassable de deux siècles et demi partait en fumée. C'est alors que, désenchantés et rebutés, les notabilités de l'Andalousie s'étaient réunies en conclave et, le 30 novembre 1031, ont proclamé la fin du califat et l'inauguration d'une nouvelle forme de gestion pour l'Andalousie. L'Espagne musulmane se fendait en un nombre impressionnant
de principautés, les «Reyes de Taïfas», ou «Muluk at-Tawaïf», au nombre de vingt-trois petits Etats concurrents dirigés par des chefs de clans. Suite à l'éclatement du califat de Cordoue, leurs gouverneurs s'étaient proclamés émirs (princes) et ont lié des relations diplomatiques avec les royaumes chrétiens. La situation de ces Taïfas, vers 1060, se résumait à 13 minuscules royaumes, tels des cités-Etats et à 10 de taille moyenne, dont un, lui-même morcelé (la Taifa ou le royaume de Séville). Et pour mieux saisir ce qui interviendra par la suite, il est important de prendre connaissance des différentes périodes qui ont animé ces Taïfas. Ainsi, le récit se poursuit, sans fiction, car il n'y a vraiment pas de quoi s'enorgueillir en allant chercher de valeureux personnages pour l'éclat du texte. Il y a eu, en fait, trois époques d'anarchies, au cours de l'Histoire de l'Andalousie, pendant lesquelles les différents royaumes ne pouvaient s'entendre et s'organiser autour de projets communs, devant mener le pays, tout le pays, vers ces formidables aspirations qui ont permis à leurs ancêtres de conquérir les terres ibériques, en même temps que les cœurs et les esprits de leurs populations. Ainsi, de 1031 à 1266, plus de deux siècles, l'Andalousie devait naviguer entre les divisions de nombreux roitelets, les convoitises des souverains chrétiens qui brûlaient d'envie de reprendre ce qu'ils avaient perdu, depuis des lustres et les expansions justifiées de dynasties berbéro-maghrébines qui essayaient de refaire l'unité du pays. Il faut dire que seul l'émirat de Grenade survécut à cette dernière période. Voyons, pour plus de compréhension, ces différentes étapes ou périodes, dans les détails. Nous saurons que les Espagnols qui ont intervenu dans ces luttes, non sans être eux-mêmes divisés, ont enfin résolu de réunir leurs forces pour mener une action commune, de grande envergure, afin d'expulser les Arabes. Alphonse VI, qui s'était proclamé roi de Galice et de Castille, menaçait l'Andalousie dont les «roitelets», très faibles politiquement, ont permis aux Castillans chrétiens de reprendre une bonne partie du territoire nord de la péninsule. Tolède tombait le 25 mai 1085. Elle était une place dont la possession importait si fort au Salut de l'Islam. Mais les musulmans, principalement les chefs, tenaient une conduite tout opposée, sauf Ibn El-Aftas, émir de Badajoz – nous le citerons encore – qui a porté secours à ses frères en croyance et s'est vu obligé de retourner dans son royaume, sans avoir rien pu faire pour retarder la chute de l'antique cité… Ainsi, la prise de Tolède fut le premier jalon que la conquête chrétienne devait planter sur le sol musulman. De ce fait, l'émir ou roi de Séville, El-Mu'tamid Ibn Abbad, en contact avec d'autres émirs, tourmentés, eux-aussi, par le danger qui était là, à leurs portes, s'étaient rapprochés de Youssef Ibn Tachfin. Cela étant la première version de cette intervention des Almoravides en Andalousie. Il y a une autre version, plus plausible, racontée par un jeune officier almoravide, que nous verrons par la suite et qui n'attribue pas le premier rôle au souverain de Séville, dans la venue de ces derniers, à cause de son hésitation. Ce jeune officier plein de talent a laissé des chroniques pour l'Histoire. C'est pour cela, que nous saurons que le souverain de Séville n'a été amené à s'intégrer à cette grande décision que lorsque d'autres formations religieuses aient pris en main cette importante affaire d'alliance avec les Almoravides. Mais, quoiqu'il en soit, la conquête de Tolède allait provoquer et précipiter, par contrecoup, l'avènement de pouvoirs berbères en Andalousie. Alors, des tribus sahariennes, que l'on nommait les «Mourabitùn», les Almoravides, ces fondateurs de Marrakech, des hommes de foi et partisans d'un Islam rigoriste, appelés en aide en Andalousie, ont vaincu Alphonse VI en 1086. C'était un corps expéditionnaire qui a été embarqué à Ceuta. Composé de presque vingt mille hommes, il s'installait à Algésiras à la fin du mois de juin 1086. A la nouvelle du débarquement des Almoravides, répandue avec la rapidité de l'éclair, Alphonse leva précipitamment le siège de Saragosse et se hâta de former une étroite alliance avec les deux seuls princes, digne de ce nom, qui régnaient en Espagne : Sanche Ramirez, roi d'Aragon et de Navarre et Raymond Bérenger, comte de Barcelone et d'Urgel. L'effroi fut tel, non seulement en deçà, mais encore au-delà des Pyrénées, que la France envoya son contingent et que ses chevaliers accoururent en foule prendre part à cette «croisade», sous les drapeaux d'Alphonse VI. En octobre, de la même année, l'armée puissante des Almoravides gagnait Séville où elle devait se renforcer de contingents fournis par les rois de Grenade, Malaga et Almeria avant de marcher sur Badajoz pour opérer sa jonction avec les forces du prince El-Muttawakil Abdallah Ibn El-Aftas. Le choc entre musulmans et castillans eut lieu le vendredi 23 octobre 1086 à Zallaqa (Sacrajas), à une quinzaine de kilomètres au nord-est de Badajoz. L'armée des princes confédérés qui pensait produire des merveilles de bravoure, présentait des pertes énormes devant l'acharnement des défenseurs de l'Islam. Cette nuit-là jetait un voile sur l'horrible spectacle que présentait le champ de bataille et le soleil du lendemain présentait 100 000 cadavres gisant dans la plaine, en même temps qu'il montrait la défaite complète des chrétiens. L'organisation militaire des Almoravides a permis d'arrêter la progression des Castillans, tout en profitant pour s'accaparer le contrôle du pouvoir sur une population qu'ils jugeaient inapte à se prendre en charge, car rendue exsangue par toutes les dissidences et les problèmes internes qu'elle avait connus, avant et après l'éclatement du califat de Cordoue. De même que leur conquête de l'Espagne a été facilitée par la fragmentation politique qui y régnait. Dans ce climat qui appelait au bouleversement de gouvernance, longtemps mis sous le boisseau, par des chefs qui ne s'occupaient que de conflits, un jeune soldat dans les rangs de cette armée de combattants berbères, plein de fougue et de bravoure, déployait toute son intelligence dans cet espace d'exaltation et de culture. Il voulait briller à travers la «vie andalouse», qui aura bientôt le même effet sur ses compatriotes que celui qui a conquis leurs ancêtres qui venaient du Maghreb et du Machreq. Il s'agit du jeune Mohamed El-Bekri Boghniri-Izemis, un Berbère de pure souche, qui n'avait que sa foi et son érudition, dans ses vastes étendues du Sahara, où se mélangent la piété et la volonté de mieux servir et d'être toujours disponible pour le bien d'autrui. Là, en Andalousie, en cette terre de conquêtes, l'Islam ne devait pas signifier la guerre comme il a été «classé» par les autres qui ne connaissaient rien de ses enseignements, il devait développer des sentiments d'alliance et rassembler le maximum de fidèles autour d'un seul mot d'ordre : le progrès. Boghniri-Izemis racontait qu'à peine Youssef Ibn Tachfin, était reparti au Maghreb, à l'appel de son fils, que les chrétiens essayèrent de reprendre l'avantage en son absence. Cela ne nous étonnait pas, disait-il encore, car du temps d'El-Mu'tamid Ibn Abbad, le roi Alphonse VI, ne faisait que provoquer l'affrontement avec les tenants de l'Andalousie, sous divers prétextes, notamment notre présence en cette terre pour défendre nos frères musulmans. En 1082, selon nos annales, le souverain chrétien envoyait une mission, dirigée par un de ses ministres, auprès de son homologue musulman, l'émir de Séville, pour recouvrer les sommes de la capitation. En réalité, la mission se déplaçait pour des buts autres que le recouvrement de cet impôt. - «Le roi de Galice et de Castille m'envoie auprès de vous pour vous demander de permettre à la reine, son épouse, la Comtesse Constance d'accoucher à la mosquée de Cordoue. Le côté occidental de la Grande mosquée de cette ville correspond à l'emplacement d'une église, demeurée pour les chrétiens un objet de vénération. Cette demande, notre souverain la formule selon les recommandations de l'Eglise chrétienne. Il vous demande également de permettre à la reine de prendre quelques temps de repos au palais de Madinet ez-Zahra, selon les conseils de ses médecins. Ainsi, son accouchement bénéficiera à la fois du bon air d'ez-Zahra et de la grâce attachée à la patrie de la Grande Mosquée qui a été anciennement un lieu de culte chrétien. Le souverain insiste pour voir ses vœux exaucés et n'accepterait aucune réponse qui ne serait claire ou encore défavorable.» - «Vous me semblez bien arrogant pour un ambassadeur. Vous oubliez les règles les plus élémentaires de bienséance. Vous venez chez moi, dans mon palais et vous m'invectivez comme on invective un quelconque quidam. Vous vous sentez peut-être puissants, vous et votre souverain, à cause de cette avidité qui vous hante jusqu'à vouloir nous déclarer la guerre ! Dites à votre seigneur qu'il n'aura rien et que, dans ces conditions, rien ne pourra nous rapprocher. Dites-lui encore que si sa démarche était sincère, il n'aurait pas délégué un émissaire de votre espèce. L'audience est terminée ! » Ensuite l'émir, d'un geste auguste, celui des grands souverains, appela ses gardes pour mettre l'ambassadeur dehors… A ce moment-là, ce dernier, aussi arrogant que les premiers instants de l'entretien, s'adressa encore violemment à l'émir, en ces termes : - «Vous osez défier notre seigneur Alphonse VI ? Qui êtes-vous, un simple petit roitelet d'une Taïfa qui a perdu et qui va encore tout perdre ! Vous allez entendre d'ici peu le rugissement de notre armée devant les portes de Séville ! » À ces mots, El-Mu'tamid Ibn Abbad, fou de colère, lui lança en pleine figure une écritoire qui était à la portée de sa main, et ordonna son arrestation sur-le-champ, en attendant qu'il soit crucifié.


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