L'installation prochaine d'une base militaire des Emirats Arabes Unis au Niger, aux confins sud algéro-libyens, précise un peu plus les intentions américaines pour la région du Maghreb. Trois préoccupations stratégiques, l'introduction d'Israël en Afrique, la lutte contre l'influence chinoise et les énergies fossiles conduisent la politique américaine sur notre continent alors que l'Europe, mis à part les exceptions néocoloniales franco-britanniques, est bien plus centrée sur les questions liées à l'émigration. Parce ce qu'elle est le chantre de la solidarité inconditionnelle avec la Palestine, l'Algérie pays des ressources minérales abondantes, des aquifères albiens immenses et des gisements solaires infinis, se trouve dans l'œil du cyclone précédent un typhon dont on voit se déployer les mécanismes énergétiques et morphologiques de manière quasi irréversible, comme ces bases de drones américains à nos frontières nigérianes ou ces postes avancés des légionnaires de l'armée française avec celles du Mali. Face à la puissance inéluctable de cette tempête du XXIème siècle, dont la trajectoire prévisionnelle traverse le pays, comme elle le fit pour nos lignes de défense lointaines irakiennes en totalité détruites et syriennes partiellement touchées ainsi que pour nos dispositifs sécuritaires proches essentiellement libyens mais également sahéliens, la question n'est plus de savoir si l'Algérie sera épargnée, car en réalité elle est l'objectif essentiel de ce qui se prépare, mais comment y faire face ou plus précisément comment piéger les fondamentaux de la formation d'une telle déflagration géopolitique, préparée de longue date par Tel Aviv? L'Africom (le Commandement militaire US pour l'Afrique) fut créé en 2007. Pour l'Amérique, puissance impériale comme le monde n'en a jamais connu, l'Afrique vient de rentrer dans sa zone d'influence, alors qu'elle fut jusqu'alors laissée aux appétits européens. Lorsque les Etats-Unis identifient un intérêt stratégique concourant à leur domination planétaire, ils apportent avant toute chose, une réponse institutionnelle d'ordre militaire en créant ce que les stratèges américains appellent un « Unified Combatant Command » que l'on pourrait traduire par « Commandement de Combat Unifié». Alors que le monde selon le Pentagone était divisé en 5 zones géographiques (l'Amérique du Nord, l'Amérique du Sud, l'Europe, le Moyen-Orient, l'Asie-Pacifique) et 3 fonctions stratégiques (les opérations spéciales, les forces nucléaires, les capacités de logistique et de transport), depuis 2007 l'Afrique s'est vue élevée, ce qui n'est pas forcément une bonne nouvelle, au niveau d'un sixième « Commandement de Combat Unifié » et Donald Trump, le Président américain, a ajouté une quatrième fonction stratégique à celles déjà existantes, un Commandement de Combat Unifié du cyberespace. L'idée de la création d'une Africom fut précédée par un intense travail de prospective géopolitique mené par un « think tank » ou « club de réflexion » américain (Institute for Advanced Strategic and Political Studies), fondé en 1984 à Jérusalem par le Professeur Loewenberg, résumant sa réflexion dans un texte passé à la postérité et qui fut en son temps présenté au Premier Ministre Benjamin Netanyahu ( A Clean Break : A New Strategy for Securing the Realm » que l'on pourrait transcrire par « Une coupure nette : Une nouvelle stratégie pour sécuriser le domaine») et qui décrit les actions à mener sur deux axes fondamentaux. D'une part le domaine de l'action internationale aux fins de transformer l'équilibre diplomatique régional au sens large en faveur d'Israël pour défaire la diplomatie combattante palestinienne qui prenait appui sur le modèle révolutionnaire inventé par le GPRA et d'autre part la sphère de l'influence culturelle et intellectuelle aux fins de briser sur le plan idéologique des affinités qui s'exprimaient en Europe, autour de thématiques cultuelles faisant du dialogue des civilisations, des rencontres avec l'Islam, ses valeurs toujours prégnantes issues de son âge d'or, un point d'appui éthique, pour obliger les sionistes à rentrer dans un processus de concessions qu'ils déclinent face aux revendications palestiniennes. L'Africom, soutien à la politique d'expansion israélienne en Afrique Pour cet article, nous traiterons uniquement des aspects diplomatiques et nous ne parlerons pas (faute d'espace) des problématiques tout aussi fondamentales d'hégémonie et d'influence culturelle exercées par les sionistes sur leurs communautés juives intégrées aux élites dirigeantes européennes, l'Amérique étant pour l'essentiel acquise à leurs développements philosophiques ainsi que nous éviterons de commenter le travail de sape qui fut mené en Europe, par les sionistes, contre l'Islam et contre les musulmans. C'est donc à la suite de cet effort intellectuel et d'une intense activité de lobbying tant auprès du Commandement militaire US que des élites politiques à Washington, que fut recommandé par ce « think tank », entre autres actions urgentes à retenir, la création d'un Etat-Major militaire américain dans sa forme mais israélien dans son contenu stratégique ( !) dédié à l'Afrique. L'objectif en était simple. L'Afrique, ce sont 53 pays, aux traditions étatiques juvéniles, membres des Nations Unies, ce qui représente le quart de l'assemblée générale, permettant d'entrevoir un effet de retournement diplomatique par une stratégie audacieuse de dominos dans le cas où les pays africains se rangeraient du côté des israéliens, ce qui conduirait à l'effondrement définitif de la cause palestinienne. Une percée diplomatique sioniste en Afrique est devenue un objectif central, d'autant que l'Egypte, neutralisée du fait même du traité de paix qui la lie à Tel Aviv depuis 1978, ne peut sans graves conséquences, s'opposer aux réseaux de l'influence sioniste portés sur le continent par les Etats-Unis et son déploiement militaire progressif mais croissant. Trois pays africains ont refusé cette politique : l'Afrique du Sud de Nelson Mandela, la Libye de Kadhafi , l'Algérie au nom de la décolonisation qu'elle a porté a bouts de bras dans tous les recoins du continent noire et enfin une organisation africaine atypique, communautaire, chiite, dynamique et commerçante passée sous influence du Hezbollah libanais. Pour ce qui concerne la Libye, puissance financière anti-impérialiste, son compte fut soldé par l'alliance franco-britannique avec le soutien logistique US. Pour l'Algérie, le Président Bouteflika croyant s'en tirer sans dégâts a annulé d'un seul trait de plume, à partir de 2010, les dettes qui étaient dues par 14 pays africains pour plus de 3 milliards de dollars, ce qui se traduisit immédiatement par une érosion d'influence lente mais continue du Pays en direction de l'OUA. Il faudra un jour comprendre dans le menu détails, les tenants et aboutissants de ce renoncement et savoir s'il fut l'objet d'un marchandage de dupes ( ?) entre la partie algérienne et les USA, soit directement soit au travers de parties tierces (lesquelles ?) pavant ainsi la voie de l'affaiblissement algérien au niveau continental et ouvrant le chemin du déferlement d'actions hostiles de certains pays de l'Afrique francophone qui continueront à se concentrer contre nous dans les années qui viennent. La réintroduction du Maroc au sein de l'OUA, pays à la complaisance infinie envers Israël, initiative présentée en son temps comme celle du Makhzen mais en réalité soufflée par les américains, fait bien entendu partie de cette stratégie d'implantation de l'influence sioniste en Afrique. Tel Aviv a instrumentalisé sa relation avec Rabat pour tenter de miner la puissance de conviction algérienne sur la question palestinienne auprès de l'organisation panafricaine en lui substituant les imbroglios diplomatiques à répétition sur le sujet du Sahara Occidental, escomptant jouer des tensions que cela génèrerait inévitablement au sein de l'organisation pour atteindre le prestige qui est le nôtre au sein de l'institution africaine et porter ainsi une estocade à sa position de défense sans concession de la cause palestinienne. Enfin l'Afrique du Sud marquée au fer rouge de l'apartheid et de l'héritage emblématique de Nelson Mandela ne peut se résoudre sans renier son identité profonde à accepter les bantoustans palestiniens alors que les communautés chiites libanaises n'ont guère besoin d'arguments idéologiques pour agir naturellement contre l'influence israélienne qu'elles perçoivent comme une menace directe mortelle. Quelles sont nos options ? Face à un tel rouleau compresseur, la direction politique a d'abord élaboré en coopération avec l'Afrique du Sud (chargée implicitement de l'industrie de la défense africaine) et la Libye (encline à fournir le budget d'un embryon de défense africaine), une politique originale mettant à disposition de l'OUA ses propres capacités de transport aérien ainsi que son expertise anti-terroriste appuyée sur son excellente connaissances des anciens terrains de guérilla anticoloniale à l'échelon africain aux fins de substituer à la politique hégémonique israélo-américaine, une réaction endogène à l'Afrique répondant aux vœux d'une opinion publique continentale possédant un vif sentiment panafricain. L'assassinat de Kadhafi en 2011 et la destruction de la Libye, dans laquelle Bernard Henry Levy, joua en toute conscience et de manière revendiquée le rôle d'agent d'influence au service du Mossad, a brisé définitivement cette action d'ordre stratégique. Par effet d'entrainement, l'intervention franco-britannique en Libye marque le début de l'affaiblissement de la France dans la région, dans la mesure où armes et guérillas enrôlées par Kadhafi se sont déversées sur les zones sahéliennes, entrainant Paris dans un bourbier dont elle ne peut se sortir, faute de moyens financiers adéquats. Sans une aide américaine conditionnée par une coopération étroite avec…Israël - dont la visite en début de cette année du Premier Ministre Netanyahou au Tchad, zone d'influence française par excellence, n'est que le prologue d'une politique US systématique - la France ne peut plus exercer l'influence qui fut la sienne, la construction européenne, prioritaire, la vidant de toute énergie. La réaction africaniste préconisée par l'Algérie ayant échoué, essentiellement en raison de l'implosion libyenne, clé de voute financière de l'Afrique, que reste-t-il comme options sur la table de l'échiquier géopolitique africain face au mouvement diplomatique de grande ampleur israélien avec en ligne de mire la diplomatie du Pays ? 1-L'option énergétique africaine, le Nigal, dans le sillage de la défense africaine torpillée par les grandes puissances tutélaires de l'Afrique (Les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne et Israël) est morte-née pour deux raisons essentielles. D'une part les troubles de toutes sortes, continus et entretenus par les interventions étrangères, dans les pays traversés par le projet du gazoduc algéro-nigérian de Lagos à Arzew, colonne vertébrale énergétique africaine s'est brisée le dos au moment de la chute de Kadhafi, réduisant à néant sa viabilité sécuritaire. D'autre part, les conditions de faisabilité financière restent suspendues à l‘évaluation indépendante crédible des gisements énergétiques devant faire l'objet d'évacuations par tubes jusqu'aux ports algériens. Autant dire qu'une telle perspective est si lointaine que l'on est amené à penser que les pressions explicites de transfert d'un tel projet par une route océanique via le Maroc, ne sont en réalité qu'un grossier chiffon rouge destiné a épuiser le pays dans de vaines constructions panafricaines, comme partie intégrante d'une vaste entreprise d'épuisement de nos forces internes aussi bien économiques que militaires. 2-L'option américaine, celle du gaz de schiste, représente un intérêt certain pour les très grands groupes énergétiques US (Exxon Mobil) dont les gisements algériens de taille mondiale militent en faveur d'un accès sécurisé, c'est-à-dire protégé par un Etat central encore capable d'assurer le bon ordre du pays même si cela est en dernier ressort au plus grand profit de la puissance impériale dominante. Dans cette optique l'intégrité de la Nation restant sauve. Rien n'interdit de penser que c'était la une solution de préférence de l'ex-Présidence de la République avant qu'elle ne soit balayée ou du moins suspendue par le « Hirak ». 3-L'option du renversement des alliances en axant de manière déterminée nos déploiements énergétiques moins au sein de l'OPEP qu'en direction d'un cartel gazier que nous appellerions de nos vœux, en coopération avec la Russie et l'Iran. Moscou vendrait en notre nom des quantités de gaz additionnelles en Chine, alors que nous commercialiserions pour le compte des russes des quantités supplémentaires de gaz algérien en Europe, ce qui suppose un élargissement de nos capacités productives. Cela permettrait aux russes de contourner de manière efficace les obstacles posés par les Etats-Unis contre les gazoducs russes tout en maximisant nos capacités de transport de nos tubes sous employés avec l'avantage de nous intégrer de manière originale et forte à « la route de la soie » que la Chine, Empire du Milieu, propose au reste du monde. Les trois options citées ci-dessus entrainent des implications différentes nourries qu'elles sont par des conséquences d'ordre politiques et militaires qui ne sont pas de même force. Une chose reste cependant certaine. La puissance du « Hirak » et ses prolongements fondateurs de nouveaux types de rapport entre la société, la Nation et l'Etat nous permettent d'entrevoir, pour la première fois dans notre histoire contemporaine, une réelle possibilité d'une politique sophistiquée de trois fers au feu pour faire face aux immenses défis géostratégiques qui nous sont lancés continuellement par Israël.