Les Algériens ont prouvé au monde entier qu'il est possible de promouvoir l'unité et la réconciliation d'un peuple, malgré les différences idéologiques, ethniques et linguistiques. La sortie populaire du 18ème vendredi consécutif était une réponse cinglante à la déclaration du chef de corps d'armée Ahmed Gaid Salah qui a voulu interdire de lever un autre drapeau que celui de la révolution nationale. Un discours qui a offusqué un peuple en marche avec un conflit politique profond vers la réconciliation et pour l'avènement d'un Etat de Droit, de liberté et de démocratie, refusant ainsi tout acte raciste, méprisant envers le citoyen algérien qu'elle que soit sa région ou son appartenance. Les Algériens et Algériennes ont marché pour le 18ème vendredi côte à côte, dans les rues de la capitale, Alger et celles de toutes les villes du pays. Leur message était clair et leur objectif est unique : démanteler tous les symboles du pouvoir en place. Un pouvoir honni, contesté depuis le 22 février par le peuple qui refuse d'abdiquer et de renoncer à sa liberté et à la sauvegarde de son pays contre les ennemis internes et les véritables « infiltrés ». En dépit des blocages et des répressions policières, les manifestants ont gardé la main levée et ont fait preuve de lucidité et de maturité. Le concept « Silmya »-pacifique- n'a pas perdu de sa vertu. Il a accompagné les marcheurs tout au long de leur mobilisation. « L'Algérie est unique et indivisible », « Khawa, Khawa, pas de régionalisme ; nous sommes tous des algériens », se sont les slogans qui marqué ce 18ème vendredi de marche, le premier de son genre en matière d'unité et de solidarité entre un peuple meurtri et trahi pendant des années par l'illusion d'«une minorité manipulatrice et infiltrée qu'il faut combattre ». Image qui a longtemps hanté les esprits des algériens remontés les uns contre les autres. Un cliché que le peuple veut briser, aujourd'hui au nom d'une la nation et de la nationalité Algérienne. Toutes les familles algériennes sont sorties pour une énième fois exiger le départ des tenants du pouvoir et pour l'indépendance de la justice. Sans celle-ci, le pays ne pourrait restituer ses bien et atteindre l'objectif d'un Etat-nation pour le renouveau. 11h00 : les boucliers de la gendarmerie sont déjà à l'œuvre. Tous les accès menant vers Alger sont bloqués. Les automobilistes mobilisés pendant des heures sur la route, sous un soleil de plomb. Ceux qui osent sortir des drapeaux autres que celui portant les couleurs, blanche, verte et rouges ont été verbalisés, tout en leur confisquant leur drapeau. Des scènes similaires se produisaient en parallèle au centre d'Alger, où un cordon infini de policier repousse les manifestant du parvis de la Grande Poste pour empêcher les premiers rassemblements des citoyens. « Khawa, khawa, silmya silmya », c'est le slogan qu'entonne les manifestants à ce moment-là. Brusquement, le mouvement s'affole face à l'intervention des forces de l'ordre qui ont bousculé les manifestants afin de leur arracher le drapeau amazigh, suivi par l'arrestation de certains militants et activistes, à la place Maurice Audin. Ce qui a attisé la colère des manifestants. Des échauffourées éclatent entre les manifestants et les policiers qui n'ont pas hésité à recourir à l'usage des bombes lacrymogène. Le mouvement des manifestants est pris de malaise, mais déterminé à poursuivre sa manifestation. 13h40 : les algérois viennent à renforcer le mouvement. Une marée humaine déferle sur Alger-centre et s'empare de chaque recoin, laissé libre par la police. Cette dernière a commencé très tôt sa chasse aux manifestants qui arboraient un autre drapeau que l'emblème national. « Je ne comprends pas pourquoi Gaid Salah s'est focalisé sur le drapeau amazigh, même s'il ne l'a pas dit explicitement. C'est la cible apparente sinon autrement dit il viserait celui de la Palestine. C'est insensé », ironise Mohamed-Amine, membre du mouvement populaire et qui se dit dérouté et dégouté par cette position. « L'important c'est de trouver une solution consensuelle à la crise au lieu de chercher à diviser et à déchirer un peuple qui a longtemps souffert de cette guéguerre », ajoute Ramzi, un ami à lui, qui malgré sa mobilité réduite est sorti marcher. Une journée pleine d'émotion et surtout de détermination. Le peuple est contre toute combine visant son unité et son identité, pour ne pas dire ses origines. 15h20 : Alger-centre est devenu noir du monde. Il reste peu de place aux derniers arrivants. Toutes les ruelles et raccourcies vomissent du monde. « Nous avons gagné une bataille et il en a perdu une », apostrophe El Hadj Mahiedine, qui a du haut de son âge, de 81 ans participé à cette marche, qualifiée d'historique de décisive pour son message envoyé aux détracteurs de la liberté et de l'algérianité de tout un peuple. « Nous devons rester unis et soudés. La différence linguistique, idéologique et ethnique renforce notre diversité et constitue la particularité d'un peuple uni. L'histoire du pays est le seul témoin crédible », comment Mehdi, venu de Constantine, pour participer à cette nouvelle sortie populaire. Arrivé mercredi soir à Alger avec trois de ses amis pour soutenir le Hirak. « Le Hirak doit résister à toutes ces manipulations et ces provocations. Le pouvoir cherche des failles. Il ne faut pas lui donner raison », soutient, Nasr-el Islam. Un périple de plusieurs mètres ou mêmes de kilomètres a vu des centaines de milliers d'Algériens sortis marcher pour leur identité. 17h10: Impuissants face à cette foule compacte, intrépide et émouvante, les policiers assistaient à un spectacle ahurissant. Les manifestants ont battu le pavé. Le peuple est plus jamais engagé pour son pays, attaché à son identité et surtout, il s'est réconcilié contre toute ingérence intérieure visant l'échec de son mouvement et de son projet populaire. Retour à son identité millénaire et à sa revendication de construire un « Etat civil et non militaire ». Pour le 21 juin 2019, la journée la plus longue en été, le peuple en a profité pour élargir sa liste de revendications. Des slogans hostiles à « Gaid Salah » étaient omniprésents, aux côté de ceux exigeant le départ des 2B. un 18ème vendredi marqué par une démonstration de force par son peuple qui refuse « el fitna » et la guerre civile. Désormais, les Algériens puisent leur force de celles de leurs détracteurs et refusent de céder la bataille. Un vendredi qui promet d'autres sorties.