Le joueur d'échecs professionnel tchèque d'origine lettone utilisait vraisemblablement depuis quelques mois le module d'analyse de son téléphone portable qu'il dissimulait avant la partie. Démasqué par les arbitres durant une compétition à Strasbourg, il pourrait être interdit de tournoi. Il est passé de la 200e place mondiale à la 56e en l'espace de quelques mois. L'incroyable progression au classement Elo - l'équivalent pour les joueurs d'échecs de l'ATP au tennis - du grand maître tchèque Igor Rausis, à cinquante ans passés, étonnait les spécialistes qui ne comprenaient pas comment il avait pu aussi rapidement progresser après des années de stagnation de son niveau de jeu. Suspectée par les arbitres qui suspectaient une supercherie, la tricherie numérique imaginée par Igor Rausis vient d'être découverte lors du tournoi de Strasbourg. La machination ourdie par le joueur professionnel est aussi simple qu'efficace. Avant chaque partie, le maître cachait dans les toilettes son smartphone sur lequel tournait un moteur d'analyse. Il lui suffisait d'aller le consulter quelques courtes minutes lors des moments critiques de la lutte cérébrale pour devenir quasi imbattable. Cette révélation est cruelle pour Igor Rausis, un authentique maître d'échecs. Habitué du circuit français depuis des décennies, ce joueur bénéficiait d'une excellente réputation. Certainement attiré par des gains substantiels, il n'a pas résisté aux sirènes lucratives de ce qu'on peut appeler une forme de dopage numérique. Après la découverte de son smartphone dans les toilettes, il n'a pas cherché à nier les faits mais a aussitôt déclaré, faisant acte de contrition: «J'ai simplement perdu la tête». La tricherie numérique représente un fléau pour les jeux stratégiques et notamment pour les échecs depuis maintenant une vingtaine d'années. La Fide (Fédération internationale des échecs) prend ce problème très au sérieux. Il y va de la survie du jeu des rois aussi bien dans les compétitions classiques que dans les compétitions dématérialisées qui fleurissent sur Internet. Pour repérer les présumés tricheurs, les responsables de l'arbitrage de la Fide ont mis au point des outils statistiques qui permettent de traquer les performances suspectes. Des outils statistiques contre la tricherie numérique C'est l'incroyable bond au classement d'Igor Rausis qui a donc mis la puce à l'oreille à Laurent Freyd et à Yuri Garrett, les deux arbitres qui ont découvert la machination du grand maître. «Une commission du fair-play suit de près l'évolution des performances des joueurs en s'appuyant sur les travaux mathématiques du professeur Keneth Regan. Lorsque les statistiques ne correspondent pas à la norme, nous saisissons le corps arbitral», explique Yuri Garrett. Dans le cas d'Igor Rausis, dont le portable a été retrouvé dans les toilettes, il y a aura une enquête et seulement après, une sanction sera ou ne sera pas prise. «La lutte anti-tricherie ne fait que commencer, précise encore le secrétaire de la commission d'éthique de la Fide. Nous savons qu'ainsi nous défendons notre passion, le jeu d'échecs et sa pratique».