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Les planches aux quarante-six couleurs
Publié dans La Nouvelle République le 26 - 07 - 2019

L'ambiance est tout en vert, blanc, rouge, on est à quelques heures d'une finale de coupe d'Afrique. Vuvuzelas, drapeaux, bracelets à l'effigie de l'Algérie, fennecs gonflables, tee-shirts, maillots de l'EN, tout est là pour nous empêcher de circuler normalement, le commissariat de la rue Bouzrina est envahi par des blocs de béton, il est fermé par deux cadenas massifs. Juste en face, une salutaire bouche de métro.
La foule envahit les lieux, des femmes, des portefaix, des couffins partout, dans tous les coins des petites et grandes affaires se font, on se croirait aux portes du ramadhan. Et puis, juste-là, sur le côté, surplombant le TNA, une masse blanche, une porte, le comédien Haïder Benhassine veille aux lieux, et là ! La délicate sensation d'être dans une Oasis, il fait frais, la clim fait bien son job, et à l'intérieur, un maelstrom de couleurs nous fait face dans un espace immaculé, un plancher bien fait, des lumières zénithales laissent l'honneur à 46 tableaux exposés. Il s'agit de la galerie d'art « Hadj Omar » du Théâtre National Algérien, « Mahieddine Bachtarzi », sur les contreforts du TNA donc, la galerie rouvres ses espaces pour réintégrer le monde qui est le sien après une ouverture il y'a quelques années à des plasticiens qui n'y ont pas fait long feu, par faute de non gestion régulière du lieu, cependant, il semblerait que le directeur du TNA, monsieur Mohamed Yahiaoui n'est pas enclin à abandonner les lieux aux araignées, loin s'en faut ! Cette fois, une exposition collective a été confiée à la plasticienne Nour Cheraz qui devient ainsi du 2 au 30 juillet la cheffe d'orchestre de tout un groupe de plasticiens, académiciens ou autodidactes dans une même monstration synthétique d'une scène artistique qui ne cesse de croitre, représentée par ses enfants terribles et qui du pire au meilleur offre une palette non négligeable d'œuvres éclectiques qui vont de la mosaïque, en passant par la caricature vers des moyens formats à l'huile ou à l'acrylique avec quelques notes de collages aux allures contemporains et aussi de dessin ou de compositions qui s'essayent à l'installation dans toute la force de ses matériaux. Nour Cheraz, farouche défenseuse des autodidactes et ennemis des gens qui excluent à tout va ! Dynamique enseignante, amoureuse de belles couleurs et de compositions multiple s'avère être au fil du temps une efficace commissaire d'exposition. Pour cette manifestation, elle a mis au centre de son action une question problématique posée comme l'essentiel du débat : « Le pourquoi de la création !? » les réponses se sont succédées sur 46 pistes aussi variées que possible, sur plein de formats possibles, mais aussi accompagnés d'une note écrite de l'écrivain Mohamed Bourahla qui entre « Froiville » et « Les lauriers roses » présente une invite aux plaisirs des sens. En effet, malgré les aléas de la galerie qui s'est révélée sans cimaises, le pari de la commissaire d'expo a été réussi, le défi relevé pour assurer une harmonie dans la composition, d'abord percer les murs et installer au fur et à mesure une sorte de partition avec des notes en quinconce pour donner une harmonie composée de très belle manière, l'organisatrice de l'exposition a donné au résultat une assez homogène présentation aux allants syncrétiques entre photo, calligraphies, notes abstractives, scènes cosmiques, paysages, scènes de genre, portraits ou natures mortes. Nous avons été bien-sûr touchés par ces artistes, ces plasticiens qui au premier abord sortent du lot émis par les sentiers battus de la monotonie usitée. Cette marionnette enfantine, étrange gérée par une adulte manipulatrice, présentée par la miniaturiste férue d'héroïc fantasy et de mythologie, la bozariste Chaïma Aïache est prégnante par sa précision et la délicatesse de son art. Même chose pour ces trois « sirènes » qui se partagent un trône précieux qui laisse s'échapper des arabesques de miniatures fabuleuses crées par la silencieuse Souâd Zibra aussi miniaturiste, amatrice de mode en fin de cursus à l'ESBA. On aura aussi remarqué ce portrait d'une vieille dame chaouie, produit de l'imagination féconde de la jeune plasticienne céramiste Abla Banchaïba qui nous livre un très bon exercice de style. L'aînée, Atika Bendjafer, habituée de ces évènements, nous fait partager son dynamisme avec un de ses scènes de genre. Un retour est entamé sur le cosmique, sur une attitude un peu soufie émise sur une scène qui relève de l'abstractif, mais qui nous donne a réfléchir, les planètes, les constellations de la sympathique Samia Hemici nous emmènent bien loin ! Un peu aussi comme l'étrange choix contemporain entre collage et message «subcolorés» ou subliminaux de Chiraz qui combat sa modestie pour « imposer » tranquillement ses choix courageux de produire une image avec des techniques inhabituelles. Afaf Meftahi, quant à elle, reste sur la valeur sûre du vase de fleur, la technique et le savoir-peindre sont au rendez-vous, pas très loin de là, le souriant et enjoué éternel Khireddine Khaldoun, cinéaste, installateur, plasticien curieux de tous nous livre une installation accrochée, il s'agit d'une note sensible réalisée en papier mâché avec des volatiles qui relèvent du papillon et de la colombe, peut-être de pétales de jasmin, qui décollent d'une « bouche » suggérée en grillage en ni de poule. Alliance du métal et du papier. Khaldoun a réussi sa synthèse…Des exercices de mosaïque qui émergent aussi du lot, dans de belles scènes de genre, le talent est au rendez-vous avec Nawel Chaouane, Meriem Gouraïa, mais aussi avec, les pièces posées de Rafika Kheyar assez prometteurs dans cette partition générale. L'attitude orientaliste garde sa part d'expression dans le tableau de Mouloud Tabti dans une scène de genre semblerait-il faite à l'huile qui illustre un jeu d'antan, réalisé par des joueurs aux tenues traditionnelles curieusement empruntées aux touareg ou à quelques tribus des Ouled Naïls, le peintre a réussi a instiller un mystère qui laisse intact son imagination débridée nous surprendre. Le signe est présent dans l'ombre bienveillante des voyages dans les périodes ancestrales de Noureddine Hamouche. Ils étaient nombreux, très difficile de tous les commenter, mais le cœur y'est !!! La calligraphie dans tous es états laisse quelques plasticiens se risquer avec bonheur sur les pistes de la contemporanéité notamment avec le travail de Samra Benfissala toute en huile et toute en force sur son support, une bonne promesse de création fougueuse. L'écho est aussi rendu dans les notes abstraites de Lydia Boukerma et de sa pendante figurative Fehima Boukerma et de sa nature morte au pain et vase, réalisée aux crayons de couleurs avec cette force de nous faire oublier la technique au bénéfice d'une œuvre très aboutie, bon boulot de Fehima qui promet de belles perspectives. Nadia Remidi nous offre les indices nostalgiques du Chardonneret et de son nid sur un fond d'aquarelle éclatante rendant grâce aux années d'antan, avec les mêmes attitudes plastiques entre cafetière déclinée en nature-morte offerte avec pertinence colorée de la part de Faïrouz Bourema. Solia Sabki fait montre d'imagination à travers un coucher de soleil assez insolite par le choix assumé de ses tonalités, et Nora Bentaleb, se fait maitresse de la lame et use du couteau pour installer un délicieux portrait de femme, limité aux regards intense sur des plages de peinture « domestiquées » par le savoir-faire de cette jeune artiste intéressante. Omar Khiter, miniaturiste, éclairé au talent avéré laisse sa modestie prendre place sur une des parties de l'entrée, il ne se fait point oublier et on apprécie sa très belle composition calligraphiée et entreprise sur un papier éloquent avec des encres qui ne trompent pas sur la qualité de l'œuvre et de celui qui l'a réalisée, le résultat est superbe, rien à dire de plus de cette production expressionniste en noir, rouge et blanc de Madjda Hamou qui lance toute sa rage sur les traits griffonnés avec énergie comme pour dire…quelque chose ! Pour terminer, nous nous livrons au chant des sirènes de Nihad Lkherba et de son œuvre attirante. Le tout est à voir à tout prix pour la partition colorée, et aussi pour les réponses particulières posées devant nous, ainsi que pour l'harmonie de toute cette joyeuse bande aux expressions aussi diverses que l'est cet immense territoire qu'est notre pays. Exposition multi-techniques, « Les questions de la création », emmenée par Nour Cheraz, 46 artistes du 02 au 30 juillet 2019, Galerie d'Art « Hadj Omar », rue Bouzrina, en face du marché, Entrée libre.

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