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Quelle politique énergétique pour l'Algérie 2019/2030
Publié dans La Nouvelle République le 29 - 07 - 2019

Le ministre de l'Energie vient de faire savoir le 23 juillet 2019 que les raffineries de pétrole en Algérie «suffisent pour couvrir la demande nationale en carburant, estimée à 15 millions de tonnes et que depuis fin 2018, nous n'avons effectué aucune importation de carburant, et toute la production disponible sur le marché est algérienne». Cependant toute politique des carburants est indissociable de la politique économique globale notamment le transport et devant être analysée au sein de la politique énergétique. Car, le secteur économique de l'énergie en Algérie occupe une place prédominante dans l'économie. Les hydrocarbures à eux seuls représentent 60 % des recettes du budget et 98 % des recettes d'exportation.
En cas de baisse drastique des réserves de change à 10-12 milliards de dollars, qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70 %, la banque d'Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle qui fluctuera en fonction du taux d'inflation entre 300/400 dinars un euro, ce qui accélérera le processus inflationniste. Il s'ensuit que la croissance devrait ralentir très fortement dès 2020 en provoquant une augmentation du taux de chômage. Elle se traduira aussi par la persistance des déficits budgétaires et surtout des déficits externes qui vont éliminer progressivement toutes les marges de manœuvre dont dispose l'Algérie. Car, selon Bloomberg, l'Algérie, pour remonter son déficit budgétaire au titre de l'exercice 2019, «aurait besoin d'un baril de pétrole à 116,40 dollars, contre 95-100 dollars en 2017-2018»
3- Production de raffinage local et achat de la raffinerie italienne Augusta
L'outil de raffinage en Algérie dispose actuellement de six raffineries en cours d'exploitation (Alger, Arzew, Skikda (RA1K et Topping condensat), Hassi-Messaoud et Adrar. La capacité de traitement annuelle s'élève à 27 millions de tonnes, dont 5 millions tonnes/an en condensat à Skikda et 0,6 million tonne/an pour la raffinerie d'Adrar. Ce tableau reflète les capacités en vitesse de croisière almors que souvent il ya sous utilisation des capacités. En 2017, selon le Ministère de l'Energie, 11,5 millions de tonnes de carburants sont raffinés en Algérie, alors que la consommation atteint 15 millions de tonnes de carburants annuellement. Ces dernières années, le gouvernement a lancé un programme de réhabilitation de ses vieilles raffineries.
Quant au rachat de la raffinerie d'Augusta, selon l'information qui a été rapportée notamment par le journal italien Jiovanni Cafeo dans son édition de 21 septembre 2018., l'achat a été effectuée pour la somme de 700 millions de dollars par la compagnie nationale Sonatrach, le 9 mai 2018 accord signé avec Esso Italiana (filiale du groupe américain Exxon Mobil) la remise en l'état de l'usine, vieille de 70 ans, nécessitant au moins la somme de 100 millions d'Euros d'investissements. Elle est dotée d'une capacité de traitement de 10 millions de tonnes par an. Cet accord porte sur l'achat par Sonatrach de la raffinerie d'Augusta (Sicile) et de trois (3) terminaux pétroliers situés à Augusta, Naples et Palerme ainsi que de leurs systèmes d'oléoducs associés.
Capable de traiter à la fois du Sahara Blend ainsi que du fuel résiduel issu de la raffinerie de Skikda, la raffinerie d'Augusta s'intégrera directement dans le système de raffinage de Sonatrach. Elle pourra également traiter directement des produits qui sont excédentaires en Algérie en vue de réimporter des produits aujourd'hui en déficit comme le gas oil et l'essence. Dans ce processus transitoire, plusieurs enquêtes antitrust ont déjà été obtenues, notamment celle effectuée en juillet 2018 avec l'union européenne, ainsi qu'avec plusieurs pays d'Europe». Dans son mode opératoire, la raffinerie d'Augusta est connectée à Exxon mobil à travers plusieurs systèmes notamment celui de l'informatique (IT)». Pour l'ex PDG de Sonatrach Ould Kaddour, le projet de raffinerie de Hassi Messaoud devra coûter 3 à 4 milliards de dollars. la filiale raffinage italienne de Sonatrach, dénommée Sonatrach Raffineria Italiana Srl, est devenue propriétaire de ces actifs à partir de ce samedi 1er décembre 2018.
La clôture de cette transaction fait suite à un processus de transition desix mois qui a permis à Sonatrach de «lever toutes les conditions suspensives, notamment celles liées aux accords anti-trust», La raffinerie d'Augusta traite des bruts légers à l'instar du Sahara Blend algérien, de l'Arabian Light (Arabie Saoudite) ou de l'Azeri (Azerbaïdjan). Sur le Bassin méditerranéen, Augusta est surtout connue pour être le premier producteur d'huiles de base de cette région. Selob Sonatrach, la raffinerie d'Augusta permet de couvrir les déficits algériens en essences et en gasoil, et ce, même dans l'hypothèse d'un décalage de 2 années dans la mise en service des nouveaux projets de reforming de naphta, du projet d'hydrocraquage de fuel à Skikda et de la nouvelle raffinerie de Hassi Messaoud.
Les terminaux de carburants de Naples, Palerme et Augusta (inclus dans la transaction) offrent une capacité de stockage supplémentaire de 565 kb (565.000 barils) de gasoil et 309 kb (309.000 barils) d'essence. Ce qui permet, vu leur proximité de l'Algérie, d'assurer 3 jours supplémentaires d'autonomie de stockage par rapport à l'autonomie qui existe en Algérie à travers les capacités de Naftal et de Sonatrach. De surcroît, l'un des éléments importants du cahier des charges d'ExxonMobil réside dans l'exigence de reprendre la production d'huile de base à travers un contrat d'offtake (accord d'enlèvement) de 10 ans. Cette condition permet non seulement d'avoir une source de revenus garantie pour les huiles de base, mais surtout d'avoir Exxon Mobil comme partenaire de fait pendant au moins dix (10) ans.
Capacité de traitement des raffineries :
4.-Parc voitures, consommation de carburants 2015/ 2018-premier trimestre 2019
Selon les chiffres de l'Office national des statistiques (ONS), le parc national automobile comptait 6.162.542 véhicules au 01 janvier 2018, contre 5.986.181 véhicules à fin 2016, en hausse de 2,94%. Les 5 premières wilayas qui comptent le plus grand nombre de véhicules sont Alger avec plus de 1,6 million d'unités (26,07% de la totalité du parc), Blida avec 334.042 (5,42%), Oran avec 316.197 (5,13%), Constantine avec 225.442 (3,66%) et Tizi-Ouzou avec 207.628 (3,37%). Aussi dix questions se posent auxquelles toute politique économique cohérente doit répondre afin d'éviter à terme la faillite de bon nombre de constructeurs qui auront entre temps engrangé des profits énormes au détriment du trésor. L'industrie de montage local des véhicules de tourisme a réalisé une production de 180 000 véhicules en 2018 contre 110 000 en 2017, en sus de la production de 4 500 véhicules industriels en 2018.
Selon les données des statistiques douanières, la facture d'importation des collections CKD destinées à l'industrie de montage des véhicules de tourisme a atteint près de 3 milliards de dollars en 2018 contre 1,67 milliard de dollars en 2017, augmentant de plus de 1,32 milliard de dollars, soit une hausse de 79,23% par rapport à 2017. Pour le cas Algérie, ces voitures fonctionneront-elles à l'essence, au diesel, au GPLC, au Bupro, hybride ou au solaire renvoyant d'ailleurs à la politique des subventions généralisées dans les carburants qui faussent l'allocation optimale des ressources ? Selon le ministère de l'Energie cité par l'APS, le volume utilisé de l'essence sans plomb par les conducteurs a grimpé à 1,43 million de tonnes (Mt) en 2017 contre 1,36 Mt en 2016 (+5,4%).
La même tendance a été suivie pour l'essence normale dont le pompage a atteint 1,18 Mt contre 1,16 Mt (+1,8%). Par contre, la consommation de l'essence super a connu une baisse pour s'établir à 1,53 Mt en 2017 contre 1,75 Mt en 2016 (-12,4%). Concernant le gas-oil, sa consommation a diminué de 2,3% en s'établissant à 10,08 MT contre 10,32 Mt. Pour le GPL/carburant, il a connu un essor substantiel avec une consommation de 456.978 tonnes en 2017 contre 351.571 tonnes en 2016, en hausse de près de 30%.En totalité, la consommation globale des carburants a atteint 14,68 millions de tonnes (Mt) en 2017 contre 14,94 Mt en 2016, soit une baisse annuelle de 1,7%. Cela pose la problématique des subventions généralisées non ciblées des carburants et de l'électricité mais devant tenir compte de la structure des revenus des algériens car le revenu moyen est 25% de celui de l'Europe.
L'Algérie est classée parmi les pays où le prix du carburant est le moins cher au monde. Mais conserver cette politique coûte de plus en plus cher. La différence du prix à la pompe avec les pays voisins fait que de grandes quantités de carburants traversent quotidiennement les frontières vers le Maroc et la Tunisie, sans compter les pays riverains du grand Sud. Il en est de même du prix de l'électricité/gaz, avec une différence entre le prix aux ménages et les clients industriels Le niveau du prix du gaz concédé aux centrales est de l'ordre de 10 % de celui qui correspond aux transactions internationales du gaz, une différence qui grève considérablement le budget de Sonelgaz, en déficit structurel depuis des années et en plus ce prix plafonné qui couvre à peine les coûts a de quoi décourager tout investisseur local ou étranger dans ce domaine rendant caduque la loi sur l''électricité et le gaz par canalisation.
Pour les différentes unités pétrochimiques, aciéries, matériaux de construction, fortes consommatrices de gaz, quel doit être le prix de cession pour éviter un transfert de rente. Cela pose donc la problématique des subventions des carburants qui à l'avenir doivent être ciblées, qui se chiffrent annuellement à plus de 10 milliards de dollars entre 2007/ 2018, incluant les subventions aux prix de l'électricité et du gaz, ainsi qu'aux carburants. C'est que par la politique des subventions, l'Algérie figure parmi les pays où le carburant coûte le moins cher à la pompe. Après une deuxième réévaluation entrée en vigueur le 1er janvier 2018, le prix moyen de l'essence est fixé à 40,84 dinars algériens/litre (DA/l) alors que ce carburant coûte en réalité 125 DA à l'Etat.
A titre de comparaison, au Maroc l'essence est payé l'équivalent de 85 DA/litre et en Tunisie à 67 DA,. Etant un pays producteur et exportateur de pétrole, les capacités de raffinage ne répondent toutefois pas à la demande locale, d'où le recours à l'importation. Mais attention à la précipitation par des comparaisons hasardeuses car l'économie algérienne est une économie rentière et non une économie de marché concurrentielle. Par ailleurs, le revenu net moyen algérien est en moyenne de 20% par rapport à celui de l'européen. Selon le FMI le poids des subventions généralisées dans le budget de l'Etat s'alourdit.
A propos des subventions de l'Etat, particulièrement celles liées à l'énergie, Jean-François Dauphin, a souligné que «les subventions mises en place dans un objectif social sont profondément injuste, cela veut dire, que plus le citoyen est riche plus il est bénéficiaire». Et de préciser ensuite que «les 20% des ménages qui sont riches en Algérie consomment six fois plus de produits énergétiques que les 20% des ménages les plus pauvres. Donc, elles vont à l'encontre de l'objectif que l'Etat veut atteindre». «C'est pour cela que le FMI préconise un rééquilibrage progressif des soutiens de l'Etat à la population et retirer progressivement les subventions généralisées de l'énergie et enfin, essayer de le remplacer par d'autres formes de de transferts qui seront adressés directement aux populations qui en auront le plus besoin. Selon différents rapports du gouvernement, le soutien de l'Etat aux ménages et à l'économie a représenté, sur la période 2012-2016, une part de plus en plus élevée avoisinant 27% du PIB en moyenne dont le soutien des produits énergétiques (électricité, gaz, carburants...) "absorbe 60% des ressources consacrées par les pouvoirs publics aux subventions. Les transferts sociaux ont atteint 1.625 milliard de dinars en 2017 contre 1.239 milliard de dinars en 2010. Ce montant a été porté à 1.760 milliard de dinars durant l'exercice 2018, en hausse de près de 8% par rapport à 2017.
Le taux des transferts sociaux avait atteint 22,8% du budget général de l'Etat sur la période 2000-2004, puis 24,5% sur la période 2005-2009, puis25% du budget de l'Etat en 2010-2015 et 23% entre 2016.
(A suivre)
Dr Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités, expert international


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