La France a annoncé mardi l'envoi au Sahel d'une coalition de forces spéciales européennes, Takuba, pour soutenir les armées de la région, au moment où les doutes pèsent sur la capacité du nouveau groupement à agir dans l'imbroglio sahélien. Lancée en mars dernier, cette Task force sera placée sous le commandement de l'opération française Barkhane et opèrera dans la région du Liptako, zone frontalière aux confins du Burkina, du Mali et du Niger en appui aux forces maliennes. Selon le ministère français des armées, elle débutera cet été ses opérations avec une centaine de militaires français et estoniens, qui devraient être rejoints à l'automne par un contingent tchèque d'une soixantaine d'hommes, avant l'arrivée début 2021 de 150 militaires suédois. Mais la force Tabuka, du nom du sabre des Touaregs, montre des limites, affirment des spécialistes de la région du Sahel, avant même qu'elle entame ses opérations sur le terrain. Au moment où la France espérait engager l'Europe dans sa lutte contre le terrorisme, seulement six sur les 27 pays européens sollicités ont répondu positivement à sa demande. Au sein de l'Union européenne, la Norvège a opposé un refus à envoyer des soldats, faute de soutien politique interne, alors que l'Allemagne a décliné craignant l'enlisement dans la région. De visu, les trois pays ne partagent pas les mêmes priorités sécuritaires. La Belgique qui a accepté de participer à cette coalition, a annoncé pour autant une modeste contribution de trois officiers dans l'état-major de Tabuka qui siègera à Gao au Mali. Dans les faits, selon des observateurs, il s'agit beaucoup plus d'une force avec une dimension politique que militaire, destinée à briser l'isolement de la France sur le théâtre sahélien. Sur le terrain, le déploiement de forces spéciales à vocation offensive répond en particulier au souci d'atteindre des objectifs stratégiques comme la libération de territoires. Timing tardif «Dans le combat face à des forces asymétriques par nature, l'option offensive n'est pas un choix mais une nécessité absolue. Mais l'option offensive après quatre ans d'intervention militaire est tardive», précise à l'APS Mohamed Said Benazzouz, spécialiste des questions internationales. Cependant «le timing politique est parfait, il fait suite à un regain de crédibilité au bénéfice des forces françaises après l'opération réussie contre le chef d'AQMI, Abdelmalek Droudkel», commente-t-il. Un regain, poursuit Mohamed Said Benazzouz, «destiné à asseoir le statut flou et contesté des forces françaises sur le terrain». «En associant les ex-pays de l'Est, la France vise en effet à partager le coût humain et humanitaire exorbitant de l'opération toute en renforçant son leadership dans la région. Le sabre tergui Takuba est entre les mains de celle-ci», constate l'analyste. «Au-delà des considérations sécuritaires, les Etats du Sahel ont surtout besoin de voir leurs capacités de développement se renforcer. Encore faut-il que cet objectif ne soit pas en contradiction avec les politiques de puissances souvent néocolonialistes», soutient Mohamed Said Benazzouz. En dépit d'une situation sécuritaire très tendue au Sahel, amplifiée par les violences terroristes et intercommunautaires qui ont fait des milliers de morts, la France espère obtenir une victoire face aux groupes terroristes. Le président français, Emmanuel Macron qui veut amplifier des gains fragiles a évoqué mardi lors du sommet de Nouakchott sur le Sahel une «possible victoire au Sahel» pour peu que les Etats de la région renforcent leur présence dans les zones échappant à leur contrôle. Mohamed Said Benazzouz souligne que dans une stratégie militaire, «il faut toujours viser une victoire décisive». «Les récentes déclarations du président Macron poussent à croire que la France n'a pas la prétention de réaliser une victoire décisive au Sahel. Apparemment il s'agissait juste de préserver ses intérêts dans la région», estime-t-il. Et de s'interroger : «l'essence de la présence française au Mali passe par la question de savoir pourquoi la Cedeao n'est pas intervenue pour stopper le mouvement des groupes extrémistes vers Bamako ?». La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest ont approuvé en 2013 l'envoi immédiat d'une force d'intervention, conformément à une résolution de l'ONU, pour aider Bamako à reprendre le contrôle du Nord, tombé en mars 2012 aux mains de groupes terroristes, liés à Al-Qaïda. Entre temps, la France a lancé son opération Serval pour stopper la progression des groupes terroristes vers Bamako.