Le Président Donald Trump vient d'annoncer triomphant, qu'Israël et les Emirats Arabes Unis sont d'accord pour normaliser leurs relations. L'argumentaire de la CNN, cherche à vendre «ce marché de dupes historique», comme une victoire pour la cause palestinienne car elle permettrait de stopper l'annexion par l'entité sioniste de la Cisjordanie de manière... temporaire ! Cette évolution diplomatique dans la région appelle trois observations. D'abord les Emirats Arabes Unis du Prince Mohammed El Nahyane s'inscrivent dans une stratégie plus générale au Machrek, d'une volonté désormais clairement affichée par Washington, d'obtenir la soumission des dirigeants arabes au suzerain de Tel Aviv. Cela est devenu la condition sine qua non pour que le Monde arabe soit considéré par la première puissance militaire mondiale. Désormais, le bâton est tenu par l'Amérique et la carotte par Israël. C'est l'exacte inversion du dispositif déployé jusqu'alors où l'Amérique jouait le rôle de «courtier honnête de la paix» alors que le soldat israélien faisait du Liban son jardin, et du Sinaï, sa terrasse. La défaite militaire de Tsahal face aux militants du Hezbollah en 2006 a renversé les termes de l'équation. La seconde remarque tient aux processus contre nature dans lesquels ces changements se déroulent. Que ce soit l'Egypte, les Emirats Arabes Unis, Bahreïn ou l'Arabie Saoudite, les relations bilatérales entre ces pays et Israël, sont certes marquées par la contrainte militaire mais aussi par des distorsions institutionnelles accentuant le déficit de légitimité de ces dirigeants vis-à-vis de leurs Peuples sur fond de décroissance durable des revenus pétroliers. La troisième réflexion relève du constat : les «échanges sécuritaires» entre Tel Aviv et Abou Dhabi deviennent officiels. Les Emirats Arabes Unis, puissante de 1.850.000 autochtones auquel a été confié le port d'Alger, la régie des tabacs... une coopération militaire, nous menace de bombardements incessants sur la Libye et se comporte en cheval de Troie assumé au Maghreb. Quels réajustements sont désormais inévitables pour l'Algérie ? Dans les années soixante-dix, l'Amérique comptait au Moyen-Orient sur trois puissances essentielles encadrant toute cette région. Israël, l'Iran et la Turquie formaient les trois piliers non arabes chargés de veiller aux intérêts stratégiques, c'est-à-dire pétroliers des Etats-Unis sur l'ensemble du Moyen-Orient. La révolution iranienne et l'Imam Khomeiny ont rendu bancale le dispositif sécuritaire dès février 1979 précipitant la signature le 26 mars 1979 des accords de «Camp David» entre le Président Anouar El Sadate et le Premier ministre Menahem Begin. Téhéran ouvrait de facto les ponts d'un dialogue historique avec les peuples arabes. La perte de l'Iran se compensait, aux yeux du Pentagone, par la neutralisation de l'Etat égyptien et l'acceptation par ce dernier d'une souveraineté limitée sur le Sinaï. En Turquie, l'érosion inéluctable de la position hégémonique en un lent processus historique des militaires atlantistes turcs laïcs, en parallèle de la reprise en continu de la souveraineté de l'Etat incarnée par Tayyip Erdogan, a ouvert la voie (dès 2003 lorsqu'il est nommé Premier ministre) à la déstabilisation généralisée de l'ordre régional qui avait cours. Ce phénomène s'est accéléré, après la tentative de renversement menée par la CIA le 20 juillet 2016 contre Erdogan – devenu entretemps, après modification de la Constitution, président de la République – nouvel homme fort de l'Etat turc comme ce pays n'en a plus connu depuis Atatürk. L'alignement, pour ne pas dire l'assujettissement de la diplomatie américaine sur la stratégie du morcellement moyen-oriental fixée par l'establishment sioniste a amené progressivement la Turquie à ne plus accepter son rôle d'instrument docile antirusse aux mains de Washington. Au cœur de cette divergence centrale, la question kurde menace l'intégrité nationale turque alors qu'elle est essentielle dans la pensée militaire israélienne. Israël fait en effet de la question kurde le levier de l'implosion qu'elle cherche pour le Monde arabe et accessoirement pour la Turquie dont la réponse, à son corps défendant, consiste en une neutralisation partielle de l'efficience de l'alliance atlantique. Aussi, quarante ans après la proclamation de la République Islamique d'Iran, force est de constater que l'Amérique ne peut plus désormais s'appuyer comme par le passé sur deux des trois géants militaires régionaux et n'a en conséquences d'autres choix que de construire elle-même des bases militaires immenses, financées par les pays «hôtes», pour y déployer de manière permanente, troupes et matériels, aussi bien au Qatar, aux Emirats Arabes Unis, au Bahreïn qu'en Arabie Saoudite. De ces nécessités militaires prosaïques, provient «l'endowment policy» proposée aux Etats arabes de la région, assurant le sauvetage des régimes en place, en échange d'un contrat d'assurances vie dont on peut légitimement se poser la question de savoir si les clauses de sauvegarde seront appliquées. En effet, plus rien ne peut arrêter l'éclatement des carcans anti-démocratiques dans la région car les forces sociales à l'œuvre dans toute cette partie du monde sont mues par des puissances supérieures conduisant une transition énergétique mondiale, avec des conséquences existentielles sur les monarchies du Golfe. Elles sont désormais réduites au rôle de dernières stations à essence de la planète, sommées d'alimenter la formidable machine de guerre américaine par ce qui reste en hydrocarbures dans leurs réservoirs géologiques. Cette décroissance des réserves en hydrocarbures fossiles, inscrites dans la finitude de notre Planète, ouvre une très longue période historique, peut-être de l'ordre du siècle, ou l'accès à une énergie abondante fera figure d'âge d'or de nos civilisations modernes. C'est ainsi que nous vivrons de manière cyclique et récurrente, accélérations de la hausse des prix du pétrole et effondrements spectaculaires des cours, nourris en autant d'instabilités politiques (les printemps arabes), climatiques (le réchauffement de la Planète), agricoles (comme en 2008) avec des répercussions immédiatement mondialisées (crise financière de 2009) en raison de la compétition internationale et de l'intrication des économies mondiales. Une scène moyen-orientale chaotique La bombe de magnitude atomique – qui a cherché à effacer le Hezbollah et ce qui reste d'Etat au Liban – est la vraie mesure de ce qui attend les Peuples de la région. C'est le chaos qui est promis en autant de reconfigurations géopolitiques à la main d'Israël en manœuvre exclusive du Golfe Persique à l'Atlantique. Nous avons vécu cela en version douce. Souvenons-nous de la visite à Alger de Donald Rumsfeld, alors Secrétaire d'Etat à la défense en février 2006, en émissaire du Président Bush s'inquiétant du programme de modernisation de la marine de guerre algérienne et de sa capacité future à contrôler le trafic maritime israélien, particulièrement dense aux larges de nos côtes, tant les sionistes sont extrêmement dépendants de leurs approvisionnements par la mer. Ce souci n'est pas né de rien alors qu'en 1973 nos forces anti-aériennes et anti-maritimes montraient déjà leurs capacités techniques à atteindre des objectifs de haute altitude et au large des côtes égyptiennes obligeants navires et cargos aériens américains appliqués en ravitaillements soutenus de Tel Aviv, à se tenir à bonne distance de l'espace aérien et maritime du Caire. Résultat de la visite de Donald Rumsfeld en 2006 : la signature en 2008 d'une joint-venture entre EPAL (Entreprise Portuaire d'Alger) et DWP (Dubai World Port) aux fins de gérer les ports d'Alger et de Djendjen et qui a toujours cours. La concomitance des évènements est pour le moins troublante. Nous en comprenons mieux aujourd'hui la finalité cachée. Ce combat d'Israël contre l'Algérie, s'il se dissimulait hier derrière des coopérations dites «gagnantes-gagnantes» avec des partenaires tiers en missions commandées, porte-drapeaux d'intérêts mondialisés, se transforme aujourd'hui en mode semi-ouvert. Les bombardements incessants de Tripoli par les forces aériennes émiraties, le financement par Abou Dhabi des armes qui coulent à flots en Libye procèdent de la même stratégie de celle qui fut appliquée au Liban, au Yémen, contre l'Iran et contre l'Algérie, en inspiration israélienne, dans une tentative qui a techniquement réussi lors de la prise d'otages de Tiguentourine. Nous verrons bien, pour mieux mesurer à quelle sauce on souhaite nous manger, le profil du futur ambassadeur américain à Alger, alors que celui de la France dont le nom est maintenant connu, promet une partie des plus serrées à échelle maghrébine. De l'instinct populaire du «Hirak béni» De ce qui précède et au vu de l'exacerbation des contradictions dans nos régions, la seule réponse d'ordre stratégique consiste à donner la prolongation institutionnelle la plus puissante possible au «Hirak béni» aux fins d'assurer définitivement la légitimité de notre Etat (et donc de nos armées) en un ancrage constitutionnel renouvelé et qui ne pourra souffrir d'aucune contestation. A contrario, c'est bien le sens de la guérilla que nous avons vécu durant cet été 2020, contre un exécutif présidentiel en pleine conscience aigüe des enjeux tant nationaux qu'internationaux et dont on cherche indubitablement à circonscrire l'amplitude des réformes promises par un certain 22 février 2019 en essayant de faire échouer le processus de modernisation institutionnelle. Une réforme politique réelle et sincère s'avère le bouclier le plus efficace contre la stratégie du pourrissement à l'œuvre en Libye contre les peuples libyens et algériens. Le seul argument déterminant dont nous pourrons nous prévaloir face au Prince d'Abou Dhabi usurpant les pouvoirs de son frère régnant, face au coup d'Etat à blanc du Prince Mohammed Ben Salman contre la succession traditionnelle de ses oncles qui portent, pour des raisons profondément religieuses, la défense de Jérusalem en bandoulière, face au roitelet du Bahreïn massacrant la moitié de sa population pour des raisons d'intolérance confessionnelle et face à l'Egypte du coup d'Etat militaire, c'est justement l'ancrage sans retour de la praxis démocratique et souveraine. La guerre est à nos portes. Elle ne s'annonce pas par des tambours comme par le passé. Elle est pernicieuse et multiformes. Elle s'exprime dans l'occupation de forces étrangères du Mali et du Niger, dans l'éclatement de la Libye pour mieux encercler l'Algérie, dans la tension artificiellement entretenue avec le Maroc par des forces intéressées par un recroquevillement institutionnel, dans le sabotage de l'œuvre de redressement national initié par le président de la République soutenu par un Etat-major de la vigilance sans faille, dans l'entretien des braises du régionalisme et du fédéralisme en autant de chevilles ouvrières cherchant à faire basculer une Nation aux grandes traditions populaires ayant un instinct sûr dès qu'il s'agit de déjouer des complots contre sa souveraineté. L'Algérie possède d'autres atouts dans cette bataille multiformes qui s'annonce. D'abord au plan régional, il ne tient qu'à elle de prendre des initiatives en direction de la Tunisie pour constituer un noyau dur économique basé sur l'énergie et les ressources agricoles dans un partenariat nouveau s'inspirant de l'expérience européenne qui fut bâtie initialement sur l'acier et le charbon. Ensuite, rien n'interdit de sortir progressivement de la logique du glacis à nos frontières ouest aux fins de couper court aux manœuvres de ceux qui comptent sur l'inertie propre aux géants aux fins de les abattre. Enfin, il nous faut avancer à pas forcés et aller vers la transition énergétique grâce au solaire en proximité d'une Europe déjà en crise énergétique aigue, pour construire des mécanismes d'absorption aux turbulences à venir. Plus que jamais nous avons le sentiment de nous trouver dans l'œil, trompeur de calme, d'un cyclone avant la dévastation annoncée de la Nation arabe. Nous sommes pris par un sentiment d'urgence pour sortir de la rente pétrolière, mettre au travail notre jeunesse paysanne et urbaine, bâtir ensemble un avenir de dignité que nos chouhada, contrairement à d'autres peuples, nous ont appris à chérir comme la prunelle de nos yeux. Ce sont là nos meilleures protections.