Un ultimatum de 72 heures donné par le gouvernement éthiopien aux dirigeants du Tigré, dans le nord de l'Ethiopie, prend fin mercredi au lendemain d'une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU consacrée au conflit dans la région et au moment où des émissaires africains s'apprêtent à lancer une médiation en vue d'un dialogue. La réunion du Conseil de sécurité, tenue virtuellement à huis clos, avait été convoquée à la demande des membres européens du Conseil (Belgique, Allemagne, France, Estonie, Royaume-Uni et Etats-Unis) après l'annulation mardi tôt d'une session par leurs homologues africains qui veulent «donner du temps» à une médiation africaine. L'Union Africaine (UA) avait annoncé vendredi que trois anciens présidents avaient été désignés comme envoyés spéciaux en Ethiopie pour tenter une médiation entre les parties en conflit, à savoir, l'ancien président du Mozambique, Joaquim Chissano, l'ex-présidente du Liberia, Ellen Johnson-Sirleaf, et l'ex-chef de l'Etat sud africain, Kgalema Motlanthe. Les émissaires voyageront en Ethiopie pour «créer les conditions d'un dialogue national ouvert pour régler les questions ayant mené au conflit», avait fait savoir le président de l'Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa, qui assure actuellement la présidence tournante de l'UA, sans préciser de calendrier. Quelques heures avant ces nominations, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, avait déploré que les autorités éthiopiennes refusent une médiation internationale. La réunion du Conseil de sécurité, la première du genre depuis le déclenchement du conflit il y a près de trois semaines dans la région du Tigré, dans le nord de l'Ethiopie, s'est tenue alors que le président de la région du Tigré et chef du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), Debretsion Gebremichael, avait affirmé lundi que son peuple était «prêt à mourir», au lendemain d'un «ultimatum de 72 heures» lancé par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed aux dirigeants tigréens pour qu'ils «se rendent», et les remplacer par des «autorités légitimes». Après cet ultimatum d'Abiy Ahmed, les Nations unies ont appelé lundi les «forces nationales et régionales à protéger les civils dans cette région assiégée». Mardi, à la veille de l'expiration de l'ultimatum, les appels à la médiation et à la protection des populations civiles du Tigré se faisaient plus pressants. Et, l'opération militaire lancée le 4 novembre par le gouvernement éthiopien au Tigré est entrée dans une «phase décisive», selon Addis Abeba. Au moins 600 personnes ont été tuées au cours d'un «massacre» perpétré par des miliciens tigréens le 9 novembre à Mai Kadra, localité du Tigré, au début du conflit dans cette région du nord de l'Ethiopie, avait indiqué mardi la Commission éthiopienne des Droits de l'Homme (EHRC), accusant dans un rapport préliminaire une milice informelle de jeunes Tigréens appelée «Samri», et les forces de sécurité loyales aux autorités locales, d'être les auteurs du carnage visant des saisonniers non-Tigréens. Inquiétudes de la communauté internationale La perspective d'un assaut contre la ville de Mekele, qui compte 500.000 habitants, outre un nombre indéterminé de déplacés qui s'y sont réfugiés depuis le début du conflit, inquiète la communauté internationale et les organisations de défense de droits de l'Homme, face à la déclaration du gouvernement éthiopien qui assure «être en mesure de lancer la bataille» de Mekele, capitale du Tigré et siège du gouvernement local issu du FPLF. Les agences humanitaires onusiennes ont exprimé, mardi, leur «inquiétude» sur ce conflit dans la région du Tigré où un «black-out» rend difficile l'évaluation et la gestion de ce qu'elles considèrent comme une urgence humanitaire croissante. Selon le site de l'ONU, les Nations Unies ont finalisé un plan humanitaire pour aider près de deux millions de personnes affectées par le conflit dans le Tigré où la situation humanitaire ne cesse de s'aggraver. Ce plan, qui vise la collecte d'une somme de 76 millions de dollars, couvre la période allant de novembre 2020 à janvier 2021. Il permettra de venir en aide aux personnes affectées au Tigré, mais aussi celles d'Afar et d'Amhara. Pour le porte-parole du Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), Jens Laerke, l'ONU reste «extrêmement préoccupée» par la sécurité des civils de cette région, en particulier pour plus d'un demi-million de personnes se trouvant à Mekele -dont plus de 200 travailleurs humanitaires». Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), a fait état lundi de plus de 40.000 réfugiés éthiopiens arrivés au Soudan depuis le 10 novembre, fuyant l'offensive des forces gouvernementales au Tigré. Le Soudan et l'Allemagne qui se sont dits «particulièrement préoccupés» par la situation qui prévaut au Tigré, ont appelé la communauté internationale à assumer ses responsabilités envers les personnes déplacées de la région éthiopienne, craignant une «aggravation» de la crise humanitaire avec le début de la saison hivernale.