Dans son dernier ouvrage intitulé «La face cachée de Mammeri», l'anthropologue Tassadit Yacine révèle l'engagement politique de l'universitaire et écrivain Mouloud Mammeri, ses activités avant et pendant la Guerre de libération nationale et ses déboires avec les autorités coloniales. Publié aux récemment éditions Koukou, cet ouvrage de 129 pages est un recueil de textes de Tassadit Yacine, présentés et rassemblés par Hafid Adnani. L'ouvrage revient sur un dossier paru dans la revue Awal en 1990 intitulé «Hommage à Mouloud Mammeri» dans lequel Tassadit Yacine remonte le parcours de l'écrivain, dans un entretien, pour montrer ses positions et actions avant et pendant la guerre de libération. Quand la guerre de libération avait éclaté, Mouloud Mammeri alors professeur de lettres dans un lycée d'Alger a «participé par la plume à ce combat contre l'asservissement (…) reconnu comme écrivain, en danger, recherché, et sa maison plastiqué, il est exfiltré du territoire algérien pour se réfugier au Maroc». Tassadit Yacine revient sur cette période avec des textes appuyés par des entretiens avec l'écrivain et Tahar Oussedik, membre du Front de libération nationale, par des lettres, écrites sous pseudonyme par Mouloud Mammeri, adressées à l'Organisation des nations unies (ONU) pour soutenir la cause algériennes, et par des contributions publiés dans les colonnes du journal L'espoir. Dans un entretien réalisé par Tassadit Yacine en 1988, Tahar Oussedik, responsable d'une zone du nord d'Alger, expliquait sa relation avec Mouloud Mammeri, et le groupe des «libéraux» qu'il avait formé, dans le travail militant. Il raconte également qu'il avait donné le nom de l'écrivain sous la torture et que ce dernier s'était déjà réfugié chez des amis. Cette disparition va donner lieu à l'«Affaire Mammeri» médiatisée et rendue publique par les membres du Comité national des écrivains qui saisit les membres du gouvernement français et demande des explications sur le sort de l'auteur de «La colline oubliée». Dans une autre interview accordée par Tassadit Yacine à Hafid Adnani en 2017, l'anthropologue rend hommage au fondateur de la revue «Awal» et révèle avec sincérité les contours de son message immanquablement traversé par les thèmes de «la réappropriation et de la domination». Ecrivain, anthropologue et linguiste, Mouloud Mammeri (1917- 1989), a laissé un legs considérable dédié à la réhabilitation et la promotion de la culture et la langue amazighes. Il est l'auteur de «La colline oubliée» (1952), «Le sommeil du juste» (1955), «L'opium et le bâton» (1965) et de «La traversée» (1982) en plus de nombreux recueils de nouvelles et ouvrage de traduction et de critique littéraire. Il a également mené de nombreux travaux de recherche et dirigé le Centre de recherches anthropologiques, préhistoriques et ethnographiques. Né en 1949, Tassadit Yacine est anthropologue et spécialiste du «monde berbère», elle est aujourd'hui directrice des études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales et membre du laboratoire d'anthropologie sociale du collège de France. Elle a longtemps travaillé avec Mouloud Mammeri sur la revue «Awal» en plus d'avoir de nombreuses publications à son actif dont «Poésie berbère et identité» (1987), «Aït Manguellat chante…» (1989), «Cherif Kheddam ou l'amour de l'art» (1995), «Jean Amrouche l'éternel exilé» (2003) ou encore «Pierre Bourdieu, esquisses algériennes» (2008). Hafid Adnani qui a recueilli et présenté les textes de cet ouvrage est agrégé en mathématique, cadre de l'éducation en France et membre de l'Association «Tamusni» pour la promotion de la culture berbère et le dialogue avec les autres langues et cultures.