L'avant-projet de la loi de Finances complémentaire de 2021 n'a pas été tendre avec l'industrie du tabac en Algérie. Ainsi et dès la promulgation de cette loi dans le Journal officiel, la taxe additionnelle pour la production des produits de tabac augmentera de 10 dinars, pour atteindre les 320 DA pour un paquet de cigarettes au lieu des 220 DA actuels. Ce même projet a également instauré une nouvelle taxe complémentaire de 10% sur les bénéfices des sociétés de tabac. Avec cette décision, l'IBS passera de 19% à 29% pour les sociétés de tabac. Mais qu'est ce qui a dicté ces nouvelles mesures fiscales imposées aux intervenants dans l'activité tabac dans notre pays ? Principale cause, le tabac coûte cher en termes de devises. En 2020 et malgré la pandémie du Covid-19, la facture des importations du tabac a été de 370 millions de dollars. Pourtant, le tabac n'est pas un produit de première nécessité, bien au contraire, il est nocif pour la santé. En plus de cette lourde facture de l'importation du tabac, il faudrait rajouter celle liée à la prise en charge des maladies liées à la consommation du tabac à l'exemple du cancer du poumon et les maladies cardio- vasculaire. Les mesures prises par le Gouvernement pour préserver les réserves de changes en adoptant une stratégie visant la réduction du montant global des importations de biens ne semble pas avoir touché le tabac. Les 370 millions de dollars d'importation du tabac sont lourds à supporter par les finances publiques. Pourtant, en 2004, les importations de tabac du pays avoisinaient les 30 millions de dollars seulement. En 2002 la STAEM, la société des tabacs algéro-émiratie est créée. Elle est détenue à 51% par un consortium émirati et à 49% par la SNTA. En 2005, la STAEM entre en activité en important des cigarettes de marques internationales à partir de la Suisse. La facture des importations de tabacs va ainsi passer de 30 millions de dollars en 2004 à 48 millions de dollars en 2005. En 2013, le consortium émirati cède la moitié de ses parts à l'américain Philipe Moris, tandis que BAT, la British American Tobacco, s'implante elle aussi en Algérie. L'ensemble de ces intervenants vont combiner l'activité production et importation. D'où l'explosion de la facture des importations de tabac qui atteindront les 370 millions de dollars en 2020. L'ouverture du marché national du tabac aux grandes compagnies mondiales n'a pas été conditionnée par l'encouragement de la production nationale de tabac. Juste après l'indépendance du pays, la production de tabac en Algérie dépassait les 20.000 tonnes annuellement. Cette production n'atteint plus les 7.000 tonnes actuellement. Au mois de mai de 2019, en plein Hirak, 300 agriculteurs planteurs de tabacs, ce sont regroupés devant le siège de la Snta d'El-Khroub, pour protester contre le refus de cette dernière de prendre leur production de tabac depuis deux ans. Ces agriculteurs venaient de plusieurs wilayas de l'Est du pays. Il est clair que les sociétés de tabac, y compris la SNTA, se sont orientées vers l'importation au détriment des producteurs locaux. Pourtant, dans le Nord du pays, la culture du tabac n'a pas besoin d'irrigation et assurait des revenus assez encourageants aux agriculteurs. Les mesures prises par le Gouvernement en taxant sévèrement les producteurs et les importateurs de tabac sont jugés courageuses face au puissant lobby du tabac en Algérie. Les grandes campagnes anti-tabac menées au début des années 90 aux Etats-Unis, et ensuite en Europe, ont obligé les grands producteurs mondiaux de tabac de se redéployer dans les pays en voie de développement, en Afrique, en Asie et en Amérique latine. L'Algérie a été une cible de ces producteurs étrangers pour investir et réaliser des profits dans le tabac. Le temps est venu pour le Gouvernement d'asseoir son contrôle sur cette activité qui épuise les réserves de change et touche à la santé des citoyens.