Une vague rose s'apprête à submerger les écrans du monde entier : ce mercredi 19 juillet, en France, Indonésie ou Corée du Sud, demain au Danemark, Australie ou Israël, vendredi aux Etats-Unis ou en Inde : c'est « Barbie », l'un des blockbusters les plus attendus de l'année. Ce film à gros budget est coproduit par Mattel, le fabricant de la poupée sexagénaire. Mais le blockbuster est surtout signé d'une des meilleures représentantes du cinéma d'auteur américain, Greta Gerwig. Barbie vit dans un monde merveilleux où d'autres Barbies sont prix Nobel de physique, présidente ou membre de la Cour suprême. Mais un matin, tout change. Pour redevenir la poupée blonde stéréotypée flanquée de Ken, son compagnon faire-valoir, Barbie doit se rendre dans le monde réel. La réalisatrice américaine Greta Gerwig part d'un paradoxe : en imaginant des poupées astronaute ou mécanicienne avant que ce ne soit le cas dans la réalité, Barbie a pu anticiper l'émancipation féminine. Mais dans le même temps n'a-t-elle pas aussi contribué à enfermer les femmes dans un idéal de beauté irréaliste et aliénant ? Servi par des interprètes déchainés, à commencer par Margot Robbie et Ryan Gosling, irrésistible dans le rôle de Ken découvrant le patriarcat, le film séduira aussi bien les amateurs de grand spectacle que les cinéphiles, les enfants que leurs parents… Rythmé, hilarant et inventif, ce Barbie signé Greta Gerwig réussit un tour de force : être un véritable film d'auteur féministe sous des atours de blockbuster servant la stratégie marketing d'un géant du jouet. Les enjeux économiques derrière le film « Barbie » En coulisses, la sortie du film affole l'industrie du cinéma et du divertissement. En jeu, plus de 100 millions de dollars de budget, une gigantesque campagne de promotion tous azimuts, et une centaine de partenariats pour des produits dérivés… Le long-métrage se veut une critique des stéréotypes sexistes et des injonctions à une beauté formatée, d'après ses producteurs, dont l'actrice principale Margot Robbie qui est aussi coproductrice du film. Mais c'est également le résultat d'une vaste opération commerciale et d'un changement de stratégie du fabricant de Barbie, Mattel, qui a financé une partie du film. Difficile de faire la liste complète des produits dérivés lancés à l'occasion de la sortie du film : du vernis à ongles, des vêtements, des rollers, et même une console Xbox étiquetée Barbie. Pour Mattel, l'idée de faire de la célèbre poupée un film devient sérieuse en 2015. Les ventes de Barbie sont au plus bas depuis un quart de siècle. La poupée souffre d'une image de produit stéréotypé, qui perpétue le modèle d'une beauté ultra formatée et inatteignable. La marque lance alors des poupées aux formes plus rondes, pour relancer ses ventes. Et elle amorce un changement majeur de son modèle économique : plus que fabricant de jouets, Mattel décide de devenir avant tout une franchise. En produisant des films dont ses jouets sont les personnages principaux. Pour mieux vendre ensuite des produits dérivés. Résultat : Mattel a 14 films en préparation en ce moment, des jeux vidéo ou encore un parc d'attractions. La marque a aussi donné son aval à une reprise du tube Barbie Girl pour la bande originale du film Barbie, alors qu'à la sortie de la chanson, en 1997, elle avait poursuivi le groupe Aqua en justice. À l'époque, Mattel invoquait une violation du droit des marques déposées, mais aussi la sexualisation de sa poupée vedette.