La nomination d'un nouveau ministre de la Communication, à la veille de cette rentrée sociale, quelques mois après le limogeage du précédent, était très attendue par la corporation et est, somme toute, la bienvenue. Le nouveau ministre n'est pas un inconnu, puisqu'il est passé par la présidence en tant que chargé de mission dès 2020. Il a eu suffisamment de temps pour mûrir sa perception du secteur, de ses besoins, de ses problèmes et, surtout, de ce qu'il peut apporter, à travers ses missions, à la collectivité nationale. Né en 1966, Mohamed Laagab était, jusqu'à sa nomination, professeur agrégé à la Faculté des sciences de l'information et de la communication de l'Université d'Alger 3, et membre, au titre du tiers présidentiel, du Conseil de la nation. L'homme a un parcours de journaliste au sein de nombreux quotidiens et son double statut d'universitaire et d'homme des médias lui a valu d'être écrivain, auteur de plusieurs ouvrages, et analyste politique. C'est armé de ce bagage intellectuel et professionnel que l'homme arrive à la tête d'un secteur qui a besoin d'être revitalisé pour jouer pleinement le rôle essentiel qu'il est à même d'assumer, à savoir l'accompagnement des Algériens, au quotidien, dans la construction d'un récit national, au présent, dans un contexte, où plus que jamais, l'Algérie, en devenir, marche vers le progrès social et l'émergence économique, et a besoin de maintenir et de consolider sa cohésion sociale. Les élans patriotiques d'une presse toujours engagée S'il est un postulat de base à partir duquel il est nécessaire de construire un raisonnement qui plaide pour un meilleur et un plus grand investissement dans la presse et les médias nationaux, c'est bien celui qui consiste à affirmer, sans ambages, que dans toute l'histoire de notre pays, et notamment depuis l'avènement du pluralisme médiatique, la corporation a démontré un engagement éminemment patriotique qui lui confère une légitimité irréfragable. Le sang versé par des patriotes de la plume, de la voix et de l'image s'est définitivement mêlé au sang des martyrs de la nation et du devoir national. C'est aujourd'hui, cette presse, ce sont ces médias qu'il convient de revitaliser pour qu'ils continuent, avec la même ferveur, à participer, avec les politiques, ou du moins c'est leur rôle premier, à la construction de la cohésion sociale en veillant, constamment, à incarner la diversité et la pluralité qui s'expriment au sein de la société, et à porter les grandes aspirations de la nation et les rêves de la jeunesse. Il s'agit d'une complémentarité dans la concrétisation d'un noble objectif que le politique met en œuvre à travers un discours, une politique et des programmes, et que la presse et les médias accompagnent, commentent et, au besoin, critiquent. Dans cette interaction dynamique, un dialogue se créé entre le politique et les différentes opinions qui s'expriment au sein de la nation, par presse et médias interposés qui veillent, dans le cadre d'un échange constant, au maintien de ce dialogue à travers une traduction objective et juste de la réalité des actes et de la réalité des discours, à l'épreuve de la réalité du terrain qui a toujours, in fine, le dernier mot. Loin de vouloir réduire le travail de la presse et des médias à cette fonction politique, l'éminence de cette dernière et la noblesse de ses effets et de ses objectifs, ne nous font pas perdre de vue les autres fonctions culturelles, sociales et de divertissement qui contribuent, aussi, dans le ferment idéologique commun, à la cohésion nationale. Plus important est aujourd'hui le rôle de la presse et des médias, comme l'a reconnu, lors d'une célébration nationale, le général-major, Saïd Chanegriha, qui a explicitement dit que l'action sécuritaire n'est pas suffisante pour endiguer les risques et les menaces de l'intérieur et de l'extérieur, sans le concours d'une presse et de médias actifs en mesure de prendre en charge la lutte contre la désinformation, la subversion par les réseaux sociaux et autres fléaux qui ciblent la jeunesse et les populations vulnérables dans notre pays. Le rôle d'éveil et de veille de la presse est ainsi reconnu et bien mesuré, dans un contexte de menaces grandissantes et d'hostilités multiformes déclarées et non déclarées. Un traitement toxique par l'économie Il faut accepter l'idée que la presse est une aventure intellectuelle et journalistique qui n'a rien à faire avec le monde économique, même si des puissances de l'argent en Occident et ailleurs, ont tenté d'en faire des empires médiatiques à coups de milliards de dollars. Ces entités ont fini par faire faillite et leur renflouement inconditionnel n'a rien prouvé d'autre que la prévalence de leur fonction politique sur leur fonction économique. Comment, dès lors, dans le contexte algérien, connecter aux contraintes commerciales, fiscales et parafiscales une presse qui ne dispose d'aucun modèle économique pour assurer sa survie, sinon un mécanisme d'attribution de la publicité institutionnelle conditionné par le respect de quelques règles ? Un mécanisme qui brasse un montant (1.000 mds de de centimes) qui est très loin de suffire à garantir un équilibre financier vivable aux différents acteurs de l'édition, des engagements fiscaux et parafiscaux viabilisants, ainsi que des salaires et des charges diverses incontournables. Aujourd'hui, cette manne à laquelle il faut reconnaître un caractère salvateur, ne peut pas faire perdre de vue que la corporation, présentement, ne bénéficie d'aucune aide, et croule sous un endettement multiforme qui la voue à une précarité certaine, minant par là même cette vitalité que requiert son rôle politique. La presse est, disons-le, plus soucieuse de sa morbidité avancée, qu'elle n'est capable d'assumer un quelconque rôle socio-politique. Pour réhabiliter ce rôle que tous les patriotes appellent de leurs vœux, il convient de soustraire la presse aux contraintes économiques, car jamais journal ne s'est enrichi en vendant des journaux et jamais journal n'a réussi à survivre sans aide et sans sponsors publicitaires. Il faut le dire, enfin, la presse algérienne est l'une des rares presses dans le monde qui ne bénéficient pas d'un mécanisme d'aide directe et qui est regardée, par les acteurs fiscaux et parafiscaux, comme une entité commerciale. Une situation complexe rarement formulée Ce qui a davantage compliqué la situation de la corporation, c'est que celle-ci n'a jamais su tirer profit des moments de grande écoute de la part des plus hautes autorités du pays. A chaque fois, qu'elle est invitée à s'exprimer sur ses problèmes et ses besoins auprès de qui de droit, des individualités s'en détachent et formulent leurs besoins et leurs problèmes propres aux dépens d'une formulation saine et objective des véritables solutions à même de permettre d'offrir un meilleur avenir à la presse au service du pays et une vie professionnelle et sociale plus digne aux journalistes. Voilà, résumée, la situation globale de la presse à laquelle le nouveau ministre, M. Mohamed Laagab sera confronté.