Les informations qui filtrent ici et l� font �tat du lancement de la r�flexion autour de la refonte ou de l��ouverture� du paysage m�diatique national en association avec les professionnels du secteur qui auraient �t� invit�s � formuler leurs propositions. Ce d�bat, qui devrait aboutir � la reformulation de la loi sur l�information et � une nouvelle organisation des activit�s m�diatiques, s�inscrit dans la dynamique des r�formes politiques annonc�es par le pouvoir. Il reste � esp�rer que la �volont� politique affich�e� aille au fond des questionnements et des attentes de la profession, des acteurs politiques, de la soci�t� civile et des citoyens de fa�on g�n�rale. De quelques �l�ments doctrinaux de refondation du paysage m�diatique national Il n��chappe � personne, aujourd�hui, que le prodigieux d�veloppement que connaissent les moyens de communication pose des interrogations nouvelles aux Etats quelle que soit la nature de leur syst�me politique. Ces interrogations concernent tant la conception doctrinale qui sous- tend la production informative et communicationnelle que les formes d�organisation et de gestion de l�entreprise de presse. Par ailleurs, on assiste pr�sentement � l��chelle mondiale � une transformation radicale des conditions politiques, techniques, technologiques et financi�res � partir desquelles se r�alise la communication sous toutes ses formes � �crite, parl�e et film�e. Cette �volution s�est cristallis�e autour des inter-relations complexes entre la forme et le contenu du produit informatif. Ce processus a eu pour cons�quence le passage brutal d�un mode de fabrication traditionnel de l�information � un mode de production industriel � forte intensit� capitalistique. De ce fait, l�organisation, le fonctionnement, les m�canismes de management de l�entreprise de presse ont-il �t� adapt�s en fonction des objectifs politiques et de l�imp�ratif �conomique qui pr�side � toute industrie naissante. Dans ce contexte, tous les Etats interviennent de plus en plus activement dans le financement des activit�s informatives sous forme d�aides directes ou indirectes, par des soutiens multiformes. Il s�agit pour ces derniers de garantir la libert� de la presse, en renfor�ant les conditions de son fonctionnement pluraliste, comme r�ponse aux exigences de leurs opinions publiques respectives. En Alg�rie, d�un point de vue r�trospectif, le mode de gestion de l�information et de la communication a �t� caract�ris� par de grands moments. Un moment, o� l�information et la communication ont �t� �fortement centralis�es�. P�riode marqu�e par le fonctionnement monolithique des institutions � le pouvoir se pr�valant de la �l�gitimit� r�volutionnaire � distillait un message unidirectionnel, cens� exprimer la volont� du peuple, � l�endroit des �masses populaires �, cens�es, quant � elles, adh�rer naturellement � une politique qui pr�tendait faire leur bonheur. L�autre p�riode, � partir des ann�es 89/90, dite �d�mocratique�, marqu�e par le fonctionnement pluraliste des institutions cons�quemment � l�adoption de la Constitution de 1989. Le pouvoir, dans son fonctionnement, comme dans sa nature, sous-tendu par la structuration de ses int�r�ts objectifs et subjectifs, se pr�valait d�une d�marche d�association des citoyens, de la soci�t� civile ainsi que de la soci�t� politique, � la gestion des affaires de la cit�. Le message informatif et communicationnel �tait suppos� exprimer des consensus qui �maneraient de l�ensemble des acteurs politiques et sociaux. Ainsi, l�interaction des int�r�ts diff�renci�s qui animaient la soci�t� d�alors devait alimenter la dynamique de la gestion des moyens d�information et de communication nationaux. C��tait, entre autres faits marquants, le d�but de l�aventure intellectuelle de la presse �crite ind�pendante, que le pouvoir �liberticide�, dans son �opportunisme l�gendaire�, n�h�sitait pas � exhiber comme �alibi d�mocratique� � destination de la consommation ext�rieure. Le secteur audiovisuel, quant � lui, est demeur� otage du dirigisme �tatique et du monopole des partisans des �constantes nationales� avec tous les d�g�ts collat�raux en termes de r�gression politique et sociale que tout le monde conna�t. Au demeurant, et de fa�on plus large, toutes les conqu�tes d�mocratiques, n�es dans le sillage d�Octobre 88, ont �t� confisqu�es par les gouvernants. La belle aventure intellectuelle allait vite tourner au cauchemar, et la presse ind�pendante n�a jamais cess� de subir leurs foudres : censure, suspension, harc�lement judiciaire, emprisonnement de journalistes, chantage �conomique et financiers � travers notamment la manne publicitaire et le monopole des moyens d�impression. De la libert� de la presse et de la d�mocratie La libert� de la presse a de tous temps �t� li�e aux luttes des femmes et des hommes pour leur �mancipation et pour la d�mocratie. Sans remonter loin dans l�histoire et pour ne s�arr�ter qu�� la fin du XVIIe si�cle, la quasi-majorit� des Etats europ�ens, de m�me que les Etats-Unis d�Am�rique, avaient inscrit, dans leurs Constitutions respectives, �la libert� de la presse comme fondement de la libert� d�expression. Cette r�alit� historique a certainement �t� confort�e par les tristes �pisodes qu�a connus l�humanit� au d�but du XXe si�cle, marqu� par le fascisme, qui avait violemment r�prim� la libert� de la presse. En v�rit�, en d�pit des vicissitudes de l�histoire, la presse continue encore, � notre �poque, de s�imposer comme dynamique universelle de r�ponse aux besoins des peuples d�exprimer leurs id�es et leurs opinions ; le combat pour la d�mocratie n�a jamais cess�. Aussi, l�histoire contemporaine nous enseigne �galement qu�apr�s la Seconde Guerre mondiale (39-45), les r�gimes coloniaux, dont la France pour ce qui concerne notre pays, ont toujours s�vi en r�primant l�aspiration des peuples � la libert� et � l�ind�pendance � travers les atteintes � la libert� de la presse. �Une v�ritable libert� de la presse n�existait pas dans les vastes recoins d�Asie et d�Afrique, continents r�duits au statut colonial� Les quelques journaux paraissant dans les pays assujettis �taient aux mains et aux ordres d�Europ�ens, ils r�pondaient aux besoins d�information qui exprimaient les id�es de la communaut� au pouvoir. Progressivement, des journaux appartenant � des Asiatiques et � des Africains sont apparus et ont jou� un r�le dans la lutte pour la conqu�te des droits d�mocratiques et la lib�ration nationale. Ils ont �t� soumis � toute sorte de mesures r�pressives et souvent saisis ou interdits lors des p�riodes d�agitations. � Du statut de l�information en g�n�ral et de l�entreprise de presse en particulier Le statut de l�information a de tout temps exprim� le rapport des forces politiques dans chaque soci�t�. Au demeurant, sous la pression des exigences historiques, l�information � �crite, parl�e et film�e � s�est diff�renci�e progressivement comme activit� sociale sp�cifique avec son propre objet, ses propres r�gles et sa m�thode. Ainsi, du droit � la libert� d�expression et de la libert� de presse, proclam� en 1789 par la D�claration des droits de l�homme dans son article 11 : �La libre communication de ses pens�es et ses opinions est un des droits les plus pr�cieux pour l�homme, tout citoyen peut donc parler, �crire, imprimer librement� ; on est pass� au droit de l�information que des organisations internationales telles que l�Unesco avaient fait leur �credo�. D�s lors, la lutte des id�es aidant, le l�gislateur, la soci�t� civile, la soci�t� politique allaient s�int�resser aux formes d�organisation et au mode de fonctionnement du syst�me d�information en g�n�ral et au statut des m�dias en particulier. Il s�agissait en fait de l��mergence de pr�occupations nouvelles relatives � la nature de �l�entreprise de presse� et des statuts qui la r�gissent. Per�us sous cet angle, les statuts de l�entreprise de presse ont �tant�t exprim� de fa�on concentr�e des consensus autour des formes d�organisation, de gestion et de fonctionnement de cette derni�re, tant�t refl�t� la domination sectaire et exclusive d�int�r�ts cat�goriels pr�cis de groupes sociaux dirigeants, et la diffusion de conceptions id�ologiques, politiques et �conomiques qu�ils v�hiculent�. Ces r�gles, puis�es de l�enseignement pratique du fonctionnement des m�dias � travers de multiples exp�riences universelles, en fonction du syst�me sociopolitique de chaque pays, permet de formuler des remarques particuli�res s�agissant des pays en d�veloppement. Apr�s la Seconde Guerre mondiale, et sous la pression de l�acc�l�ration du mouvement de lib�ration nationale, les Etats nouvellement ind�pendants, centralis�s et monolithiques ont de fait dirig� et orient� l�information � d�o� les missions d�orientation et de contr�le que s�attribuaient les centres de pouvoir charg�s de l�information en Alg�rie par exemple, pour ne citer que notre pays. Dans leur croyance de repr�senter �l�gitimement � les int�r�ts de tout leur peuple, ces Etats ont attribu� � l�information (m�dias, syst�me et id�ologie) une fonction de d�veloppement �conomique, social et culturel dans la plupart des cas, au d�triment des libert�s individuelles et collectives (exemple : les diff�rents textes du FLN relatifs au r�le et aux missions de l�information). �L�information, int�gr�e dans une organisation planifi�e et dirig�e par les partis uniques, qui, m�me sans se r�f�rer au marxisme-l�ninisme, nient les libert�s individuelles dans l�espoir que les proc�dures associ�es construiront d�abord un ordre social nouveau pour lib�rer l�homme de la faim, sinon de la peur.� Si une telle approche pouvait objectivement se justifier � l��poque, compte tenu du contexte national et international qui r�gissait les rapports de forces plan�taires et de l�aspiration l�gitime � la libert� par les peuples qui s�affranchissaient du joug colonial, � l�instar des Alg�riens, il serait malais� et historiquement malhonn�te intellectuellement de reprocher � nos dirigeants, dont beaucoup appartiennent � la g�n�ration de Novembre 54, d�avoir �pous� cette voie dans de telles conditions historiques ; en revanche, aujourd�hui, il s�agit, pour ceux qui sont encore aux commandes, de leur interpellation par l�ensemble de la soci�t� quant � leur capacit� d�op�rer leur mue, en s�adaptant aux exigences de la d�mocratie, aux risques que ces revendications ne s�imposent � eux d�elles-m�mes et en dehors d�eux. Il appara�t, � l��vidence, qu�il s�agit d�une probl�matique fondamentalement politique qui doit pr�sider et �tre au c�ur de toute refonte du cadre juridique et r�glementaire du syst�me m�diatique national et non d�un �juridisme �dulcor� � de son sens philosophique, et, serions-nous tent�s de dire, �humaniste �, pour �ruser� avec la v�rit� pressante des attentes citoyennes d�aujourd�hui. De l�interventionnisme du pouvoir et de la domination des forces de l�argent Pour �tre libre, l�information de fa�on g�n�rale et l�entreprise de presse de fa�on particuli�re doivent �tre mises � l�abri de deux risques majeurs : l�interventionnisme du pouvoir et la mainmise des forces de l�argent. A ce propos, la conception de la presse en Europe vers la fin du XIXe si�cle liait la libert� de la presse � la libert� d�entreprendre, donc � la libert� d�entreprise, en mettant l�accent sur les imp�ratifs �conomiques, financiers et commerciaux. Une telle approche, sous-tendue par une conception lib�rale de l��conomie, favoris�e par l��volution rapide du progr�s technique et scientifique ainsi que l��mergence de barri�res technologiques n�cessitant des besoins de financement de plus en plus accrus a permis aux forces de l�argent (les capitaux) d�occuper le monde des m�dias dans le but d�en faire un march�. En Occident, de nombreux exemples sont l�gion. L��volution du monde de la communication, celle des technologies qui le supportent au d�but de ce troisi�me mill�naire confirment cette tendance structurelle lourde, qui se dessinait d�j� � la fin du si�cle dernier, comme instruments de d�fense et de fructification de leurs int�r�ts exclusifs. �L�entreprise capitaliste est celle qui est dirig�e par les d�tenteurs de capitaux, il s�est produit une merveilleuse conciliation entre le capitalisme st la d�mocratie.� Cette entr�e par effraction du capital dans la production et la reproduction de �l�id�ologie� par m�dias interpos�s a soulev� des protestations jusqu�y compris dans les milieux lib�raux eux-m�mes. Ces derniers ont exig� la transparence dans la gestion des m�dias � travers des statuts appropri�s. Le but �tait d�identifier les d�tenteurs de capitaux au sein de l�entreprise de presse. �Il serait souhaitable que le public sache � qui appartient la presse, qu�elle est son organisation financi�re et quelles sont ses recettes ?� Bien �videmment, une telle question, en Alg�rie, en dehors d�une poign�e de journalistes, connus pour �tres issus du secteur public et qui ont pris le risque de tenter �l�exp�rience intellectuelle� moyennant la modique somme de trois ans de salaire, de nouvelles entreprises de presse �crites ont fait leur apparition sur la sc�ne m�diatique nationale, sans que les citoyens sachent d�o� proviennent leurs moyens et quels sont les objectifs qu�ils visent, m�me si l�on convient que tout espace d�expression est le bienvenu, pour peu qu�il respecte la Constitution et les lois de la R�publique. Quant aux pionniers de la presse �crite ind�pendante, dont de nombreuses voix s��l�vent � leur encontre par la jeune g�n�ration de journalistes qu�ils emploient, ils sont tenus, par leur obligation morale et politique du dur combat qu�ils ont men� pour leur droit de s�exprimer librement et de d�fendre leur dignit�, de former ces jeunes et de leur attribuer la r�mun�ration que chacun d�entre eux m�rite. C�est ce que notre pays compte de plus cher aujourd�hui. De la peur de l�ouverture du secteur audiovisuel � l�investissement priv� En dehors des contraintes techniques, relatives notamment au potentiel des ressources rares en fr�quences d�ondes longues et d�ondes courtes, que l�Etat alg�rien a su brillamment d�fendre dans le cadre des diff�rentes sessions de L�UIT (Union internationale des t�l�communications), les appr�hensions du pouvoir ne peuvent s�expliquer que par la peur de l�expression libre, sachant pertinemment l�impact redoutable de la combinaison du son et de l�image sur les consciences collectives. Mais alors, doit-on faire fi des cha�nes satellitaires qui arrosent en permanence notre pays ? La politique de l�autruche n�a jamais pay�. Les radios et t�l�visions �trang�res donnent en temps r�el tous les �v�nements qui se d�roulent chez nous, qu�ils soient de nature politique ou autre, avant notre �fameuse cha�ne orpheline et unique�. Si les appr�hensions, qui, au demeurant, peuvent se comprendre, notamment apr�s la d�cennie noire que notre pays a v�cue, de m�me que la survivance dans le corps social alg�rien d�atavismes claniques et tribaux, aggrav�s par les luttes du s�rail et des actions insidieuses de l�int�grisme religieux, et que l�Etat central, dans sa volont� de se muer en Etat nation, veuille garder la �main-mise sur ce secteur�, il n�est pas, pour autant, admissible que cet �ent�tement � m�ne � l�impasse politique par une d�cr�dibilisation syst�matique de ce que notre pays, en comparaison � d�autres, r�alise de meilleur et, surtout, par un m�pris grave vis-�-vis de la capacit� de son peuple � comprendre et discerner la part des choses. En v�rit�, rien n�emp�che de commencer rapidement par permettre la cr�ation de cha�nes de t�l�vision et de radio priv�es sur la base d�un cahier des charges qui d�limite clairement le respect des lois de la R�publique et de la Constitution. De notre survie en tant qu�Etatnation, culture, histoire et en tant qu�entit� unie et ind�pendante Les enjeux strat�giques qui sous- tendent, de nos jours, la mondialisation ainsi que le nouveau rapport de forces qui ne manquera pas de pr�figurer le paysage m�diatique universel � l�or�e du troisi�me mill�naire doivent inciter nos gouvernants � rechercher les meilleures formes de riposte aux tentatives de fragilisation de notre souverainet� nationale. Cela signifie qu�il faut, et dans leur int�r�t objectif et celui du peuple, d�autant que les rues arabes sont en �bullition, de revoir et concevoir une strat�gie de communication qui r�ponde r�ellement aux attentes populaires. Autoriser une marche pacifique est d�j�, en soi, une action de communication que les �caciques� tenants des �constantes� n�ont, � l��vidence, la capacit� de comprendre. Quand on sait ce qui se passe au niveau de nos fronti�res Est, Ouest et Sud, l�unique moyen de d�fense nationale se r�sume en la consolidation du front int�rieur par notamment la lib�ration de l�expression de toutes les forces patriotiques attach�es aux principes fondateurs de la d�claration de Novembre 54 qui font explicitement r�f�rence � la nature r�publicaine de l�Etat au contenu lib�ral et social. A. H. * Ancien inspecteur g�n�ral, directeur de l�expansion de la presse �crite au minist�re de la Communication et de la Culture ........................ Bibliographie : � M�dias syst�me et soci�t� � Un seul monde, voix multiples, ouvrage collectif de la commission de l�Unesco. � Diverse documentation en relation avec le th�me trait�.