Dans la majorité des pays européens, à la déliquescence économique a succédé la décomposition politique. En effet, depuis quelques années, sur la crise économique systémique s'est greffée une instabilité politique critique. Le paysage politique européen est totalement ébranlé. L'alternance bipartite traditionnelle entre la gauche et la droite, en vigueur depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a volé en éclats. Désormais, la scène politique européenne est envahie par deux nouvelles formes de gouvernement : le populisme et le bonapartisme. Tous deux se voulant interclassistes, au-dessus des antagonismes de classes, mais de manière différente. Activant dans une Europe frappée par la crise économique et institutionnelle systémique, doublée de la décrédibilisation des formations politiques classiques, le populisme s'appuie sur une idéologie minimaliste, une doctrine simpliste et une mystique fanatique, sur fond de racisme décomplexé dans le cas du populisme de droite, et d'instrumentalisation des communautarismes ethnico-religieux et des identitarismes culturels et sexuels dans le cas du populisme de gauche. La lutte de mouvements dépourvue de conscience de classe mène à la crasse politique Dépourvu de vision politique claire, dénué de perspective de transformation sociale, le populisme de droite comme de gauche, émanation de regroupements de couches sociales hétérogènes en voie de déclassement et de paupérisation, se borne à fustiger le pouvoir, à dresser le peuple contre les élites politiques. Sociologiquement, dans son essence, le populisme est un mouvement interclassiste, agrégeant différentes classes sociales aux identités culturelles disparates : cols blancs, cols bleus, petits patrons sont conglomérés dans une identique entité, désignée sous le nom de « peuple » (cette abstraction métaphysique dont se gargarise souvent le gourou de la secte LFI, Mélenchon qui, soit dit en passant, défend par opportunisme le droit à l'autodétermination du peuple palestinien, mais refuse ce même droit au peuple sahraoui colonisé par le Maroc, autrement dit il soutient les colonialistes marocains), souvent cornaqué par un leader charismatique au programme politique asthmatique, c'est-à-dire qui manque de souffle révolutionnaire, à l'instar de Mélenchon qui prône certes la révolution mais par les urnes. Son activisme opportuniste (il est passé du trotskisme au populisme gauchiste en passant par le socialisme bourgeois à la Mitterrand, Jospin et Hollande) ne s'est jamais inscrit dans une perspective alternative au capitalisme, mais dans une perspective sans alternative au capitalisme, autrement dit la défense du capital national français. Globalement, dans le populisme de droite comme de gauche, les clivages sociaux déchirant la société et l'univers professionnel sont obscurcis, éclipsés, fondus dans l'intérêt général, paradoxalement correspondant à celui de la petite bourgeoisie intellectuelle, très active au sein des mouvements populistes. Le populisme contemporain, version LFI et RN, porté par des petits bourgeois aux programmes respectifs axés sur des questions essentiellement écologique et sociétales (LFI) et sécuritaires et contre – immigrationnistes (RN), méprise souverainement la classe ouvrière. De fait, le populisme de droite comme de gauche s'oppose à la lutte des classes. En effet, il ne remet pas en cause l'exploitation et le capitalisme. Il cantonne son activité politique (ou plutôt ses doléances qui lui servent de danse militante exécutée sur le bitume des artères urbaines) à l'unique revendication de l'amélioration de la démocratie. Comme s'il pouvait exister une démocratie au sein de la dictature capitaliste, comme la crise actuelle économique et sociale nous le prouve, avec la transition dictatoriale opérée partout en Europe, après une parenthèse démocratique consumériste éphémère de quelques décennies, concédée par le capital au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En général, le populisme vilipende les élites politiques, mais jamais il vitupère les barons de l'économie. Il concentre ses attaques contre les locataires du pouvoir, cette impuissante bourgeoisie bureaucratique parasitaire, installée dans les sphères de l'Etat, mais jamais les propriétaires du capital, ces détenteurs de la véritable puissance économique et financière. Le nec plus ultra de la « lutte anticapitaliste » du populisme gauchiste version Mélenchon se cantonne à réclamer la taxation des profits, mais jamais l'expulsion des patrons, encore moins l'abolition de la propriété privée des moyens de production, ni la destruction du capitalisme. Conséquence logique : le populisme de droite comme de gauche ne prône jamais la lutte dans le monde du travail, le combat au sein des entreprises, pourtant principaux lieux d'exploitation et d'oppression. D'extorsion de plus-value et de reproduction de l'aliénation. De là s'explique le reflux, sous l'influence de ces populismes politiquement polluants et militantement dissolvants, des luttes sociales au sein des entreprises, de moins en moins victimes de débrayages, d'occupation collective, encore moins de réorganisation de la production en vue de leur contrôle par l'ensemble des salariés librement associés, aux fins de leur imprimer des objectifs de fabrication sociaux, autrement dit fondés sur la satisfaction des besoins humains et non sur la valorisation du capital (la plus-value, le profit). De manière générale, depuis quelques années, en Europe, le conservatisme néolibéral (responsable du krach de 2007-2008) et le keynésianisme social-démocrate (incapable de financer son Etat-Providence) sont en déclin. Ces deux courants idéologiques capitalistes ont failli dans leurs promesses politiques d'éradication définitive de la misère et d'amélioration incessante de la situation économique. Les modèles économiques libéraux et socio-démocrates européens (occidentaux) ont démontré leur échec. Ils sont en pleine déconfiture. Corollairement, dans la plupart des pays européens (occidentaux), les partis classiques gouvernementaux ont perdu leur crédibilité. Et les cirques électoraux n'attirent plus la foule moutonnière pour assister aux spectacles des clowns politiques, ni aux numéros des prestidigitateurs démagogiques. Tous ces délitements traduisent la décomposition du système capitaliste occidental. ,En Europe, à l'époque actuelle les médias et les politologues, pour analyser l'échec du système politique bourgeois, incriminent le «populisme», ce nouvel avatar de la politique. Une large partie de ce bouleversement politique est attribuée au «populisme». En réalité, le populisme, sous quelque forme que ce soit, a toujours occupé la scène théâtrale politique. Mais, aussi longtemps que les vieux partis bourgeois établis pouvaient prétendre apporter de l'espoir, le populisme était confiné aux marges du jeu et enjeux politiques. De manière machiavélique, parfois, le populisme (brun ou rouge) était agité comme un épouvantail aux fins de mobilisations politiques au profit des partis institutionnels «démocratiques» pour pérenniser leur domination sur l'Etat. Malgré tout, crise économique et institutionnelle aidant, la configuration politique s'est métamorphosée. Aujourd'hui, pour la bourgeoisie, le populisme est maintenant synonyme de la montée des forces alternatives, menaçant le système qu'elle contrôlait. Ces forces populistes ne jouent plus le simple rôle d'épouvantail et d'agitateurs pestiférés. Elles sont devenues des formations agissantes auréolées de respectabilité et composées de notabilités. Des « partis républicains » de gouvernement. La preuve, les forces populistes s'affirment et s'affermissent partout en Europe, au point de conquérir le pouvoir dans plusieurs pays. Ces dernières années, favorisée par la stagnation économique, la percée des organisations populistes a pris plusieurs formes. A suivre… Khider Mesloub De nos jours, en Europe, le populisme se décline en deux tendances situées sur les deux extrêmes de l'échiquier politique de la droite et de la gauche. D'une part, le populisme de gauche (Podemos, Syriza, mouvement Occupy, le Labour Party de Corbyn, le «socialisme» de Sanders, La France insoumise, etc.), issu de l'éclatement des vieux partis de la gauche, de la déliquescence des partis staliniens et socialistes. D'autre part, le populisme de droite, récemment propulsé sur la scène politique à la faveur de la crise économique, de l'apparition de l'islamisme et du terrorisme en Europe, de l'exacerbation des crispations identitaires illustrées par l'expansion du communautarisme. Ce populisme d'extrême-droite surfe sur la peur et la xénophobie. Pour sa part, dans une forme de division de travail, le populisme «gauchiste» tente de canaliser le mécontentement grandissant des travailleurs par l'unique moyen pacifique du bulletin de vote, moyen électoral pourtant désavoué par une majorité croissante de «citoyens» désabusés à force d'être abusés. Le populisme de droite comme de gauche s'appuie sur un programme politique totalement inoffensif, ne remettant absolument pas en cause le capitalisme, ni les conceptions et menées impérialistes de son Etat. De manière générale, le populisme s'exprime à travers la lutte de mouvements hétérogènes au contenu politique dépourvu de conscience de classe. Ces mouvements sociaux et sociétaux, regroupant les classes populaires et les jeunes diplômés en situation de précarité mais souvent cornaqués par la petite bourgeoisie paupérisée enragée, contestent le néolibéralisme mais à travers un combat populiste du «peuple» contre les élites, du «peuple» contre le régime. Ainsi, ces luttes ne sont pas structurées autour d'un clivage de classe. Ces mouvements sociaux populistes opposent le «brave peuple démocratique» aux élites politiques corrompues et traîtresses (sic), à l'instar du parti populiste LFI qui prône une VIe République en guise de rénovation politique et réfection institutionnelle. Quoiqu'il s'attache à se différencier des organisations de gauche, ce parti a adopté une ligne gauchiste nationaliste influencée initialement par l'économiste Frédéric Lordon et le modèle chaviste. Par ailleurs, le parti de la France Insoumise s'appuie moins sur des dynamiques locales et des mouvements sociaux que sur le culte de la personnalité de son leader, Jean-Luc Mélenchon, illustration de la dimension autoritaire, voire bonapartiste de cette organisation nationaliste, réactionnaire. Réactionnaire car elle vit sur la nostalgie de l'époque flamboyante portée par l'Etat providence capitaliste qu'elle escompte ressusciter. Le populisme s'inscrit pleinement dans la défense des intérêts capitalistes et conceptions impérialistes Pour autant, contrairement à l'idée répandue par les médias mainstream et les politologues des plateaux télé, il ne faut pas déduire que le populisme remettrait en cause et affaiblirait la démocratie bourgeoise et l'Etat. Bien au contraire. En réalité, aujourd'hui, toutes les fractions de la bourgeoisie occidentale sont réactionnaires. Le populisme, comme expression politique, appartient à la bourgeoisie et s'inscrit pleinement dans la défense des intérêts capitalistes et conceptions et menées impérialistes. Les partis populistes sont des fractions bourgeoises, des parties de l'appareil capitaliste d'Etat totalitaire. Ce qu'ils répandent, c'est l'idéologie et le comportement bourgeois et petit-bourgeois décadent : l'ultranationalisme, le racisme, la xénophobie, l'autoritarisme, le conservatisme culturel et religieux. Ils catalysent les peurs, expriment la volonté de repli identitaire, le rejet démagogique des «élites». Cela étant, le populisme est un produit de la décomposition du capitalisme occidental. Le populisme trouble le jeu politique bipartite historique, avec pour conséquence une perte de contrôle croissante de l'appareil politique bourgeois classique sur le terrain électoral. Cela n'empêche pas la bourgeoisie d'exploiter autant que possible ce phénomène politique négatif pour la défense de ses intérêts, notamment en vue de le retourner contre les classes laborieuses par le renforcement de la mystification démocratique. Particulièrement par le rappel insistant de l'importance de «chaque vote», en accusant l'absentéisme électoral de «faire le lit de l'extrême-droite», des « extrêmes ». Pour ce faire, les partis traditionnels tentent eux-mêmes d'atténuer leur image impopulaire, en essayant de se présenter malgré tout comme plus «humanistes» et plus «démocratiques», comparé aux populistes. Fondamentalement, la faillite des régimes staliniens aura favorisé le reflux de la conscience de classe et du mouvement ouvrier. Elle aura permis à la bourgeoisie occidentale de renforcer le plus grand mensonge du XXe siècle, à savoir l'identification du stalinisme au communisme. Et d'alimenter ainsi une énorme campagne de matraquage idéologique pour proclamer la «faillite du marxisme» et la «mort du communisme», «la fin de l'Histoire». C'est ce qui a conduit à l'idée qu'il ne reste plus aucune alternative à opposer au capitalisme. Cela explique les énormes difficultés que rencontre la classe ouvrière actuellement : la perte de son identité de classe, la perte de confiance en ses propres forces, la perte du sens de son combat, sa désorientation politique. C'est dans ce contexte de recul du mouvement ouvrier européen (occidental) qu'il faut replacer la montée des populismes et des comportements antisociaux, des communautarismes culturels et cultuels, des phénomènes identitaires. L'effacement de la classe ouvrière de la scène politique, l'effritement de la culture ouvrière, le déclin de la «morale» ouvrière ont laissé les coudées franches à la bourgeoisie décadente et à son idéologie mortifère, incarnée, selon le pays européen, par le populisme de droite ou de gauche. Dans cette ère contemporaine caractérisée par l'absence de toute perspective politique progressiste ou émancipatrice, la défiance envers tout ce qui relève de «la politique» s'accroît. Phénomène favorisé par le discrédit des partis traditionnels de la bourgeoisie. D'où le succès des partis populistes, prônant comme instrument majeur de propagande un prétendu rejet des «élites» des classes politiques. Cela débouche sur un sentiment répandu de no future, d'idéologies de repli identitaire, de retour vers des modèles réactionnaires archaïques ou nihilistes. Notamment le populisme. L'Europe se désagrège sous l'action corrosive d'une civilisation déliquescente Toujours est-il que le succès du populisme en Europe ne s'explique pas par quelque volonté machiavélique de la classe dominante, aux prises certes à une crise économique insoluble, de favoriser délibérément l'émergence de formations populistes aux positions nihilistes et irréalistes, mais par la perte de contrôle de ses institutions politiques et de ses appareils idéologiques de conditionnement, bouleversés par l'invention d'internet et la démocratisation des réseaux sociaux. Mais, également, par la perte de confiance des « citoyens » dans la classe dirigeante traditionnelle du fait de son incapacité notoire à résoudre les problèmes économiques, sociaux et sécuritaires. En effet, depuis le début du XXIe siècle, les dirigeants politiques de droite comme de gauche ont démontré leur impuissance à endiguer la crise économique systémique, leur incompétence à enrayer le chômage endémique, leur inaptitude à juguler l'insécurité chronique, la paupérisation galopante, sans oublier l'immigration incontrôlée. Cette incapacité gouvernementale des classes dirigeantes européennes, corrélée à la discréditation des partis politiques classiques, a également favorisé l'émergence de crispations et de dissensions au sein même de ces partis. Ces dissensions ont provoqué, au cours de ces dernières années, de fréquentes scissions récurrentes, aboutissant à la création de multiples formations politiques dissidentes et, par voie de conséquence, à la déstabilisation du système politique, voire à son effondrement. L'échiquier politique européen est désormais dominé par des formations populistes sans enracinement militant historique et sans expérience et compétence gouvernementale significative. Qui dit populisme, dit anti-populisme. En Europe, le populisme est amplement instrumentalisé par la classe dominante. Comme au siècle dernier le stalinisme était mensongèrement assimilé au communisme par l'Occident à des fins d'embrigadement idéologique pour la défense de l'ordre capitaliste « démocratique », du camp atlantiste, de nos jours le populisme est, à dessein, amalgamé au fascisme, au totalitarisme, pour enrôler les populations derrière le char de l'Europe bourgeoise et otanienne. Les gouvernements tout comme les organisations politiques gauchistes et les centrales syndicales agitent fréquemment l'épouvantail du populisme, présenté comme le plus grand danger menaçant la démocratie, la société. Aujourd'hui, comme le notait un auteur anonyme à la fin du XIXe siècle, en Occident en général et l'Europe en particulier «Religion, mœurs, justice, tout décade. La société se désagrège sous l'action corrosive d'une civilisation déliquescente». De manière générale, le populisme est le produit de la décomposition du capitalisme. Il exprime l'incapacité des deux classes fondamentales et antagonistes, la bourgeoisie et le prolétariat, à mettre en avant leur propre perspective (guerre mondiale ou révolution). Engendrant une situation de «blocage momentané» et de «pourrissement sur pied de la société». En effet, dans cette actuelle phase de dégénérescence, la bourgeoisie n'est plus en mesure d'offrir un horizon politique capable de mobiliser et de susciter une adhésion massive de la population. Inversement, la classe ouvrière ne parvient pas à se reconnaître comme classe. Elle ne joue aucun rôle véritablement décisif et suffisamment conscient. C'est cela qui a conduit à un blocage en termes de perspective émancipatrice. Marx lui-même au tout début du Manifeste communiste envisageait cette éventualité de blocage social tirée de l'expérience historique de l'évolution des sociétés de classe quand il écrivait : «L'Histoire de toute société jusqu'à nos jours, c'est l'histoire de la lutte des classes. Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot : oppresseurs et opprimés se sont trouvés en constante opposition ; ils ont mené une lutte sans répit, tantôt déguisée, tantôt ouverte, qui, chaque fois, finissait soit par une transformation révolutionnaire de la société tout entière, soit par la ruine des diverses classes en lutte». Aujourd'hui, en particulier au sein du monde occidental en proie à une crise socio-économique et politique profonde, soit la classe révolutionnaire prolétarienne finira par s'imposer et ouvrira la voie vers le nouveau mode de production humain, fondé sur la satisfaction des besoins sociaux et non la valorisation de la valeur, soit, par incapacité ou défaite historique, la société capitaliste occidentale sombrera définitivement dans le chaos et la barbarie : ce serait alors la «ruine des diverses classes en lutte», provoquée des guerres civiles génocidaires.