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Du printemps occidental (mai 1968) au printemps dévoyé (mai 2008)
Publié dans La Nouvelle République le 09 - 12 - 2012

Les mouvements sociaux de mai 1968 en France, en Europe et en Amérique se sont soldés par une «trêve» sociale, résultat d'un pacte social signé entre les bureaucrates syndicaux affairistes et les Conseils des ministres des gouvernements occidentaux sous l'œil complice des organisations et partis politique de la gauche plurielle et travestie. Ce pacte social – cette quasi «trêve» – aura duré quarante ans.
L'épanouissement individuel – le droit au bonheur ! Poursuivons notre investigation des caractéristiques idéologiques de Mai 68. Madame Marion écrit : «Mai 68 exalte l'épanouissement de l'individu, son droit au bonheur, contre la rigidité des hiérarchies et des disciplines. Dans le monde entier, des mouvements contestataires analogues retentiront. Mai 68 entraîna d'importants changements culturels. De nouvelles valeurs (sic) dont la naissance d'une contre-culture, c'est-à-dire d'une révolution dans le domaine des rapports sociaux et de civilisation (sic). On assista à une brusque évolution des mœurs, une façon de penser le monde différemment : Mai 68 a accéléré la conquête par les femmes de leur égalité et a vu naître un questionnement sur l'éducation». Des années plus tard, surfant sur cette vague culturelle réactionnaire, Samuel Huntington, l'intellectuel fascisant, présentera la théorie raciste du «clash des civilisations» afin de promouvoir le devoir d'intervention militaire «humanitaire» contre les civilisations arabe, musulmane et chinoise, soi-disant attardées et sans droit au bonheur (!), en réalité pour le bénéfice des puissances impérialistes occidentales guerrières et en déclin. Voilà un bien triste vestige idéologique, héritage des courants opportunistes anarcho-syndicalistes de Mai 68, que l'on voit aujourd'hui resurgir au milieu des présents soulèvements populaires inorganisés. Hédonisme, égocentrisme, individualisme, narcissisme, féminisme petit-bourgeois – à la Hillary Clinton et à la Margaret Thatcher – seraient des acquis de cette révolte d'éphèbes encore glabres du «Printemps de l'Occident». Rappelons à Mme Marion et aux autres exégètes que de nouveaux rapports sociaux sont obligatoirement le construit de nouvelles forces productives et d'un nouveau mode de propriété des moyens de production. C'est l'existence sociale des hommes qui détermine leur conscience et non l'inverse (Marx). Quel nouveau mode de production sociale et quel nouveau mode de propriété des moyens de production furent initiés en Mai 68 ? Ne cherchez pas, il n'y en a pas. Nous verrons qu'il en fut de même en Mai 2008. En ce qui concerne la nouvelle façon de penser le monde et la contre-culture «civilisatrice» de Mai 68, cherchons-en les traces tangibles. Quelle contre-culture peut-on observer dans les galas de vedettes qui ne payent pas leurs impôts et se mettent à l'abri dans les paradis fiscaux, dans le mainstream médiatique flagornant la pensée unique, dans les festivals d'été bon enfant, dans la musique éclectique et décapante, dans la littérature crypto-féodale désolante, dans le cinéma hollywoodien violent et déliquescent, tout ceci chapeautant ce nouveau millénaire déprimant où famine et misère ravagent plusieurs pays d'Occident et d'Orient ? Croyez-vous que les ouvriers grecs menacés d'inanition bataillent pour accéder au nirvana du «bonheur» et de la contre-culture petite-bourgeoise ? En ce qui a trait à l'évolution des mœurs et du mode de penser, la mutation était déjà amorcée suite à l'extension du capitalisme marchand et industriel sur la planète toute entière après l'effondrement du camp socialiste (1956). Le travail émancipateur de la femme, le contrôle des naissances, l'abaissement de la mortalité infantile, l'allongement de la vie «utile» et l'alphabétisation des populations ont suivi partout l'industrialisation et les hausses de productivité dans les champs et les ateliers, ce qui explique l'évolution plutôt que la diffusion de la fumeuse «Révolution culturelle» de la petite bourgeoisie «virtuelle», rêveuse, indolente, «démocrate», électoraliste, futile, narcissique et libertaire de Mai 68. Il est vrai cependant qu'à cette époque les pays coloniaux étaient «libérés» et placés sous statut néocolonial soumis aux thuriféraires nationaux sous contrôle de quelques puissances impérialistes gérant le camp du capital, le camp impérialiste. Quand un serviteur sous-fifre ne fait plus l'affaire, un coup d'Etat, une élection truquée, une «Révolution colorée» vient à point nommé rappeler ce peuple à ses devoirs de soumission «tiers-mondistes». En Occident, l'élection «démocratique» permettra de changer la garde et les chiens de garde, c'est-à-dire de changer de faction capitaliste dominante (UMP-socialiste, libéral conservateur, Libéral péquiste, travailliste conservateur, démocrate républicain). Les casseurs de mai revendiquent l'équité et la justice (des riches) En Mai 68, en Europe occidentale et en France gaulliste, la jeunesse occupait les universités pour réclamer que le système scolaire joue adéquatement son rôle d'instrument de progrès individuel et d'ascension sociale personnelle égocentrique et qu'il offre l'égalité des chances à tous et chacun d'accéder aux emplois prestigieux et bien rémunérés des bureaux feutrés. De Nanterre et de la Sorbonne la jeunesse exigeait d'être appréciée, évaluée d'après ses capacités et non plus du fait d'être bien née. Elle représentait en cela toute la jeunesse des pays occidentaux et une fraction bourgeoise de la jeunesse des pays néocoloniaux. Les fils et les filles de la petite bourgeoisie ont chahuté l'oligarchie établie, prédateurs des sociétés occidentales sclérosées, et ont proposé de placer tout au sommet de l'échiquier les valeurs d'égalité et d'équité entre membres de la classe dominante comprenant la petite bourgeoisie florissante à laquelle eux-mêmes souhaitaient accéder. «Il faut partager les profits tirés de la plus-value ouvrière avec la petite et la moyenne bourgeoise !» Tel était le leitmotiv «révolutionnaire» de cette classe oubliée. En contrepartie, la petite bourgeoisie a promis de désarmer idéologiquement et politiquement la classe ouvrière enragée et trahie, ce qu'elle fit. Les accords de Grenelle (France) et le contrat social occidental Quelle était la composition de classe des contestataires et des casseurs qui ont tenté de se dégager une place dans l'échelle d'ascension sociale encombrée de la France des grandes Ecoles aristocratiques ? Mme Marion répond : «Des centaines de milliers d'intellectuels, de cadres, de médecins, d'étudiants, d'artistes et de chercheurs se sont lancés dans l'action et ont tenté de changer le monde et de réinventer la société». Pour réinventer une société il faut d'abord renverser celle qui est déjà en place, hégémonique et jalouse de ses privilèges de classes. Rien de tel ni en France, ni en Europe, ni au Canada, ni aux Etats-Unis. Quelqu'un pourra-t-il nous présenter cette société que les soixante-huitards auraient soi-disant inventée ? Rien ne ressemblait davantage à la société capitaliste d'avant-Mai 68 que celle observée après Mai 68 et jusqu'en Mai 2008. Le secteur tertiaire parasitaire hypertrophié, basée sur une frauduleuse pyramide de Pondi boursière spéculative poursuivant ses ravages de l'économie. Les crises de surproduction succèdent aux périodes de récession et la classe bourgeoise spoliant le surtravail des ouvriers. De fait, après des mois d'échauffourées larvées, en tournante dans différentes capitales européennes, le mouvement souleva Paris. Le grand capital international choisit de tout miser sur la «bataille de France» et d'y casser définitivement le mouvement continental. Le président français Charles de Gaulle était une pointure politique à la mesure de cette mission diabolique. Effectivement, le mouvement des casseurs revendicateurs fut brisé en France où les accords de Grenelle assurèrent le rehaussement du SMIC (salaire minimum) et un «enrichissement» relatif de l'aristocratie ouvrière française (on commencera alors à spéculer à propos de la «classe moyenne» florissante, aujourd'hui en cours de paupérisation). La bureaucratie syndicale, la gauche caviar et les révisionnistes cassoulets, en collusion avec le grand capital, venaient de signer une trêve et un pacte social qui devaient durer quarante ans, du moins en Occident. Aussitôt, toutes les capitales occidentales emboîtèrent le pas et accordèrent des conditions similaires à leurs étudiants, à leurs aristocraties syndicales et à leurs «bobos», chiens de garde du système capitaliste pseudo «réinventé» ! Les accords de Grenelle marquèrent la fin du mouvement des récalcitrants de Mai 68. La grande bourgeoisie d'affaire venait d'acheter la paix sociale sur le dos des peuples néocoloniaux qu'il fallait maintenant assujettir fermement afin qu'ils fournissent la plus-value requise pour cette mise en coupe réglée des sociétés occidentales aliénées. La course effrénée à la productivité-compétitivité venait de s'amorcer. La stratégie guerrière et mortifère des puissances occidentales et de sujétion des peuples des pays néo-colonisés allait régler cette affaire et entraîner dans ces pays exploités moult guerres «contrôlées» sous les yeux de cette pseudo-gauche veule, repue et collaboratrice, se questionnant benoîtement, religieusement à l'effet de soutenir ou non ces guerres de massacre «humanitaire, collatéraux et chirurgicaux». Un aspect intéressant de la révolte étudiante de Mai 68 effraie cependant Mme Marion, l'intellectuelle universitaire, qui proteste vertement : «Mai 68 a malheureusement vu naître des groupuscules armés anarcho-communistes qui pensaient que la libération du peuple devait passer par la violence». La Gauche prolétarienne fut un acteur éphémère de ce courant militant. Diverses organisations opportunistes similaires se sabordèrent au début des années 1980 sur ordre de leur gourou de tutelle. Voilà enfin la réponse à notre interrogation initiale... «Pourquoi autant de néo-fascistes, de révisionnistes, d'opportunistes, de chauvins nationalistes issus des rangs du mouvement étudiant de Mai 68 s'épandent à tout vent comme du chiendent ?» (Suite et fin)

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