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La psychiatrie, l'écriture et la Révolution
« The Rebel's Clinic, The Revolutionary Lives of Frantz Fanon », de Adam Shatz :
Publié dans La Nouvelle République le 20 - 07 - 2024

Le livre de Adam Shatz, « The Rebel's Clinic : The Revolutionary Lives of Frantz Fanon », publié chez Farrar, Straus et Giroux en 2024, que l'on peut traduire par « La Clinique du Rebelle : Les vies révolutionnaires de Frantz Fanon », est, comme le titre l'indique, le récit de la vie de Frantz Fanon, le Martiniquais qui a quitté son pays pour exercer son métier de psychiatre, d'abord en France, puis en Algérie, et qui s'est engagé corps et âme dans la lutte de libération nationale algérienne.
Il rejoint le journal El Moudjahid dont il devient membre du comité éditorial, aux côtés de Pierre Chaulet et de Redha Malek. Fanon évoquera la question du port du voile (haik) par les femmes algériennes, écrivant : « Tandis que le voile était porté par plusieurs femmes algériennes en raison de la tradition musulmane, qui exigeait la séparation des sexes, il était aussi porté « parce que l'occupant était décidé à dévoiler l'Algérie. [Le voile] était une protection contre la tentative de l'occupant de posséder les femmes [algériennes], de les rendre visibles au regard des Européens » (p. 224, n.t). Shatz dira, à ce propos : « Where the French saw a covered woman subordinated to Islamic patriarchy, Fanon saw a determined anti-colonial warrior, wearing her 'haik' much as he had worn his black skin...» (Là où les Français voyaient une femme voilée subordonnée à la patriarchie islamique, Fanon voyait une guerrière anti-colonialiste déterminée, portant son 'haik' de la même manière que lui portait sa peau..., p. 163,n.t). Shatz parle encore de l'écrivain « Algérien » Albert Camus et de sa position vis-à-vis de la justice et de sa « patrie ». Il rappelle les mots controversés que Camus a prononcés lors de la cérémonie de réception du Prix Nobel à Stockholm en 1957. Répondant à une question d'un étudiant algérien qui lui demandait quelle était sa position dans le conflit et sur la violence française en Algérie, Camus dira : « J'ai toujours dénoncé le terrorisme. Je dois aussi dénoncer un terrorisme qui est pratiqué aveuglément dans les rues d'Alger, qui, par exemple, pourrait, un jour, viser ma mère ou ma famille » (p.264, n.t). Ce qui fait surtout la controverse, c'est ce que Camus dira ensuite : « I believe in justice, but I shall defend my mother before justice » (Je crois en la justice, mais je devrai défendre ma mère avant la justice, p. 264, n.t). Ces propos montrent, on ne peut mieux, que Camus tolérait le terrorisme français contre les Algériens mais pas la violence utilisée par les combattants algériens contre les Européens d'Algérie.
FANON ET LE CONTINENT AFRICAIN
Dans la quatrième partie, portant le titre de « The African », Shatz parle des idées de Fanon sur la situation et les perspectives du continent africain. Il commence par souligner un fait dont beaucoup d'Algériens ne parlent pas—intentionnellement ou pas– : le racisme réciproque. Fanon écrit à ce propos : « Oui, malheureusement, il n'est pas méconnu chez les étudiants d'Afrique Noire qui fréquentent les écoles secondaires au nord du Sahara, de se voir poser par leurs camarades des questions telles que : y a-t-il des maisons là où ils vivent ? Savent-ils ce que c'est l'électricité ? ou encore, pratiquent-ils le cannibalisme dans leurs familles ? ». En même temps, « dans certains Etats d'Afrique Noire, des membres du Parlement, ou même des ministres des gouvernements, affirment solennellement que le danger n'est pas la réoccupation de leurs pays par les forces coloniales, mais une possible invasion par les 'vandales arabes' du Nord » (p. 282, n.t). Face à ce racisme mutuel, Fanon dira que « le seul moyen de dépasser cette division Noirs/Blancs, Arabes/Sub-Sahariens, était de constituer un front commun contre le colonialisme » (p.282, n.t). Fanon ajoute : « We have to prove that the continent is one ». (Nous devons prouver que le continent est unifié, p.282, n.t), ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, comme chacun le sait. En effet, regardant la situation dans laquelle se trouve le continent africain aujourd'hui, après plus de 60 ans « d'indépendance » et de « développement », qu'il n'est pas sorti de l'état de sous-développement dans lequel l'avait laissé les colonisateurs de tous bords à la veille des indépendances. Pour Fanon, « Le plus grand obstacle à l'indépendance de l'Afrique n'est pas tant le colonialisme et ses dérivés que l'absence d'idéologie et d'un projet politique collectif » (p.187, n.t). Il dit que l'un des obstacles majeurs est le manque de leadership de la part des élites africaines : « The new middle class or their renovated princes were conducting their political affairs much as they did their businesses, using prerequisites, threats, even dispoiling of their victims » (Le nouvelle classe moyenne ou leurs princes rénovés gèrent leurs affaires politiques comme ils gèrent leurs propres entreprises, usant de prérequis, de menaces, et même de la mise à l'écart de leurs victimes », p.187, n.t).
LE VISIONNAIRE DE LA PHASE POST-COLONIALE
Dans la cinquième partie, intitulée « The Prophet », Shatz parle de la vision de Fanon sur les questions concernant la guerre de libération, mais aussi le monde dans son ensemble. L'auteur évoque les similitudes mais aussi les divergences d'idées existant entre Fanon et les grands écrivains français (Camus, Beauvoir, Sartre, etc) , martiniquais (Césaire, Glissant, etc) et africains (Senghor, etc) sur ces sujets. L'autre sujet qui fait aussi l'objet de divergences est la violence. Par exemple, Fanon dira à ce propos : « Once the independence struggle breaks out, le colonized liberates himself in and through violence. It is through violence that the colonized finds the key...to decipher social reality » (Une fois la lutte de libération déclenchée, le colonisé se libère au sein et à travers la violence. C'est dans la violence que le colonisé trouve la clé...pour déchiffrer la réalité sociale, p.320, n.t). Il ajoute : « Les luttes armées unifient les peuples colonisés—[qui] étaient précédemment une masse indifférenciée de 'natifs', pris par le désespoir et le fatalisme—derrière un objectif commun : la libération nationale » (pp. 350-351, n.t). Seulement voilà : après les indépendances, les élites des pays nouvellement décolonisés ont un comportement souvent contraire à cet objectif. Dans le chapitre 3 de son livre « Les Damnés de la Terre », sous le titre de « Mésaventures de la conscience nationale », Fanon souligne la tendance des leaders post-coloniaux nationaux—ce qu'il appelle la 'bourgeoisie nationale post-coloniale'—à adopter le même comportement que celui des colonisateurs. Il écrit à ce propos : « Nous avons vu comment le colonisé rêve toujours de prendre la place du colonisateur. Non pas pour devenir un colonisateur, mais pour le remplacer » (p. 322, n.t). Il poursuit en disant : « Pour la bourgeoisie, la nationalisation signifie très précisément le transfert à des mains indigènes des privilèges hérités de la période coloniale » (p.331, n.t). Il fustige encore plus cette bourgeoisie en écrivant : « La bourgeoisie est vorace, constituée en castes, dominée par une mentalité de petit raquetteur, [qui n'est] pas tant une réplique de l'Europe que sa caricature » (p. 332, n.t). Fanon ne s'arrête pas là : « Lorsque la bourgeoisie nationale demande l'africanisation...son vrai motif n'est pas la poursuite d'un projet national authentique, mais plutôt de se servir en prenant une part des deniers publics, au nom de la justice » (p. 332, n.t). Parlant spécifiquement des leaders des partis uniques—qui sont une caractéristique de la période post-coloniale—Fanon écrit : « Le parti des leaders [est] une coquille vide dont le but primordial est de superviser le partage du gâteau de l'indépendance » (p.333, n.t). C'est là le sens que Shatz donne au mot « Prophète » qui est le titre de cette cinquième et dernière partie de son livre.
Dans cette partie, Shatz consacre un long passage à Fanon mourant. Il cite la lettre que Fanon a adressé à son ami Roger Taieb de Tunis où il écrit : « Ce qui me choque le plus, étant allongé sur ce lit et me sentant faiblir, ce n'est pas que je sois mourant, mais je meure à Washington d'une leucémie alors que j'aurai pu mourir dans le combat contre l'ennemi trois mois plus tôt » (p.334, n.t).
Fanon ajoute : « Nous ne sommes rien sur la Terre si nous ne sommes pas, d'abord et avant tout, des esclaves d'une cause, la cause du peuple, la cause de la justice, la cause de la liberté » (p.334, n.t). Shatz dira que le dernier vœu de Fanon, avant de mourir, était d'être enterré en Algérie, vœu qui sera réalisé puisque qu'il sera transféré de Bethesda (Maryland, USA) en Algérie, précisément au village de Ghardimaou où il sera enterré. Shatz cite l'hommage que Aimé Césaire, son compatriote, a rendu à Fanon une semaine après sa mort dans le journal Jeune Afrique. Dans cet article, Césaire dira, parlant de Fanon : « Sa révolte était éthique, son approche était celle de la générosité. Il n'a pas seulement rejoint une cause. Il a donné sa vie. Totalement. Sans réserve. Sans mesure. Avec une passion inqualifiée... » (pp.346-347, n.t). Césaire termine en disant : « Fanon était un paraclet [une sorte de Saint]. « C'est pourquoi, poursuit Césaire, « sa voix n'est pas morte. Au-delà de sa tombe, elle appelle toujours les gens [à revendiquer] la liberté. [Fanon] était un homme de dignité » (pp. 346-347, n.t).
CONCLUSION : FACE AU MONDE DIVISE ACTUEL, QUEL MONDE VOULONS-NOUS ?
Dans l'épilogue du livre, dont le titre est « Specters of Fanon » (Les fantômes de Fanon), Shatz parle des nombreux et différents rôles joués par Fanon au cours de sa courte vie. Il synthétisera tous ces rôles dans la phrase suivante : « Fanon est un 'fan' des parties, un psychiatre ascète, rebelle et consciencieux, un travailleur dur et ambitieux, un militant altruiste, un intellectuel courtois qui a romancé la paysannerie, un opposant à la France, qui croit énormément à ses traditions révolutionnaires jacobines, un nomade qui n'arrête pas de chercher un chez-soi » (p.429, n.t). Il dira que Fanon connaîtra une réputation dans le monde entier, notamment aux Etats-Unis où ses écrits sont enseignés dans presque toutes les universités. Il regrette cependant qu'on ne parle pas beaucoup de lui en Algérie où il est quasiment oublié en dépit de tout ce qui lui a donné et où aucun hommage ne lui a été rendu officiellement par les gouvernements algériens. Shatz parle aussi du monde d'aujourd'hui, caractérisé par l'injustice, la fracturation en Nord et Sud, l'inégalité, et la restriction des libertés. Il écrit que « Le Sud Global—l'ancien Tiers-Monde—serait dominé de plus en plus par un capitalisme autoritaire et un nationalisme avec une dose de piété religieuse » (p. 358, n.t). Il poursuit cette caractérisation du monde en disant : « We live in an era in which the neo-liberal economic model and democatric governance have fallen into crisis, but in which alternative horizons have also receded from view » (Nous vivons une ère où le modèle économique néo-libéral et la gouvernance démocratique ont donné lieu à des crises, et où des horizons alternatifs ont aussi disparu de la vue, p.388, n.t). Face à ce monde tombant en miettes, Fanon fait une recommandation : « If we want humanity to take one step forward, if we want to take it to another level than the one where Europe has placed it, then we must innovate, we must be pioneers » (Si nous voulons que l'humanité fasse un pas en avant, si nous voulons la hisser à un niveau plus élevé que celui où l'Europe l'a placée, alors nous devons innover, nous devons être des pionniers, p.387, n.t). C'est, dans une certaine mesure, ce qu'a essayé de faire Fanon pendant sa vie : innover dans son domaine professionnel (la psychiatrie) où il réformé certaines pratiques traditionnelles ; innover dans la manière de s'engager dans la lutte contre le colonialisme et le racisme (s'impliquer directement et pas être un spectateur) ; innover dans le monde de l'écriture en remettant en question les idées et théories reçues.
Cet article ne prétend pas avoir repris, de façon exhaustive, toutes les idées contenues dans le livre de Adam Shatz. C'est pourquoi je conseille vivement sa lecture pour une compréhension plus complète et plus précise de la vie et de la vision de Fanon.
Suite et fin…


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