La vision altruiste et prophétique de Frantz Omar Fanon a été revisitée, hier, au complexe Laâdi-Flici (Art et Culture), à l'occasion de la célébration du cinquantenaire de l'Indépendance de l'Algérie. Devant une assemblée, rehaussée par la présence de la ministre de la Culture, Khalida Toumi, de personnalités et d'experts nationaux et étrangers, Mireille Fanon-Mendes, la fille de cet ancien militant FLN/ALN, psychiatre et représentant de la Révolution algérienne, s'est inclinée devant “l'exigence de la pensée" de Fanon. Décédé prématurément le 6 décembre 1961, d'une leucémie, quelques mois avant l'Indépendance, celui-ci continue d'interpeller les peuples en lutte et les Etats anciennement colonisés. “Pour Frantz Fanon, la décolonisation était un programme de désordre absolu visant la remise en cause intégrale du colonialisme", a déclaré l'intervenante. Mme Fanon-Mendes, dans ce cadre, a insisté sur “la critique libératrice" et la conception à la fois humaine et universaliste de Fanon. Non sans rappeler les paroles prémonitoires de ce dernier à l'adresse des Africains : “Notre tort à nous, Africains, est d'avoir oublié que l'ennemi ne recule jamais (...). Il capitule, mais ne se convertit pas." Mireille Fanon est aujourd'hui persuadée que la “recolonisation du monde" se poursuit sous de nouvelles formes et, donc, qu'une “nouvelle société reste à construire". Pour cela, dira-t-elle, “nous avons besoin de réfléchir à ce que Fanon disait", y compris sur le rôle joué par les bourgeoisies nationales des pays nouvellement indépendants et les dérapages des élites nationales. Les rencontres “Esprit Frantz Fanon", organisées par Apic éditions, en partenariat avec l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC), se poursuivront jusqu'au 9 juillet prochain. Mais, d'ores et déjà, la couleur est annoncée, à travers les communications et surtout les débats pertinents qu'elles suscitent. Il n'y a rien d'anormal à cela, puisque les écrits de Frantz Fanon, mort hélas à l'âge de 36 ans, son action et sa personnalité continuent de parler pour lui. Ils ont eu, en effet, un profond impact, dans les années 1960-1970, dans le monde, particulièrement chez les combattants anticolonialistes et antifascistes, chez les militants pour l'émancipation des individus et les partisans d'un monde plus juste envers les peuples du tiers-monde. D'après les organisateurs, sa pensée a aidé les militants des différents horizons à “penser leur situation", mais aussi à identifier les problèmes auxquels ils étaient confrontés, individuellement ou collectivement, pour se libérer des “dominations d'ordre divers". “Liberté, libération et désaliénation", sont finalement les mots-clés de l'œuvre de ce penseur, qui n'avait jamais “sacralisé le conflit pour lui-même, ni la haine ni la violence, ni l'exclusive". Dans son intervention, Samir Amin, directeur du Forum du tiers-monde et président du Forum mondial des alternatives, a souligné que dans le monde arabe et en Afrique du Nord, l'Algérie représentait ce “moment radical" dans la lutte anticolonialiste. Cette situation, générée par une colonisation de peuplement, a provoqué “le déracinement du peuple algérien", en donnant à son mouvement de libération national “un caractère plébéien". Pour l'éminent analyste égyptien, cette particularité du cas algérien était à l'origine de l'“enthousiasme de Frantz Fanon, des militants nationalistes algériens et de tous les autres militants d'Afrique et d'Asie". H A