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De la polémique Aux origines profanes du voilement des femmes
Publié dans La Nouvelle République le 11 - 11 - 2024

Récemment, le renvoi d'une étudiante portant le voile intégral, le niqab, par une enseignante à l'Université d'Alger I (Benyoucef-Benkheda, ex-Faculté centrale) a enflammé les réseaux sociaux algériens et relancé le débat sur le voile.
Certains ont dénoncé cet «accoutrement étranger à l'identité et à la culture algérienne». Pour les contempteurs du voile, il est «l'expression d'un islamisme rétrograde», en particulier au sein d'une institution universitaire censée prodiguer le savoir. Ce n'est pas la première fois que ce genre d'incident lié au voile secoue l'Université algérienne. Pour de nombreux observateurs, ces polémiques récurrentes soulèvent, au-delà de la question des libertés individuelles, «la problématique identitaire, culturelle, la place de la religion dans l'espace public et l'islamisation de la société algérienne», l'influence de certains courants politiques et prédicateurs du Moyen-Orient. L'occasion, pour nous, de proposer aux lecteurs de La Nouvelle République une brève étude sur les origines du voile.
Aux origines sociales de l'«infériorisation physiologique»
de la femme
Dans sa genèse, c'est-à-dire dans sa formation anthropologique et historique, tout comme dans sa version religieuse postérieure, aujourd'hui perpétuée illégitimement par les musulmans, le voile symbolise l'avilissement de la condition féminine. Il n'a jamais été une mode vestimentaire inventée par la gent féminine pour se mettre en valeur, un apparat adopté pour rendre la femme plus séduisante. L'invention en revient à l'homme, au mâle en mal de domination. Contrairement à l'opinion communément répandue, le voile n'a pas été inventé par l'islam. Il est apparu des milliers d'années avant la naissance de l'islam. Le voile n'a aucune justification théologique. Produit de sociétés tribales, c'est une survivance archaïque perpétuée par l'homme pour pérenniser son pouvoir de domination sur la femme. De surcroît, il s'inscrit dans cette opposition culturelle millénaire entre la ville et la campagne. La fonction fait l'organe. La femme, dès l'origine de l'hominisation, fut mise en difficulté de productivité par ses fonctions naturelles. Plus précisément par ses régulières menstrues, ses fréquentes grossesses.De manière générale, condamnée périodiquement au repos en raison de l'affaiblissement de son corps endolori par les menstrues ; amoindrie physiquement par ses récurrentes grossesses au point de réduire son activité ; prisonnière durant des années de l'éducation de sa progéniture élevée dans l'enclos domestique ; la femme, invalidée par ses multiples fonctions naturelles et occupations féminines, dut réduire considérablement ses déplacements, ses activités productrices de valeur (pour assurer ses activités reproductrices), opérées en dehors du périmètre tribal, notamment pour pouvoir s'adonner à la chasse. Chasse devenue ainsi, sans jeu de mots, la «chasse gardée» de l'homme.Dans cette période reculée, où il vivait sans feu, sans armes, l'Homme devait surtout affronter des bêtes extrêmement féroces. Dès cette époque primitive, vivant en groupes, ces activités prédatrices influèrent sur l'évolution physique, mentale et sociale de l'homme. Ainsi, la chasse, cette activité prédatrice requérant l'usage de la force, permit à l'homme de développer sa musculature, d'aguerrir son tempérament agressif, d'affermir son caractère calculateur, diligent, prévoyant. La fonction faisant l'organe, l'homme nous prouve que, grâce à ses fonctions prédatrices développées au cours de l'évolution de l'humanité, ses organes se sont métamorphosés.A contrario, à cause de son inactivité due à ses fonctions reproductrices, les organes de la femme se sont atrophiés. De nos jours, la participation depuis plus d'un siècle de la femme à l'activité professionnelle et sociale a réduit considérablement les différences physiologiques entre les deux sexes. La femme est tout aussi capable et compétente d'accomplir des fonctions jusque-alors réservées à l'homme.Pareillement en matière sportive. Son «infériorisation» physiologique millénaire a des origines sociales liées aux spécificités des modes de production antérieurs phallocratiques et à quelques caractéristiques génétiques. Somme toute, l'exclusion de la femme de cette activité prédatrice propice à l'accroissement de la corpulence musculaire eut raison de ses facultés physiques diminuées considérablement au fil de l'évolution de l'humanité. Cette faiblesse corporelle de la femme finit par la rendre plus vulnérable. Devenant ainsi une proie facile pour l'homme avide de domination favorisée par ses triomphales batailles obtenues contre les fauves. Grâce à ses exploits réalisés dans le cadre de ses activités de chasse, lui prouvant sa supériorité sur certaines espèces animales capturées, son inclination à la domination sur l'espèce humaine, en particulier la femme, va germer, s'affirmer, s'intensifier. De la capture et de la soumission des animaux, œuvres de l'homme, on passe à la capture et la soumission des êtres humains, œuvre d'une classe sociale. Cette phase marque la naissance de l'esclavage.A cette période primitive, les hommes ont musclé non seulement leur corps, mais ils ont, surtout, développé un esprit de corps. Puis, ils ont créé, pour justifier et légitimer leur force de domination et leur domination par la force, c'est-à-dire consacrer et sacraliser leur hégémonie virile, un corps d'esprit forgé à l'image de leur mentalité irascible, vengeresse et tyrannique : dieu. Un dieu, encore une fois à leur image virile, tout puissant, doté de tous les pouvoirs. Tous les hommes, vis-à-vis des femmes, se sont intronisés patriarches.C'est la naissance du patriarcat. Pour rappel, patriarche (la même étymologie que patriarcat), du grec patriarkhês, lui-même composé à partir de patria, «descendance, lignée paternelle», et arkhein, «diriger, commander», signifie chef de lignée, ancêtre dans la foi. Plus globalement, chacun des ancêtres (mâles) des tribus de l'humanité. Ainsi, fragilisée physiquement par ses menstrues et grossesses répétées, retirée de la vie laborieuse prédatrice propice à l'affermissement musculaire, à la fortification du tempérament agressif, la surexcitation de la violence, activité laborieuse prédatrice dévolue exclusivement à l'homme ; cantonnée aux tâches domestiques accomplies dans un périmètre réduit à l'enclos clanique, la femme finit par perdre tout contrôle de son être. Et devenir une proie facile d'asservissement. Progressivement, l'homme va succomber au prurit de la domination.
La femme, premier être humain à être asservi, opprimé, exploité, aliéné
Après avoir, par sa prodigieuse force et ses qualités d'endurance acquises grâce à son activité de chasseur, exercé son pouvoir sur certains gibiers capturés pour la nourriture de la tribu, il étendit son emprise prédatrice et dominatrice sur la femme, handicapée par ses fonctions naturelles invalidantes pour opposer toute résistance. La femme deviendra désormais la «bête noire» et la «bête de somme» de l'homme !Cette femme, originellement défavorisée physiquement, sera progressivement dévalorisée socialement. Mais favorisée sentimentalement. Valorisée humainement.En effet, contrairement à l'homme engagé dans un processus d'ensauvagement à force de côtoiement des bêtes dans ses activités prédatrices, la femme conservera cette sentimentalité humaine des premiers hominidés, favorisée notamment par son exclusive activité nourricière et protectrice exercée auprès de sa progéniture. Nous rejoignons là la question de la phylogenèse. L'homme façonnera sa personnalité au contact des fauves côtoyés dans les forêts sauvages loin de sa tribu. Cela donnera naissance à cette brute toujours aussi barbare. La femme, elle, conservera intacte son humanité grâce à ses relations humaines privilégiées établies uniquement avec les membres «pacifiques» de sa famille établie au sein du clan. Ses liens noués exclusivement avec les humains lui permettront, grâce à sa sentimentalité, sa sensibilité, son émotivité, de sauvegarder son humanité. Et par extension, l'Humanité, de sa déchéance morale.Ainsi, du fait de l'affaiblissement physique de la femme, il était plus commode et possible pour l'homme de s'approprier une femme – voire plusieurs – et de la traiter comme une proie capturée et appropriée pour assurer la continuité de son héritage par le biais de sa progéniture fournie par sa femme-objet, grâce à ses fonctions reproductrices auxquelles désormais elle sera sexuellement assignée et socialement réduite.Progressivement, par sa soumission au pouvoir de l'homme, la femme finit par devenir un objet d'exploitation sexuelle et sociale, un bien ayant une valeur marchande susceptible d'être échangée sur le marché matrimonial dominé par les chefs (masculins) de famille, une monnaie de négociation entre tribus, une source de richesse. C'est le début de la division sexuelle du travail. De fait, historiquement, dans l'interminable développement ininterrompu des assujettissements ponctués par l'esclavage, le servage, le colonialisme, le salariat, la femme fut le premier être humain à être asservi, opprimé, exploité, aliéné. Au cours de cette phase du développement de l'histoire encore inscrite au stade clanique, les sociétés primitives se caractérisent par la généralité de l'exogamie, c'est-à-dire l'interdiction d'épouser une parente légale.
(A suivre…)
Khider Mesloub
Pour protéger son territoire vital contre les incursions de ses voisins, assurer la sécurité de ses zones de chasses, la société tribale instaure cette institution matrimoniale nommée exogamie au sein de laquelle la femme sert de monnaie d'échange, moyen de pacification des relations entre tribus.En effet, pour réduire les conflits entre tribus, et ainsi tisser des liens de cohabitation pacifique, la femme servira de moyen (monnaie) d'échange. C'est la naissance de l'exogamieDans cette forme de société, la fille n'est plus réservée aux membres mâles de la tribu «autochtone», comme dans le cas de l'endogamie, mais offerte à un membre mâle d'une autre tribu.Au cours de ce processus de développement de l'humanité, l'instauration de l'exogamie entraîne une profonde mutation «anthropologique» de mentalité. Les relations sexuelles entre membres d'une même famille seront désormais proscrites. C'est la naissance de la prohibition de l'inceste. L'interdiction de l'inceste est, depuis ses origines, une règle sociale, et non naturelle.Et la preuve d'absence de rapports sexuels noués avant la livraison de la femme au membre mâle d'une autre tribu sera administrée par le constat de la virginité de la femme. Le premier pilier de la nouvelle humanité inégalitaire fut donc le tabou de l'inceste favorisé par l'exogamie. Le second pilier corrélatif sera la virginité de la femme (mais paradoxalement jamais de l'homme évidemment). Originellement, la virginité de la femme n'avait aucune valeur morale, mais une dimension «économique», moyen d'authentification de la qualité de la marchandise échangée, prête à la consommation, à la production lucrative, à la reproduction humaine.Victime d'oppression et d'exploitation dès la phase paléolithique, la femme verra son avilissement s'accentuer au stade néolithique, c'est-à-dire avec la naissance de la ville, favorisée par la révolution de l'agriculture. Dès lors, avec la révolution néolithique, il ne fut plus nécessaire de se contraindre aux relations de bon voisinage avec les autres tribus.Grâce à la culture des céréales et à la domestication des animaux, c'est-à-dire l'abondance des troupeaux et des champs agricoles exploitables sans limite dans le cadre de la propriété privée nouvellement instituée, on pouvait désormais chasser et dévaster à volonté.
La naissance de la ville réduit la femme à une condition vile
Avec la révolution néolithique, la société allait surtout pouvoir conserver «ses» femmes au sein de la tribu, convoiter et capturer celles des autres tribus car la femme pourrait œuvrer (force productive), produire et reproduire dans les potagers, les champs, les premières entreprises agricoles exigeant une force de travail corvéable et exploitable à volonté.La société allait instaurer la prohibition de l'échange des femmes, devenues aussi précieuses que le bétail et les semences, sources de richesses. Réintroduire l'inceste, la polygamie. Promouvoir la guerre, le racisme, l'esclavage. Et surtout perpétuer l'obsession de la virginité féminine. C'est la naissance dans certaines régions de l'endogamie.Ainsi, si la révolution néolithique permet l'éclosion extraordinaire des forces productives, notamment dans les villes, matérialisée par le développement de l'artisanat, l'invention et la diffusion de l'agriculture et de l'élevage, de la navigation, du tissage et de la céramique ; des fonctions administratives et gouvernementales, ainsi que des activités intellectuelles répandues grâce à l'invention de l'écriture, et l'accumulation de surplus alimentaire et vestimentaire, cette révolution néolithique ne profitera jamais à la femme.Cette révolution lui sera fatale. Toutes ces nouvelles activités artisanales, administratives et intellectuelles seront l'apanage de l'homme. La femme étant totalement exclue de ses nobles et productives fonctions techniques et intellectuelles.C'est au cours de cette longue période marquée par l'essor des villes, notamment dans les régions de la Mésopotamie et le pourtour méditerranéen que le voile va prendre naissance, s'imposer aux femmes.Ironie de l'histoire, la ville s'est révélée être plus aliénante et oppressive à l'égard de la femme que la société tribale. Effectivement, dans la tribu, quoique assujettie au pouvoir de l'homme, la femme était libre. Elle circulait librement dans l'espace public de la tribu.Elle arborait fièrement son visage et sa chevelure au sein de sa tribu. Elle évoluait parmi ses semblables sans subir ni discrimination, ni proscription, ni interdiction.C'est dans ce contexte de la naissance de la ville qu'il faut donc situer l'imposition du voile à la femme. Et de manière générale, la dégradation accentuée de la condition féminine. En effet, la ville, alimentée par le flux continu de nouveaux «migrants» issus des tribus environnantes sédentaires ou nomades, allait constituer une agression pour ces nouveaux résidents citadins détribalisés. Particulièrement pour les femmes exposées au regard des autres citadins. Pour les soustraire au regard des étrangers afin de conserver leur valeur marchande certifiée par leur virginité, les parents mâles (père, frère ou mari) s'activeront à cloîtrer leurs femmes sous le voile, symbolisant l'hymen, cette membrane érigée en citadelle de l'honneur de la société patriarcale.Le voile devient ainsi la nouvelle prison ambulatoire de la femme fraîchement «citadinisée». Emmurée dans sa demeure urbaine, elle sera tout aussi encagée sous le voile dans ses rares sorties autorisées par le mâle.Effectivement, outre les restrictions sévères imposées à la circulation de la femme seule en dehors du périmètre confiné de sa résidence familiale, la femme, lors de ses rares déplacements obligatoirement accompagnés d'un mâle, doit désormais impérativement porter le voile.C'est à cette époque antique foncièrement patriarcale que le voile est rendu obligatoire par le roi d'Assyrie (Irak) : «Les femmes mariées n'auront pas leur tête découverte. Les prostituées seront voilées.»Sans conteste, il y a une relation de cause à effet entre endogamie tribale (ou plutôt sa dégradation) et un certain avilissement de la condition féminine.Pour remonter le temps à notre époque contemporaine, c'est dans cette perspective caractérisée par la dégradation des sociétés tribales «musulmanes», impulsée sous l'effet de leur urbanisation soudaine et accélérée, qu'il faut inscrire l'apparition récente du voile dans les sociétés actuelles musulmanes, fraîchement urbanisées mais encore fortement tribales, et non au retour du refoulé religieux.Pour preuve, à la faveur de la modernisation et de l'urbanisation de l'Algérie, sur fond de l'expansion de l'islamisme favorisé par les pays du Golfe, la première revendication des hommes algériens «islamistes» fut l'exigence agressive du port du voile. Et non pas l'obligation de faire la prière pour tous les citoyens algériens. L'obligation de respecter le Ramadhan. D'accomplir son devoir d'El Hadj (pèlerinage à La Mecque). Pourtant préceptes fondamentaux du Coran.La femme, voilà l'ennemi de l'Algérien musulman fraîchement détribalisé. Et celles qui résistent au diktat du port du voile seront agressées, violentées, voire vitriolées.
Le voile des femmes s'explique par l'urbanisation des sociétés tribales
En réalité, ces réactionnaires algériens s'opposent à la transformation de leur société traditionnelle agraire bousculée par l'intrusion du mode de production industriel et l'urbanisation capitaliste imparable.La claustration de la femme, son «encagement» résulte d'un blocage culturel ou, pour user d'un terme freudien, d'un conflit sociétal. Tout comme les nœuds psychologiques, le «conflit civilisationnel» en question paraît être le produit d'une contrariété chronique, d'une agression envahissante urbanistique à laquelle l'organisme – la société tribale patriarcale – répond par une mise en œuvre d'un mécanisme de défense au moyen du voile pour «protéger sa dernière monnaie d'échange» (supplantée par l'argent), la femme, cet être sur lequel l'homme a toujours eu droit de vie et de mort, mais aujourd'hui en voie d'émancipation grâce à son éducation scolaire et à son insertion professionnelle. C'est ce qui s'appelle se voiler la face pour s'abriter de la modernité urbaine insupportable aux yeux des traditions rétrogrades et misogynes.La femme algérienne est prise en otage par les barbaresques islamistes, ces pirates des temps modernes, vivant de la subtilisation de la rente pétrolière. Captive de ces corsaires salafistes, la femme algérienne demeure prisonnière d'un système religieux moralement patriarcal et socialement carcéral. Assurément, le voile des femmes s'explique par l'urbanisation des sociétés tribales. Les femmes ne se voilent que lorsqu'elles habitent une ville. Les femmes des campagnes circulent à visage découvert. Et l'Algérie, comme dans la plupart des pays musulmans émergeant à peine de leur société tribale (mode de production agraire-féodal), illustre parfaitement ce malaise dans la civilisation.Ouvrons une parenthèse.Parlant d'Alger, un ami algérien architecte a su décrire de manière pertinente la configuration urbaine de la capitale contemporaine : il a indiqué, à propos d'Alger, qu'elle a été victime ces trente dernières années d'une véritable entreprise de «ruralisation culturelle». Le citadin a complètement été phagocyté par le rural. C'est un phénomène unique dans l'histoire humaine urbaine. Longtemps, depuis la naissance de la ville, c'est la ville qui absorbe l'apport rural grâce à la supériorité de sa culture citadine. Aujourd'hui, en Algérie, la mentalité rurale semble avoir triomphé du clivage ville-campagne. A la vérité, ce triomphe est illusoire. Cette victoire des forces rétrogrades de l'ancien mode de production en décrépitude est éphémère. Car c'est un combat d'arrière-garde et sa précaire victoire à la Pyrrhus n'a été obtenue qu'à la faveur d'une conjoncture mondiale capitaliste marquée par la décadence, le recul momentané des forces progressistes.La lutte des islamistes, derniers vestiges des sociétés archaïques agraires-rurales-féodales, menée fallacieusement au nom de la religion, dissimule en vrai un combat des forces réactionnaires animées par une mentalité tribale toujours vivace, réfractaire à toute modernisation de la société, symptôme sociologique de leur imminente disparition. Elle dévoile, sans jeu de mots, leur opposition à toute émancipation de la femme.In fine, la bataille du voile (pour ou contre le voile) n'est que le reflet de la bataille perdue d'avance entre l'ancien mode de production agraire et le mode de production industriel, urbain capitaliste émergeant dans cette périphérie (musulmane) du continent impérialiste contemporain.Comme on vient de l'analyser, la naissance de la ville a considérablement pénalisé la femme. Par son confinement dans l'enclos familial imposé par l'habitation urbaine, comme par son enfermement sous le voile dans ses rares pérégrinations citadines, la femme a subi une véritable dégradation de sa condition sociale. Exclue de la vie sociale, économique et politique, la femme a été réduite, durant plusieurs millénaires, aux simples tâches animales reproductives et aux fonctions domestiques circonscrites à l'éducation de sa progéniture, la tenue de son foyer. Cette exclusion multiforme des activités productives nobles et des occupations intellectuelles valorisantes a perduré durant des milliers d'années. Jusqu'au milieu du XXe siècle.Historiquement, les religions monothéistes, notamment l'islam, n'ont fait que consacrer, sacraliser, cette tradition du port du voile imposé à la femme (le rôle de toute religion est de codifier moralement les traditions, tout comme le rôle du législatif est de codifier légalement les pratiques sociales).
Le christianisme est la première religion à inscrire le voile des femmes dans son livre Saint
Selon certains théologiens musulmans sincères, le port du voile ne constitue nullement une prescription coranique. Cette pratique du port du voile relève d'une tradition millénaire née au lendemain de la naissance des villes, comme on vient de le démontrer ci-dessus. De sorte que l'argument religieux islamique pour justifier et légitimer l'obligation du port du voile est fallacieux.Longtemps, dans les anciennes sociétés antiques, le voilement des femmes fut une coutume sociale. La première religion monothéiste à inscrire officiellement le voilement des femmes dans son Livre saint est le christianisme. Cette prescription figure dans la Première Epître de saint Paul aux Corinthiens (11,2-16) : «Toute femme qui prie ou qui prophétise le chef découvert fait affront à son chef ; c'est exactement comme si elle était tondue. Si donc une femme ne met pas de voile, qu'elle se coupe les cheveux ! Mais si c'est une honte pour une femme d'avoir les cheveux coupés ou tondus, qu'elle mette un voile.»Or, l'ancien Testament ne mentionne pas cette obligation. Certes, historiquement, parmi la population juive autochtone et diasporique certaines femmes juives se voilaient. Nullement pour se plier à une prescription religieuse, mais plutôt pour se conformer aux coutumes locales. Dans la société juive, ainsi que dans l'ensemble des sociétés antiques de l'Orient, la tradition considère qu'une femme doit se couvrir devant les hommes en signe de modestie et c'est avec le christianisme que le port du voile devient une obligation théologique. Au sein de ces sociétés, le voile représente également le signe de la pérennité de l'identité d'origine, de l'attachement aux valeurs ancestrales et de respect des règles communautaire. Par tradition, les femmes portent le voile depuis leur enfance, de mère en fille. Fondamentalement, pour ces femmes le voile est un élément de leur identité et non un symbole de leur religiosité.La preuve. La prescription chrétienne du voilement des femmes par l'Eglise émergente visait, par souci de distinction identitaire, davantage à distinguer les chrétiens de Corinthe du reste de la population que de soumettre les femmes. Par cette prescription religieuse, l'Eglise naissante cherchait à vulgariser et à systématiser le nouveau culte chrétien par son accommodation aux coutumes sociales des convertis, mais également à rompre avec son substrat juif et, surtout, païen.Quoiqu'il fût une recommandation officielle chrétienne, le voilement n'était pas systématiquement appliqué, notamment dans les pays européens nouvellement convertis, en particulier dans l'empire romain. Au reste, les Grecques et les Romaines de l'époque antique n'étaient pas voilées. Elles voilaient leur tête uniquement lors de leurs périodes d'affliction (décès d'un proche, veuvage). De manière générale, le port du voile variait en fonction des régions, des circonstances et des milieux sociaux.Outre saint Paul, un autre Père de l'Eglise, berbère de surcroît, Tertullien, consacra un traité à la question du voilement des femmes : le voile des vierges. Pour Tertullien, ce ne sont pas seulement les épouses qui doivent être voilées, mais également les vierges, dès l'âge nubile. Autrement dit, toutes les filles, sans exception, dès leur adolescence.Tertullien recommande à toutes les femmes de se voiler : «Je t'en prie, vierge, que tu sois mère, sœur ou fille – pour vous énumérer d'après les noms qui conviennent à vos âges – porte le voile, si tu es mère à cause de tes fils, si tu es sœur à cause de tes frères, si tu es fille à cause des pères. Chaque âge en toi court un danger» [...] «Revêts l'armure de la pudeur, entoure-toi du rempart de la discrétion, élève autour de ton sexe un mur qui ne laisse ni sortir tes regards, ni rentrer les regards d'autrui. Adopte pleinement la tenue de la femme afin de préserver ton état de vierge. Dissimule tant soit peu ce que tu es à l'intérieur, pour offrir à Dieu la vérité.» [...]«Qu'elles sachent [les femmes] que tout est féminin dans une tête de femme ; que la tête c'est tout ce qui s'étend jusqu'aux bords, aux confins du vêtement ; tout ce que les cheveux dénoués peuvent recouvrir, voilà le domaine du voile, de manière qu'il enveloppe aussi la nuque.» On croirait lire un texte d'un islamiste contemporain. Pourtant, ce traité fut rédigé par un grand Père de l'Eglise, Tertullien.De nos jours, cet avilissement des femmes par le «voilement» de leur liberté, cette forme d'aliénation, représente la plus massive survivance de l'asservissement humain. Et la femme, à l'instar de certains esclaves, est souvent complice.Aujourd'hui, ce sont les évolutions induites par la révolution urbaine, ou plus exactement les réactions de défense opposées par les sociétés tribales «musulmanes» à leur urbanisation récente, qui sont responsables de la dégradation de la condition féminine. Bousculées dans leur millénaires traditions, ces sociétés islamiques s'acharnent à perpétuer leurs coutumes misogynes à l'intérieur des murailles urbaines modernes, symbolisées par le voile féminin, ultime citadelle érigée par les islamistes pour protéger leurs prérogatives patriarcales. Tout se passe comme si les islamistes utilisent la femme comme bouclier pour se protéger de la civilisation urbaine, de l'intrusion du mode de vie moderne «occidental».Depuis longtemps, une fois transplantés en ville, les individus, pétris de convictions archaïques, réaniment, à chaque génération marquée par l'afflux de nouveaux migrants, leurs traditions tribales.Le nouveau transplanté ne devient pas du jour au lendemain un citadin libéral. La ville lui fait subir une série d'offenses.Blessé dans ce que sa personnalité a de plus essentiel, agressé dans ses convictions tribales, le nouveau transplanté dresse une muraille – un voile – entre les valeurs de la ville et ses convictions tribales (religieuses). La religion est la dernière survivance tribale. Legs de sociétés fondées sur la tribu, la religion s'impose comme un tribut à une certaine partie de l'humanité prisonnière encore du mode de pensée archaïque de l'ancien monde.Assurément, l'homme musulman à la mentalité tribale vit mal ces promiscuités urbaines, ces proximités masculines offensantes pour sa femme, ses filles, ses sœurs. Pour échapper aux regards «concupiscents» (selon ses délires phallocrates) des étrangers, il va tendre un véritable «rideau de fer» (d'enfer) entre la société des hommes et des femmes (pour les protéger, argue-t-il ; défendre leur honneur, clame-t-il).On prête cette sentencieuse phrase au Prophète Mohamed : «Cela (la charrue) n'entrera pas dans la demeure d'une famille sans que Dieu y fasse entrer aussi l'avilissement.» En d'autres termes, on n'intègre pas la ville (on ne se sédentarise pas) sans subir la dégradation de ses mœurs (tribales).
Le voile : vestige vestimentaire de l'ancien monde archaïque
Les sociétés tribales, surtout nomades, ont toujours cultivé une aversion pathologique à l'endroit des civilisations urbaines, associées à la débauche des mœurs, à la dépravation morale, au ramollissement de la virilité, à la dissolution du patriarcat, à l'émancipation intolérable de la femme. Paradoxalement, les partisans hystériques du port du voile invoquent des arguments religieux islamiques pour justifier et légitimer une tradition païenne. Or, le port du voile imposé à la femme, comme on vient de le démontrer, est une survivance tribale païenne, une coutume sociale profane.La principale source coranique sur le voile est la sourate 33 : «Les Coalisés» ou «Les Factions». Le voile est mentionné au verset 53. Ce verset concerne exclusivement les femmes du Prophète : «Ô vous, femmes du Prophète ! Vous n'êtes comparables à aucune autre femme» (v. 32 de la même sourate). Dieu commande aux croyants de s'adresser aux femmes du Prophète à travers un voile : «Quand vous demandez quelque objet Aux épouses du Prophète, Faites-le derrière un voile, Cela est plus pur pour vos cœurs et pour leurs cœurs.» Dans ce verset, contrairement à l'opinion communément islamique répandue, le voile dont il s'agit ici est le rideau, c'est-à-dire le tissu servant à séparer hermétiquement les pièces. Il est vrai que le verset 59 s'adresse aussi bien aux femmes du Prophète qu'à celles des croyants : «Ô Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de se couvrir de leurs voiles : c'est pour elles le meilleur moyen de se faire connaître et de ne pas être offensées.»Cependant, selon les exégètes, ce verset a une valeur civile, et non religieuse. «Le meilleur moyen de se faire connaître et de ne pas être offensées», c'est-à-dire qu'il permet de signaler le rang social de la femme et, par conséquent, de dissuader les harcèlements concupiscents des hommes. En d'autres termes, si dans la Première Epître aux Corinthiens le voile revêt un caractère explicite de sujétion, comme le formule solennellement ce verset biblique : «Je veux cependant que vous le sachiez le chef de tout homme, c'est le Christ ; le chef de la femme, c'est l'homme ; et le chef du Christ, c'est Dieu» ; dans le verset coranique il revêt une recommandation simplement d'ordre public.Au-delà d'être une coutume vestimentaire culturelle millénaire, ne figurant, par ailleurs, explicitement dans aucune sourate à destination de l'ensemble des croyantes, à l'exception de la sourate circonstancielle relative aux femmes du Prophète et des femmes de rang social élevé, aussi cette tradition païenne est-elle théologiquement censée contrevenir aux prescriptions authentiques du Coran. En réalité, sous couvert de religion, n'est-elle pas perpétuée au nom de cette millénaire domination patriarcale de l'ancien mode de production dont l'homme musulman contemporain semble difficilement se départir ; au nom de cet atavique attachement obsessionnel à des traditions misogynes toujours aussi prégnantes ?Comme on l'a analysé plus haut, l'origine du port du voile imposé à la femme s'inscrit dans une longue tradition païenne millénaire marquée par l'avilissement de la condition féminine. Le port du voile ne constitue aucunement un signe religieux. Encore moins un pilier de l'islam. Ni une prescription coranique. C'est un vestige vestimentaire parmi d'autres de l'ancien monde archaïque qui refuse de mourir dans de nombreux pays, notamment en Algérie. Un monde patriarcal dominé par des hommes demeurés fixés au stade enfantin et infantile de l'humanité, de leur personnalité puérile. La misogynie transcende les frontières et les temps. Depuis l'aube de l'humanité, la condition de la femme a été réduite à une perpétuelle nuit.Drôle d'humanité qui piétine sa moitié pour avancer en entier. D'ailleurs, a-t-elle vraiment avancé, progressé, évolué depuis la nuit des temps, cette humanité socialement bancale ? Ne continuons-nous pas à vivre encore dans les temps de la nuit ! L'aube de l'Humanité tarde à éclore, à s'éveiller.Fondamentalement, l'hiver de l'oppression voile encore l'horizon culturel des sociétés musulmanes. Le printemps de l'émancipation de la femme «musulmane», certes, darde ses premiers rayons de liberté bourgeonnante d'indépendance sociale et juridique, mais le ciel patriarcal islamique recouvre encore de son obscur manteau traditionnel phallocratique les hommes musulmans, arc-boutés à leurs privilèges de domination masculine, enrobés de justifications religieuses, de légitimation coranique, paradoxalement avalisées et soutenues par une frange importante de femmes musulmanes, ferventes disciples de la servitude volontaire spiritualisée et sacralisée.


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