Récemment, le renvoi d'une étudiante portant le voile intégral, le niqab, par une enseignante à l'Université d'Alger I (Benyoucef-Benkheda, ex-Faculté centrale) a enflammé les réseaux sociaux algériens et relancé le débat sur le voile. On croirait lire un texte d'un islamiste contemporain. Pourtant, ce traité fut rédigé par un grand Père de l'Eglise, Tertullien. De nos jours, cet avilissement des femmes par le «voilement» de leur liberté, cette forme d'aliénation, représente la plus massive survivance de l'asservissement humain. Et la femme, à l'instar de certains esclaves, est souvent complice. Aujourd'hui, ce sont les évolutions induites par la révolution urbaine, ou plus exactement les réactions de défense opposées par les sociétés tribales «musulmanes» à leur urbanisation récente, qui sont responsables de la dégradation de la condition féminine. Bousculées dans leur millénaires traditions, ces sociétés islamiques s'acharnent à perpétuer leurs coutumes misogynes à l'intérieur des murailles urbaines modernes, symbolisées par le voile féminin, ultime citadelle érigée par les islamistes pour protéger leurs prérogatives patriarcales. Tout se passe comme si les islamistes utilisent la femme comme bouclier pour se protéger de la civilisation urbaine, de l'intrusion du mode de vie moderne «occidental». Depuis longtemps, une fois transplantés en ville, les individus, pétris de convictions archaïques, réaniment, à chaque génération marquée par l'afflux de nouveaux migrants, leurs traditions tribales. Le nouveau transplanté ne devient pas du jour au lendemain un citadin libéral. La ville lui fait subir une série d'offenses. Blessé dans ce que sa personnalité a de plus essentiel, agressé dans ses convictions tribales, le nouveau transplanté dresse une muraille – un voile – entre les valeurs de la ville et ses convictions tribales (religieuses). La religion est la dernière survivance tribale. Legs de sociétés fondées sur la tribu, la religion s'impose comme un tribut à une certaine partie de l'humanité prisonnière encore du mode de pensée archaïque de l'ancien monde.Assurément, l'homme musulman à la mentalité tribale vit mal ces promiscuités urbaines, ces proximités masculines offensantes pour sa femme, ses filles, ses sœurs. Pour échapper aux regards «concupiscents» (selon ses délires phallocrates) des étrangers, il va tendre un véritable «rideau de fer» (d'enfer) entre la société des hommes et des femmes (pour les protéger, argue-t-il ; défendre leur honneur, clame-t-il). On prête cette sentencieuse phrase au Prophète Mohamed : «Cela (la charrue) n'entrera pas dans la demeure d'une famille sans que Dieu y fasse entrer aussi l'avilissement.» En d'autres termes, on n'intègre pas la ville (on ne se sédentarise pas) sans subir la dégradation de ses mœurs (tribales). Le voile : vestige vestimentaire de l'ancien monde archaïque Les sociétés tribales, surtout nomades, ont toujours cultivé une aversion pathologique à l'endroit des civilisations urbaines, associées à la débauche des mœurs, à la dépravation morale, au ramollissement de la virilité, à la dissolution du patriarcat, à l'émancipation intolérable de la femme. Paradoxalement, les partisans hystériques du port du voile invoquent des arguments religieux islamiques pour justifier et légitimer une tradition païenne. Or, le port du voile imposé à la femme, comme on vient de le démontrer, est une survivance tribale païenne, une coutume sociale profane. La principale source coranique sur le voile est la sourate 33 : «Les Coalisés» ou «Les Factions». Le voile est mentionné au verset 53. Ce verset concerne exclusivement les femmes du Prophète : «Ô vous, femmes du Prophète ! Vous n'êtes comparables à aucune autre femme» (v. 32 de la même sourate). Dieu commande aux croyants de s'adresser aux femmes du Prophète à travers un voile : «Quand vous demandez quelque objet Aux épouses du Prophète, Faites-le derrière un voile, Cela est plus pur pour vos cœurs et pour leurs cœurs.» Dans ce verset, contrairement à l'opinion communément islamique répandue, le voile dont il s'agit ici est le rideau, c'est-à-dire le tissu servant à séparer hermétiquement les pièces. Il est vrai que le verset 59 s'adresse aussi bien aux femmes du Prophète qu'à celles des croyants : «Ô Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de se couvrir de leurs voiles : c'est pour elles le meilleur moyen de se faire connaître et de ne pas être offensées.» Cependant, selon les exégètes, ce verset a une valeur civile, et non religieuse. «Le meilleur moyen de se faire connaître et de ne pas être offensées», c'est-à-dire qu'il permet de signaler le rang social de la femme et, par conséquent, de dissuader les harcèlements concupiscents des hommes. En d'autres termes, si dans la Première Epître aux Corinthiens le voile revêt un caractère explicite de sujétion, comme le formule solennellement ce verset biblique : «Je veux cependant que vous le sachiez le chef de tout homme, c'est le Christ ; le chef de la femme, c'est l'homme ; et le chef du Christ, c'est Dieu» ; dans le verset coranique il revêt une recommandation simplement d'ordre public. Au-delà d'être une coutume vestimentaire culturelle millénaire, ne figurant, par ailleurs, explicitement dans aucune sourate à destination de l'ensemble des croyantes, à l'exception de la sourate circonstancielle relative aux femmes du Prophète et des femmes de rang social élevé, aussi cette tradition païenne est-elle théologiquement censée contrevenir aux prescriptions authentiques du Coran. En réalité, sous couvert de religion, n'est-elle pas perpétuée au nom de cette millénaire domination patriarcale de l'ancien mode de production dont l'homme musulman contemporain semble difficilement se départir ; au nom de cet atavique attachement obsessionnel à des traditions misogynes toujours aussi prégnantes ? Comme on l'a analysé plus haut, l'origine du port du voile imposé à la femme s'inscrit dans une longue tradition païenne millénaire marquée par l'avilissement de la condition féminine. Le port du voile ne constitue aucunement un signe religieux. Encore moins un pilier de l'islam. Ni une prescription coranique. C'est un vestige vestimentaire parmi d'autres de l'ancien monde archaïque qui refuse de mourir dans de nombreux pays, notamment en Algérie. Un monde patriarcal dominé par des hommes demeurés fixés au stade enfantin et infantile de l'humanité, de leur personnalité puérile. La misogynie transcende les frontières et les temps. Depuis l'aube de l'humanité, la condition de la femme a été réduite à une perpétuelle nuit.Drôle d'humanité qui piétine sa moitié pour avancer en entier. D'ailleurs, a-t-elle vraiment avancé, progressé, évolué depuis la nuit des temps, cette humanité socialement bancale ? Ne continuons-nous pas à vivre encore dans les temps de la nuit ! L'aube de l'Humanité tarde à éclore, à s'éveiller.Fondamentalement, l'hiver de l'oppression voile encore l'horizon culturel des sociétés musulmanes. Le printemps de l'émancipation de la femme «musulmane», certes, darde ses premiers rayons de liberté bourgeonnante d'indépendance sociale et juridique, mais le ciel patriarcal islamique recouvre encore de son obscur manteau traditionnel phallocratique les hommes musulmans, arc-boutés à leurs privilèges de domination masculine, enrobés de justifications religieuses, de légitimation coranique, paradoxalement avalisées et soutenues par une frange importante de femmes musulmanes, ferventes disciples de la servitude volontaire spiritualisée et sacralisée. (A suivre…)