L'exploitation de ce gisement permettrait, selon le ministère de l'Energie et des Mines algérien, d'économiser deux milliards de dollars en intrants, d'exporter et de favoriser l'intégration de l'économie algérienne, mais suppose un partenariat gagnant -gagnant et de descendre à l'aval de la filière pour la production de produits à forte valeur ajoutée. Cette présente contribution est une brève synthèse réactualisée d'un important dossier réalisé sous ma direction. 1.-Le projet d'exploitation de la mine de Gara Djebilet date de plusieurs décennies. La découverte du gisement de Gara Djebilet date depuis les années 1950 avec les études du Bureau de recherche minière en Algérie en 1953, le Bureau d'investissement en Afrique en 1959, le Service d'études et recherches minières en 1961 jusqu'aux premières tentatives de développement à titre expérimental du site avec l'entrée en scène de la Sonarem après la nationalisation des mines , dont l'effort d'expérimentation a été stoppé net en 1975. Rappelons que signée le 15 juin 1972 à Rabat, la convention qui est annexée à l'accord relatif au tracé de la frontière, l'Algérie et le Maroc avaient convenu, dans le cadre de l'exploitation de Gara Djebilet, de « conjuguer leurs efforts, de coopérer dans les meilleures conditions économiques ». Il avait été convenu aussi de créer « dans les meilleurs délais » une société algéro-marocaine pour la mise en valeur de Gara-Djebilet avec un canal vers l'Atlantique. Le projet d'exploiter en commun la mine de Gara Djebilet est mort en 1975, après l'affaire du Sahara occidental donc la convention de coopération entre l'Algérie et le Maroc pour la mise en valeur de la mine de Gara-Djebilet est devenue caduque .Dans cette convention que nous avons consultée, il est écrit noir sur blanc que l'Algérie est « propriétaire du gisement minier de fer de Gara-Djebilet, situé sur son territoire et relevant de sa pleine souveraineté ». Les avis d'appel internationaux à manifestation d'intérêt lancés par Sonatrach, détenteur depuis 2009 du titre minier (adjudication, exploration) n'ont pas connu le succès escompté. Resté au stade de la «préfaisabilité», le dernier «projet intégré de Gara Djebilet», mis sur pied en 2005 prévoyait aussi bien l'exploitation proprement dite jusqu'à la production du fer. Ce projet intégrait l'extraction du minerai de fer avec option pour son enrichissement sur place, son transport par voie ferroviaire (projet de chemin de fer reliant Tindouf à Béchar vers le nord du pays, une usine sidérurgique proche d'un port en cas d'exportation d'une partie du produit et la construction d'une cité minière près du site appelé à accueillir une importante main-d'œuvre. 2.- La mine de fer de Gara Djebilet avec des réserves estimées à 3,5 milliards de tonnes, dont 1,7 milliard de tonnes sont exploitables, est composée de trois zones d'exploitation : Gara Djebilet-Ouest, Gara Djebilet-Centre et Gara Djebilet-Est. Le lancement du projet est tributaire de la disponibilité de quantités suffisantes d'eau dans la région, les infrastructures ferroviaires et énergétiques. Pour valoriser le fer brut, il est prévu un projet du complexe sidérurgique de Bechar, destiné à la valorisation du gisement de minerai de fer de Gara Djebilet (Tindouf d'un coût d'un milliard de dollars dont la réalisation sera assurée par le consortium Chinois (CMH), qui regroupe trois grandes sociétés chinoises, à savoir : CWE, MCC, en partenariat avec l'entreprise national de fer et de l'acier (FERAAL) et destiné à la production du rail et du profilé en acier, comprenant plusieurs unités de traitement et transformation du fer ainsi qu'une unité de fabrication de wagons pour le transport du minerai de fer de Gara-Djebilet vers Bechar et le complexe sidérurgique de Bethioua (Oran). La solution avancée par le consortium s'articule autour de la mise en place de réseaux intelligents d'énergie de l'intégration de l'énergie renouvelable pour l'extraction du minerai, à travers le procédé photovoltaïque. A cela s'ajoute pour la réduction de coûts, l'option des camions éclectiques pour le transport. Ce projet alimentera également l' usine géante d'acier localisée à Jijel à environ 320 km d'Alger dont le coût est estimée à 2 milliards afin de réduire les importations d'acier estimées à 10 milliards de dollars par an étant prévu 4,2 millions de tonnes d'acier plat et aciers spéciaux destinés entre autres à l'industrie du rail en Algérie. Tout cela sera tributaire de la réalisation de la ligne ferroviaire reliant Béchar à Tindouf (950 km),inauguré récemment en voie de réalisation, l'opérationnalité, en cas de non retard, étant prévue fin 2026, début 2027, et la modernisation de la ligne BécharOran, d'une longueur de 648 km soit au total Tindouf- Béchar-Oran de 1598 km , beaucoup plus si on doit aller à Jijel et Annaba , afin d' acheminer le minerai de fer vers les sites de transformation et d'exploitation au Nord du pays. La minimisation du cout du transport est fondamentale pour déterminer la rentabilité du projet . Reste la résolution des difficultés techniques en cours, notamment celles liées à la teneur élevée du minerai en phosphore et en arsenic en parvenant à réduire le taux du phosphore dans le fer pour le porter de 0,8% à 0,03%. 3.- Quel est la rentabilité du fer de Gara Djebilet au cours mondial du fer brut de juin/juillet 2024 devant tenir compte du coût d'exploitation, du coût du transport, de l'évolution vecteur prix au niveau international, des coûts supplémentaires pour protéger l'environnement, une formation pointue, l'université de Béchar devant être associée et devant retirer la part du partenaire étranger dans les bénéfices puisque est appliquée pour ce projet la règle des 49/51% ? Le 2 novembre 2024 le prix de certains produits est le suivant : le er 100 euros la tonne, la ferraille 370, l'acier 750, le cuivre 9290, le plomb 2200, et le zinc 300 euros la tonne. (source cours bourse 31/10/2024). L'exploitation selon les données officielles du gouvernement algérien se déroulera en plusieurs phases sur une période qui ira de 2022 à 2040. La première phase (2022-2025) connaîtra une production de 2 à 3 millions tonnes/an de minerai de fer à acheminer par voie terrestre vers la wilaya de Béchar, pour arriver, à partir de 2026, à une production annuelle oscillant entre 40 et 50 millions de tonnes. En prenant l'hypothèse optimiste, d'un cours de 130 dollars la tonne de fer brut , c'est une hypothèse, pour la phase préliminaire de trois millions de tonnes le chiffre d'affaires serait de 390 millions de dollars, pour le profit net, devant retirer les coûts importants de 50% selon les normes internationales et la part du partenaire étranger 49%, restant à l'Algérie environ 100 millions de dollars. Pour un million de tonnes/an, c'est un montant dérisoire de 130 millions de dollars restant à l'Algérie en tant que profit net seulement 33 millions de dollars. La seconde phase entre 2026/2030 verrait une production entre 40/50 millions de tonnes avec une augmentation progressive entre 2030/2040. Pour une exportation brute de 30 millions de tonnes, nous aurons un chiffre d'affaires de 3,90 milliards de dollars et non le profit net auquel on doit soustraire les coûts très élevés représentant environ 50% du chiffre d'affaires, soit 1,95 milliard de dollars, à se partager, selon la règle des 49/51%, avec le partenaire étranger restant à l'Algérie pour le profit net environ 995 millions de dollars. Le 09 mai 2022, le ministre des Mines (source APS) avait annoncé officiellement que la réalisation du projet de Gara Djebilet nécessitera plusieurs installations, ayant un coût variant entre 1 et 1,5 milliard de dollars par an sur une période allant de 8 à 10 ans donnant entre 12 et 15 milliards de dollars dont le retour en capital se fera entre 7/8 ans donc vers 2030. Cela n'est pas propre à ce projet, après le début d'exploitation en T0 la rentabilité d'une PMI/PME sous réserve de la levée des contraintes bureaucratiques, se situe entre 3⁄4 ans et pour les projets capitalistiques entre 7/8 ans. Il faudra être réaliste, l'exploitation du fer de Gara Djebilet ne procurera pas de rente contrairement au segment hydrocarbures, mais un taux de profit moyen, mais par contre contribuera à la croissance économique, sous réserve de descendre à l'aval de l'arbre généalogique, les aciers spéciaux, pour avoir une grande valeur ajoutée mais cela suppose de lourds investissements .et un management stratégique pour pénétrer les marchés mondiaux oligopolistiques contrôlés par quelques firmes. En conclusion, ce projet dont la concrétisation est prévue depuis de longues décennies constitue l'un des plus importants projets structurants sur lesquels mise l'Algérie pour impulser une nouvelle dynamique à son économie, tout en générant 15.000 emplois. L'exploitation est prévue avec un consortium chinois devant permettre de dynamiser les exportations fonction de sa rentabilité, notamment du coût d'exploitation et de l'important coût de transport, et ce en direction de l'Afrique et de l'Europe, espace économique naturel de l'Algérie, rentrant dans le cadre de la stratégie de la route de la Soie de la Chine. Abderrahmane Mebtoul, Professeur des universités,