On sait que le groupe audiovisuel public français, France télévisions, avait décidé le 11 mars, dans la matinée, de déprogrammer le documentaire Algérie, Sections Armes Spéciales, initialement prévu sur France 5, le 16 mars. Dans son communiqué, le service public français a justifié cette « déprogrammation des documentaires, initialement prévus en soirée le 16 mars, par la nécessité de se consacrer à l'actualité entre les Etats-Unis et la Russie». On comprend cette décision : ce film révèle pour la première fois comment et à quelle échelle l'armée française a fait usage de gaz chimiques interdits durant la Guerre d'Algérie. Le groupe public français est revenu sur sa décision et s'est engagé à le reprogrammer à l'antenne mais sans préciser de date précise. Le documentaire a été diffusé finalement dimanche dernier, par la chaîne suisse RTS. Cette décision a suscité des réactions en France et en Algérie. «La diffusion (...) de ce film-événement, prévue le 16 mars, a été déprogrammée par France Télévision. Pour l'heure, pas de nouvelle date. «No comment», avait écrit sur les réseaux sociaux l'historien français Fabrice Riceputi. Et d'ajouter : «On a parlé de la torture, des massacres, des viols, des déplacements de population... Mais la guerre chimique est un sujet qui était passé inaperçu». Cette décision intervient dans un contexte marqué par la dégradation des relations entre les deux pays. Une situation aggravée par le lourd contentieux historique entre les deux pays. Le documentaire est réalisé par Claire Billet qui a pu mettre au jour un dossier gardé secret pendant près de 70 ans. La réalisatrice s'est appuyée aussi sur les travaux de l'historien Christophe Lafaye, engagé dans un mémoire d'habilitation de recherche consacré à ce sujet. Recueillant témoignages et documents, elle a révélé, pour la première fois depuis l'indépendance de l'Algérie en 1962, l'usage de ces armes par la colonisation française. Pourtant, la France était parmi les 135 Nations ayant signé le Protocole de Genève de 1925 contre ces armes ! «Avec la torture et le déplacement des populations, la guerre chimique est le dernier élément d'une série de brèches dans les engagements internationaux de la France que celle-ci a bafoués pour mener sa guerre coloniale. De 1954 à 1959, la France coloniale n'a pas hésité à gazer, notamment dans les zones montagneuses difficiles d'accès, des populations sans défense», précise le documentaire. Le film documente une pratique encore largement occultée de l'armée française dans la Guerre d'Algérie, objet de recherches et de batailles juridiques menées par l'historien Christophe Lafaye, sur l'usage massif dans toutes les zones montagneuses d'armes chimiques, dans ce qu'on a appelé «La Guerre des grottes».