Erigée sur une colline, à une trentaine de mètres au-dessus de la Méditerranée, La Casbah de Dellys dévale en pente douce jusqu'au rivage, comme un ruban d'histoire tissé par les siècles. Malgré les soubresauts du temps et les bouleversements de l'histoire, cette vieille cité conserve une âme singulière, presque intacte, qui continue d'émerveiller ceux qui la découvrent. C'est le cœur historique de Dellys, un véritable musée à ciel ouvert, protégé jadis par des remparts, des portes et même un ancien port turc qui servait de bouclier contre les vents et les courants marins. Au nord, on y trouvait les portes d'El Assouaf et des Jardins, à l'est les cimetières – chrétien et musulman – au sud la zone portuaire, et à l'ouest le quartier européen, hérité de la colonisation. S'étendant aujourd'hui sur un peu plus de 16 hectares, la Casbah a été scindée en deux pendant la période coloniale, séparée par la route nationale 24. Ainsi sont nées la Basse-Casbah (7 ha) et la Haute-Casbah (9,25 ha). Cette transformation n'a pas été sans dégâts : des bâtiments anciens, dont des lieux emblématiques comme la grande mosquée El Islah, ont été détruits. Heureusement, sous la pression des habitants, cette mosquée a été reconstruite à l'identique, symbole d'un attachement farouche à la mémoire des lieux. Autrefois, la Casbah de Dellys comptait pas moins de 1 000 maisons, avec en leur sein fontaines, mausolées, fours et forts. Entourée de murailles percées de portes, elle était un monde en soi. Contrairement à une idée répandue, ce n'est pas l'Empire ottoman qui l'a fondée : c'est Moaz Edawla Ben Samadah, fuyant Almeria au XIe siècle après l'arrivée des Almoravides, qui a posé les premières pierres de la cité en 1068. L'un des traits les plus particuliers de cette Casbah réside dans ses habitations. À la différence des autres médinas d'Algérie, celles de Dellys disposent souvent d'un riyad, un jardin potager ou ornemental attenant à la maison, à l'image des maisons andalouses, notamment celles de Grenade. Ces espaces, séparés de la cour intérieure (wast eddar), s'ouvraient vers l'extérieur et embaumaient les foyers de jasmin, basilic et roses. L'été, ces jardins accueillaient plantes et arbres fruitiers ; en hiver, ils se transformaient parfois en champs de céréales. Comme toute Casbah, celle de Dellys est organisée en quartiers, séparés par un réseau dense de ruelles étroites, exclusivement piétonnes. Seule la voie principale, élargie durant la colonisation, échappe à cette règle. On dénombre, côté Basse-Casbah, les quartiers de Houmatte Eddarb, Sidi Elboukhari, Sidi Elharfi, El Mizab et El Marsa. En Haute-Casbah, ce sont Houmatte Salem, Hammam Erroum, Sidi Yahya et Sidi Mansour qui forment le tissu urbain. Aujourd'hui, la Casbah de Dellys ne compte plus que 324 bâtiments, dont une bonne part souffre des aléas temps : 125 sont de style traditionnel, 72 datent de la période coloniale, et 137 sont plus récents. Peu d'équipements publics subsistent : un lycée, une école, un centre de santé, une mosquée et quelques mausolées. Un fragile héritage, qui demande attention et soin. Un patrimoine sous protection Il a fallu attendre jusqu'en 2007 pour que naisse un véritable plan de sauvegarde de ce joyau architectural. Le Plan permanent de préservation et de restauration de la Casbah de Dellys a été pensé en trois grandes étapes. La première phase, achevée en 2009, visait l'urgence : déblaiement des gravats, sauvegarde et reclassement de pierres anciennes, consolidation des structures menacées. La deuxième, lancée en 2010, s'est penchée sur l'histoire et la typologie des bâtiments, pour mieux comprendre et respecter l'essence de la Casbah. La troisième étape, enfin, a permis d'outiller juridiquement et urbanistiquement la commune pour toute intervention future dans la zone, afin de préserver le caractère unique de cet espace. Ce vaste chantier a nécessité un budget global de 256 millions de dinars, dont 100 millions ont été dédiés aux premiers travaux d'urgence, selon les chiffres de la direction de la culture de la wilaya. R.C. Sources : http://openarchive.icomos.org/ -Yasmina Chaïd- Saoudi, docteur en préhistoire, département d'archéologie, Université d'Alger