En plein milieu des négociations sur le plan de sauvetage des banques, le Congrès américain a trouvé le temps de voter pendant le week-end une autre mesure sectorielle: l'octroi des 25 milliards de dollars de prêts dont les constructeurs automobiles avaient un besoin vital. Le Sénat a voté samedi les garanties publiques nécessaires à l'octroi de cette somme. Après l'adoption mercredi par la Chambre des représentants de ces mêmes dispositions, l'accord du président George W. Bush --dernière formalité nécessaire avant le déblocage des fonds -- ne fait pas de doute. La loi sur l'indépendance énergétique, adoptée par le Congrès en décembre, autorisait le gouvernement à accorder 25 milliards de dollars en prêts à taux préférentiel pour soutenir les constructeurs nationaux dans la réorientation de leur gamme vers des modèles plus économes en carburant. Ces prêts sont en principe destinés à financer «des véhicules aux technologies de pointe», l'administration Bush ayant évalué à 100 milliards le coût de l'effort nécessaire aux constructeurs pour adapter leur production aux nouvelles exigences gouvernementales en termes de consommation d'essence. Ces prêts sont ouverts aux constructeurs qui ont des usines aux Etats-Unis depuis au moins vingt ans. Les japonais Honda et Nissan sont concernés. «Nous sommes très heureux que le Congrès ait décidé d'agir à ce moment critique», a commenté un porte-parole de General Motors, Greg Martin. Pour les «trois grands de Détroit», General Motors, Ford et Chrysler, cet argent était vital pour réorienter leur gamme et leur appareil de production, mais aussi pour leur survie, alors qu'ils enregistrent des pertes massives. «Une première injection de 25 milliards diminuerait concrètement le risque de cessation de paiements pour les constructeurs automobiles américains», expliquait récemment un analyste de JPMorgan Chase, Himanshu Patel. Mais selon lui, 25 autres milliards seraient nécessaires pour assurer leur avenir. Mois après mois, le marché automobile américain se contractant et leurs parts de marché fondant aux Etats-Unis comme ailleurs, les trois géants sont, en effet, en train de brûler leur trésorerie à un rythme accéléré. GM a accumulé 70 milliards de dollars de pertes depuis 2005 et Ford près de 24 milliards depuis 2006. Chrysler, qui n'est plus coté et n'a donc plus l'obligation de publier ses résultats, aurait déjà perdu 400 millions de dollars cette année, selon la presse, après 1,9 milliard en 2007. Non seulement les trois constructeurs sont engagés dans de coûteuses restructurations pour revoir leur gamme, face à la désaffection des Américains pour les véhicules consommant le plus, 4x4 et autres «pick-up». De plus, les agences de notation ne cessent d'abaisser leurs notes de dette, estimant de plus en plus plausible un risque de non remboursement, ce qui renchérit sans cesse l'accès au crédit pour GM, Ford et Chrysler. L'octroi des prêts traduit le succès d'une campagne de lobbying forcenée des constructeurs en direction des élus des Etats «automobiles» du Michigan, de l'Ohio, de l'Indiana et du Missouri, décisifs pour la présidentielle de novembre. Le président de Chrysler, Robert Nardelli, avait cependant réfuté, avant le vote de la Chambre des représentants, la notion de «plan de sauvetage». Les trois constructeurs soulignent en effet que ceux qui recevront ces prêts devront les rembourser quand la conjoncture sera plus favorable.